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Tellspec, un mini-scanner portatif bientôt commercialisé, serait capable de donner en un clic la composition d’un aliment. Info ou intox ?

CASSE-TETE. Poissons au mercure, fruits et légumes traités aux pesticides, plats préparés bourrés de conservateurs et autres additifs chimiques… Lorsqu’on souhaite manger sain, faire son choix dans les rayons d’un supermarché relève du parcours du combattant. Sans parler des consommateurs allergiques qui doivent faire la chasse aux produits contenant du gluten ou de l'arachide, un véritable casse-tête ! Seule solution : s’accrocher pour déchiffrer les étiquettes qui sont au mieux illisibles, au pire incomplètes.

La promesse du scanner développé par la société Tellspec peut donc faire rêver. Serait-il l’objet connecté providentiel pour surveiller son alimentation ? En un clic, il ferait apparaître sur votre smartphone la composition détaillée du plat qui se trouve dans votre assiette ou d’un aliment encore sous emballage. S'afficherait aussi la teneur calorique du produit, pratique lorsqu'on suit un régime.

ALGORITHME. Le principe ? Un mini-spectromètre scanne le produit et enregistre un spectre qui est ensuite traité par un algorithme mathématique hébergé sur les serveurs de la firme. Le résultat obtenu, à savoir le détail de la composition du produit, est envoyé sur votre smartphone ou votre tablette via une application dédiée. En prévente au prix de 320$ (plus 7,99$ par mois ou 69,99$ par an au bout d’un an pour avoir accès au système d’analyse), Tellspec serait distribué d’ici début 2015.


ARNAQUE. Graisses, vitamines, gluten, pesticides, teneur calorique… Rien n'échapperait au mini-scanner selon la vidéo de démonstration postée sur le site de crowdfunding Indiegogo grâce auquel la start-up basée à Toronto a récolté près de 400 000$ l’automne dernier. Le hic : depuis que la société a empoché cette coquette somme, elle a non seulement avoué que la vidéo était une simulation (l’appareil ne fonctionne pas réellement, comme cela est maintenant précisé en bas de l’image), mais elle a aussi modifié la technologie utilisée - pourtant présentée dans le film comme « prête à être rentrer en production » suite à 9 mois de développement. Ce scanner alimentaire serait-il une arnaque, comme le dénoncent déjà certains ?
Le dispositif utilise la spectroscopie infrarouge pour analyser les aliments

ANALYSE. Le 17 mars dernier, la société Tellspec annonçait dans un communiqué qu’elle changeait son fusil d'épaule en matière de technique d'analyse. Exit la spectroscopie Raman, critiquée comme irréaliste pour cette application par des bloggeurs et des internautes suite à la campagne d’appel aux dons sur Indiegogo (difficile à miniaturiser, analyse uniquement en surface, gestion complexe des signaux parasites induits par cette technique…). Le scanner sera finalement équipé avec un spectromètre proche infrarouge fabriqué par Texas Instrument. Déjà utilisée pour contrôler la qualité des produits dans l’industrie agroalimentaire, la spectroscopie proche infrarouge (SPIR) semble à première vue un choix plus adapté. Grâce à une mesure réalisée en moins d’une minute et sans préparation de l’échantillon, elle permet d’accéder à la composition chimique des aliments sur une profondeur de plusieurs millimètres.

Comme toutes les techniques de spectroscopie, la SPIR étudie l’interaction entre la lumière et la matière. Lorsqu’un faisceau d’une longueur d’onde entre 800 et 2500 nanomètres (correspondant au proche infrarouge) vient frapper l’échantillon, il est absorbé de manière différente par chaque groupement chimique. Le rayonnement réfléchi par l’aliment est enregistré par un capteur situé à l’intérieur du scanner. Sur le spectre obtenu, on observe des bandes d’absorption caractéristiques des liaisons moléculaires en présence. Une information dont on peut déduire la concentration des molécules qui composent la matière.

Le scanner ne permettra pas de détecter les éléments trace

ALLERGIES. Mais attention, alerte Véronique Bellon-Maurel, directrice du département Ecotechnologies à l’Irstea (institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture) « cette technique ne permet pas de détecter les éléments trace. Je déconseille aux personnes allergiques de s’y fier car les traces d'arachide, par exemple, peuvent déclencher des réactions même en très faible quantité ». Selon les fondateurs de Tellspec, ce scanner serait pourtant destiné, entre autres, aux personnes souffrant d’allergies alimentaires. Quant à la promesse de la start-up de pouvoir indiquer la présence de pesticides, eux aussi présents en très faible quantité, elle « n’est pas réaliste », indique Véronique Bellon-Maurel.
Je déconseille aux personnes allergiques de s’y fier

ETALONNAGE. Quels constituants pourra donc détecter ce scanner alimentaire ? « Avec la spectroscopie proche infrarouge, il est possible d’analyser la teneur en sucre, en graisse, en protéines ou en certaines vitamines ». Des informations qui permettent aussi de connaître la teneur calorique du produit. Mais pour produire des résultats fiables « l’appareil nécessite un étalonnage précis sur plusieurs centaines d’échantillons connus ». Cet étalonnage doit se faire dans des conditions proches de celles de l’analyse, sous peine d’obtenir de faux résultats. « Lorsqu’on mesure la quantité de sucre présente dans un fruit, le spectre sera différent selon sa maturité ou sa température par exemple, dû à la modification de la structure physique de la matière ».

Il faudrait donc que chaque cas particulier fasse l'objet d'un étalonnage, une tâche colossale… Est-ce pour cette raison que Tellspec affirme que les résultats obtenus par son scanner gagneront en précision avec le nombre de scans effectués par la communauté ? Etrange… car les données recueillies porteront par définition sur des produits dont la composition n’est pas précisément connue. Les spectres n’auront donc en aucun cas valeur d’étalonnage.

PIZZA. Qu’en est-il des aliments très hétérogènes, comme une pizza par exemple ? « La lumière ne traversera pas forcément toutes les couches », explique Véronique Bellon-Maurel. Sans compter qu’il sera difficile d’obtenir une composition moyenne fiable, sachant que c’est à la main que vous devrez balayer l’aliment à l’aide du fameux scanner. Gare à ne pas passer une seconde de trop au-dessus du fromage, au risque que la composition en graisse ne soit entièrement faussée ! Voilà peut-être pourquoi dans sa dernière vidéo, Tellspec n’analyse plus que des cookies ou de simples crackers …
 
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