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Si le temps « n'existe pas », ou tout du moins pas tel que nous le percevons, pourquoi alors notre perception est-elle limitée de la sorte ? Serait-ce nécessaire pour que nous apprenions des leçons qui ne peuvent être apprises qu'avec un temps limité ? Serait-ce nos sens qui nous limitent ?

Bernard Jampsin vous explique comment comprendre le temps. L'espace-temps est une notion que nous ne pouvons pas concevoir mais M. Jampsin vous donne une analogie permettant d'avoir une idée de ce que nous ne pouvons - à priori- pas comprendre.


Le temps est-il une illusion ?
Le temps n'est peut-être pas une entité fondamentale. D'après certains physiciens, il pourrait émerger à notre perception dans le cadre d'un monde parfaitement statique.

Pendant que vous lisez cette phrase, vous pensez probablement que le moment présent, là maintenant, correspond à ce qui est en train de se passer. Vous sentez que l'instant présent a quelque chose de particulier. Il est réel. Vous pouvez vous rappeler le passé ou anticiper l'avenir, mais vous vivez dans le présent. Bien sûr, le moment où vous avez lu cette première phrase n'a plus cours. Le moment où vous lisez celle-ci l'a remplacé. En d'autres termes, nous avons la sensation d'un écoulement du temps. Notre intuition profonde est que le futur est ouvert jusqu'à ce qu'il devienne le présent, et que le passé est fixé. À mesure que le temps s'écoule, cette structure de passé fixé, présent immédiat et avenir ouvert se décale dans un sens, toujours le même. Cette structure est inscrite dans notre langage, nos pensées et notre comportement.

Pourtant, aussi naturelle que soit cette conception, la science ne la reflète pas. Les équations de la physique ne nous disent pas quels événements sont en train de se passer juste maintenant ; on peut en effet comparer ces équations à une carte où le symbole « Vous êtes ici » est absent. De plus, les théories de la relativité d'Albert Einstein suggèrent non seulement qu'il n'existe pas un unique présent particulier, mais que tous les instants sont également réels.

La divergence entre la compréhension scientifique du temps et l'intuition que nous en avons préoccupe les penseurs depuis longtemps. Elle n'a fait qu'augmenter à mesure que les physiciens dépouillaient le temps de la plupart des attributs dont nous le revêtons d'ordinaire. Aujourd'hui, le fossé entre le temps de la physique et le temps de l'expérience humaine atteint sa conclusion logique : beaucoup de théoriciens sont arrivés à croire que, fondamentalement, le temps n'existe même pas.

L'idée de l'inexistence du temps est si étonnante qu'il est difficile de voir comment elle pourrait être cohérente. Tout ce que nous faisons est ancré dans le temps. Le monde est une série d'événements reliés les uns aux autres par les fils du temps. N'importe qui peut constater que mes cheveux grisonnent, que les objets bougent, etc. Nous observons du changement, qui correspond à des variations de propriétés par rapport au temps. Sans le temps, le monde serait immobile. Mais comment une théorie dépourvue de temps pourrait-elle expliquer que nous observons des changements ?
Le temps vu comme un concept émergent

Même si le temps n'existe pas au niveau fondamental, il peut apparaître à des niveaux supérieurs, de la même façon qu'une table est solide alors qu'elle n'est qu'un assemblage de particules constituées, pour l'essentiel, d'espace vide. La solidité est une propriété collective, ou émergente, des particules. Le temps aussi pourrait être une propriété émergente des ingrédients élémentaires du monde.

Ce concept de temps émergent est potentiellement révolutionnaire. Einstein affirmait que l'étape clef du développement de la théorie de la relativité avait été de repenser le temps. À l'heure où les théoriciens poursuivent son ambition d'unir la relativité générale avec la physique quantique, beaucoup jugent que sans une réflexion approfondie sur le temps, il sera impossible de progresser.

L'idée intuitive que nous avons du temps a connu une succession de revers au fil des progrès de la physique. Commençons par le temps de la physique classique, dite newtonienne. Les lois du mouvement de Newton sous-entendent que le temps est doté d'un certain nombre de caractéristiques.

Tous les observateurs s'accordent en général sur l'ordre dans lequel les événements se déroulent. Quels que soient l'instant et le lieu où un événement se produit, la physique classique suppose que l'on peut objectivement dire s'il a eu lieu avant, après ou en même temps que n'importe quel autre événement. Le temps permet donc d'ordonner complètement tous les événements de l'Univers. La simultanéité est une propriété absolue, indépendante de l'observateur. De plus, le temps doit être continu afin que l'on puisse définir la vitesse et l'accélération.

Le temps classique doit également être doté d'une notion de durée permettant de quantifier ce qui sépare les événements dans le temps. Pour dire qu'un guépard peut courir à 110 kilomètres par heure, nous devons avoir une mesure de ce qu'est une heure. Et tout comme l'ordre des événements, la durée est indépendante de l'observateur en physique newtonienne.

Pour l'essentiel, Newton supposait donc que le monde est muni d'une horloge maîtresse. La physique newtonienne écoute le tic-tac de cette horloge et d'aucune autre. Newton pensait en outre que le temps s'écoule et que cet écoulement définit une flèche indiquant le futur ; mais ces caractéristiques supplémentaires ne sont pas strictement exigées par les lois newtoniennes.

Le temps de Newton peut nous sembler suranné, mais en y réfléchissant un peu, on peut remarquer à quel point cette conception est étonnante. Ses nombreuses caractéristiques (ordre, continuité, durée, caractère absolu de la simultanéité, écoulement et flèche... Craig Callender







 
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