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On le sait, ce séisme a été prédit de longue date, mais il n’empêche que la secousse a été on ne peut plus rude, dimanche soir. Voici donc qu’un parti politique raciste et fasciste décroche la médaille d’or du peuple de France. Oh là là, comme elle est tout éclaboussée maintenant, notre belle république !

On voudrait croire que c’est un accident politique, mais le coeur n’est plus à ces candeurs. On voudrait aussi croire que ce n’est que de la politique politicienne, mais notre entendement n’entend plus ce genre de détournement de conscience.

En vérité, c’est une question qui transcende tout : elle est d’ordre mental, et culturel. Elle ne peut entrer dans aucun cadre que nos chers politologues déversent sur nous, presqu’avec jouissance, à longueurs d’élections : d’élections par défaut en élections ratées.

Si ce n’était que politique, à vrai dire je m’en serais personnellement réjoui. Qui, tel que moi, n’aurait pas applaudi des deux mains au naufrage du PS et de l’UMP, ces deux monstres voraces devenus incontrôlables, ou plutôt ce monstre à deux têtes que rien de nos malheurs ne peut plus apitoyer, ni rien de nos pillages le rassasier.

C’est que je suis d’une espèce qui en a marre de ces dirigeants politiques qui se comportent avec autant d’arrogance que d’aveuglement ; ces représentants du peuple qui clament avec un sadique contentement leur incapacité à tenir leurs engagements, comme si leur incapacité était une force pour contenir les revendications les plus triviales du peuple ; et comme si leur impuissance n’était qu’un gage de fidélité envers les possédants.

J’en ai marre de ces journalistes qui savent, mieux encore que les politiques, mettre les mots qu’il ne faut pas sur les maux qui nous rongent. Et qui se moquent comme de l’an quarante que le peuple puisse penser un instant qu’ils seraient dans le faux.

Ces journalistes qui savent se réjouir, même de leur propre faillite : même quand ils se trompent, ils nous jettent à la figure qu’ils savent mieux que nous qu’ils se sont trompés, et qui nous le disent avec la même arrogance que lorsqu’ils affirmaient ce qui allait par la suite s’avérer faux.

Je suis de ceux qui n’en peuvent de voir la gauche s’évertuer à ressembler à la droite, et la droite s’égosiller à ressembler à l’extrême droite. Une dérive implacable, inébranlable, d’abord invisible par le passé, mais maintenant de plus en plus grossière, telle la lave d’un volcan qui se répand partout.

J’en ai marre de voir ces élites ne se préoccuper en fin de compte que de leurs carrières personnelles, oscillant du public au privé et du privé au public, alternativement, selon que le vent souffle vers l’une ou l’autre de nos deux droites, celle dite de gauche et celle de droite pure et dure.

Aussi un tel naufrage aurait dû m’enchanter. Mais c’est hélas tout le contraire : j’en suis bougrement affligé. C’est que nous sommes dans le même bateau, le même bateau qui chavire. Et que le peuple ne pourrait que pâtir davantage de ce vote. Puisse l’avenir me démentir.

Ce vote, comme celui de 2002, pourrait avoir deux significations. Celle qui est commune, connue de tous, à savoir l’écroulement d’une certaine élite politique qui a, à la longue, privatisé tous les rouages du pouvoir pour son seul service, et pour le service des plus puissants qu’eux, je veux dire les véritables possédants de la richesse de ce pays.

Mais il y a aussi un second volet à ce vote, plus violent et plus destructeur : en croyant faire la nique à une classe politique devenue nauséabonde, le bon peuple de France n’a fait en fin de compte qu’une sacrée tentative de suicide. Fausse ou vraie, allez savoir, mais la tentation est, elle, bien palpable.

Comme si le peuple n’avait plus aucune échappatoire, aucune alternative : c’était soit ces lâchetés qui nous gouvernent, soit cette saleté de parti fasciste.

