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Commençons par une assertion entendue partout et de plus en plus: notre pays est une "exception marocaine" en transition démocratique. La notion de transition est une idée de mouvement, vers le mieux quand c'est possible, avec un plan de route réfléchi et préparé, allant d'un point A à un point B, définis au moins dans les contours et incluant la plus grande majorité possible de la population.

Ici, le point B est défini par un objectif de plus de démocratie. Et pourtant, notre entrée en modernité se fait à plusieurs vitesses. Le Maroc évolue au moins à deux vitesses, observables à l'œil nu, au sein de nos systèmes d'éducation, de santé ou de justice. La question que je pose est : devrions-nous continuer de parler de transition démocratique ou bien de crise de valeurs ?

Usons d'une transitivité ou d'un sophisme, selon le degré de bonne foi que nous y mettrons: nous parlons d'une transition démocratique en vue d'atteindre le développement, qui a besoin d'économie nécessitant, à son tour, une stabilité politique et sociale. Le développement a, donc, besoin de stabilité.
Poussons l'analyse: la stabilité politique, nous l'avons. L'identité immuable de la monarchie est une constante constitutionnelle de notre nation, après avoir été de droit divin. La stabilité sociale, quant à elle, ne peut être effective que si elle est accompagnée de développement humain et social préalable, en rajoutant au mot de développement celui d'équitable. Car en définitive, nous pouvons raisonnablement dire que le Maroc se développe. Ce qui demeure une source potentielle d'instabilité est l'absence d'équité.
L'histoire nous apprend qu'il existe deux manières de maintenir la stabilité sociale. Une stabilité forcée, par la violence de l'Etat, dite légitime. Solution potentiellement coûteuse socialement, financièrement et en terme d'image, et sans garantie durable d'efficacité. La seconde solution est celle de prendre le risque d'élever le niveau de la population en terme de développements humain (éducation, citoyenneté...) et social (espace et débat publics, libertés individuelles et collectives...).

L'intérêt de la seconde solution est celui d'atteindre, en plus du savoir et du savoir-faire, le savoir-être permettant de vivre ensemble, sereinement. Et d'acquérir un certain sens citoyen de ce qui est commun et de l'intérêt général. Solution coûteuse également, elle l'est, certainement. Car notre pays part de loin, nos indices de développement indiquent encore un fort taux d'analphabétisme, de basse productivité par individu, de déperdition de l'argent public à cause de la corruption ou "tout simplement" par incompétence, ou les deux à la fois.

Il s'agit, toutefois, de ce dont nous manquons jusque-là, d'un cap et d'une vision humaniste, et réaliste à long terme. Nous pouvons continuer à jouer les effets de manches de la communication à l'extérieur et de la répression à l'intérieur, même si ça marche encore, cela ne dupe plus personne et ne permet pas de régler nos dépressions et nos schizophrénies.
"Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance!" disait Abraham Lincoln.
En plus de stabilité, le développement a besoin de créativité qui a besoin, à son tour, de champ où s'exprime la création, librement. Nous en arrivons à la crise des valeurs, plaçons-en quelques unes comme dans un inventaire à la Perec, dans le désordre: modernité, monde, liberté, économie équitable, justice sociale, intérêt général, identité, diversité culturelle, Islam, monarchie, démocratie, espace public, éducation, recherche, autocritique...

Toutes ces valeurs, il n'y a pas mieux que la culture pour nous aider à les atteindre, du moins à nous interroger. Pas uniquement la culture au sens esthétique, bien que le beau soit utile à l'âme, mais la culture au sens des valeurs, des attitudes et des comportements quotidiens. Notre développement a besoin d'anthropologie, puisqu'il est question de valeurs de vie ensemble, de respect, de diversité, d'identité, d'autorégulation sociale, d'espace public... De savoir-être et de savoir-vivre. Pour résumer, de capital immatériel!

Cette contribution est faite pour notre/ma propre psychanalyse. Elle est, au mieux, une lettre ouverte au lecteur, en aucun cas une leçon de morale. Pour conclure, je paraphrase Alaa El Aswany qui finissait ses "Chroniques de la révolution égyptienne" par "La démocratie est la solution". Je propose: "La culture est la solution", afin que ce ne soit pas autre chose de populiste ou d'extrême qui la remplace, car la nature a horreur du vide.

Aadel Essaadani
Président de l'association Racines
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