Ce faisant, d’aucuns font semblant de croire en ce rituel qui consiste à sacrifier l’autre, l’étranger, pour expurger ses propres fautes. Pourtant l’on sait depuis belle lurette qu’il n’y aura rien à sacrifier, à part soi-même, car l’autre est déjà nous mêmes, tous autant que nous sommes.

La question est donc celle-ci : comment se fait-il que le peuple n’ait point entendu d’autres voix, d’autres appels, lesquels ne manquaient pourtant pas de radicalité. Hasardons-nous à ceci : aucune autre voix ne criait la rage du peuple autant que les fascistes.

Aucune autre voix ne s’est suffisamment distinguée des gouvernants, ni de ceux d’hier ni de ceux d’aujourd’hui.

Nous sommes nombreux à avoir essayé, mais nous sommes restés finalement sans voix, car quoi que nous ayons fait, nous sommes apparus malgré tout comme de la même espèce que celle qui gouverne, incapables aux yeux du peuple de porter la colère comme il sied de la porter : au-delà de ce qui est convenu de le faire, en dehors de ce qui est permis de le faire.

Il nous faut une radicalité qui soit à la hauteur du désastre dans lequel on jette quotidiennement des pans entier de la population : jeunes, vieux, femmes, étrangers, etc.

Or nous ne l’avons pas, cette radicalité. Quand bien même nous le voudrions, nous en sommes pour l’heure empêchés par cette pratique douteuse qui consiste à dénoncer ceux qui dégradent la vie du peuple, mais à constamment s’allier à eux pour quelques placettes, pour quelques piécettes devrais-je dire. Cette attitude est peut-être bonne ou mauvaise politiquement, mais du point de vue de la morale politique, ou de la morale tout court, elle est purement et simplement honteuse. Car quoi que l’on en dise, il y a là un mensonge qui n’échappe pas au peuple, un camouflage qui se dévoile

de lui-même tôt ou tard, et qui nous réduit à une forme d’esclavage politique, à une position de domestiques électoraux qui nous coupe du peuple comme il a coupé ceux qui usent de cette pratique depuis des décennies, et qui se sont peu à peu englués dans une marginalité qui a fini par totalement les inhiber.

Cependant, on ne peut s’arrêter à ces causes. Il ya bien autre chose, hélas : nous autres, nous ne savons pas encore nous frotter au peuple abandonné. Nous avons beau avoir de la jeunesse et du courage, il nous manquera longtemps encore cette proximité quotidienne qui ne peut pas se réduire à des campagnes électorales.

Sans oublier que nous avons aussi un trou générationnel qui nous empêche d’accompagner convenablement les nombreux jeunes qui fortifient déjà nos rangs et ceux qui ne manqueront pas de se joindre à nous.

Et il nous faudrait enfin que notre parole médiatique soit renouvelée. Il nous faut apprendre à vite nous recentrer sur les questions qui touchent les plus démunis, les questions qui touchent les travailleurs dans toutes les catégories.

Il nous faudrait être précis et concis dans notre positionnement concernant toutes celles et tous ceux qui agissent pour l’éducation de la jeunesse : enseignants, travailleurs sociaux, militants de l’éducation populaire, bref, tous ceux qui doivent suppléer à la démission de tous et de chacun pour une éducation laïque, non discriminante et citoyenne.

En attendant, ce sont les plus haineux qui se font entendre. Ne soyons pas haineux, mais soyons des citoyens en colère, capables de constamment nous dresser face à la terrible paupérisation de nos concitoyens, capables, comme on le fait déjà en partie, d’envahir les rues pour dire notre refus des magouilles et des lâchetés de ceux de là haut.

Et pour ce faire, il faut d’abord s’armer de patience et de pugnacité, apprendre à poser constamment son regard sur le quotidien peinant de nos concitoyens, et non pas seulement sur les temps électoraux, sans bien sûr négliger ces moments de vérité que sont les consultations régulières du peuple.

Mustapha Kharmoudi
Ecrivain


 
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