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Le sociologue, poète et artiste peintre Mustapha Saha adresse aux autorités marocaines un appel sans ambiguïté. Selon lui, la présence du Maroc comme invité d’honneur au salon Livre Paris ne peut se faire sans un « hommage historique aux monstres sacrés de la littérature des deux rives ».

Pour la troisième fois depuis la présentation de la liste des auteurs invités par le salon de Paris, des manques – manquements ? – sont pointés. Si les écrivain.e.s conviés auront la responsabilité de représenter la littérature marocaine contemporaine, les choix opérés sont contestés. Auteurs franco-marocains, peut-être, mais représentatif de la littérature marocaine, plusieurs ont déjà exprimé leurs doutes.

Mustapha Saha apporte ainsi sa pierre au débat : il évoque ainsi plusieurs grands auteurs, disparus et auxquels la manifestation devrait rendre hommage. Pour l'heure, rien n'a été avancé par les organisateurs du salon, et l'on ignore tout de la programmation globale de la manifestation prévue en mars prochain.
La piqûre du sociologue ne sera certainement pas inutile. Sa tribune est ici publiée intégralement.
"La parade d’une trentaine de polygraphes médiatiques ne saurait donner le change aux cruelles omissions."
Le Salon du Livre de Paris (du 24 au 27 mars 2017), où le Maroc est invité d’honneur, est une opportunité historique pour actualiser les monstres sacrés des lettres marocaines, qui ont indélébilement inscrit leurs œuvres dans le patrimoine de l’humanité : Driss Chraïbi, Edmond Amran El Maleh, Mohamed Leftah, Mohamed Choukri, Mohammed Khair Eddine, Mohamed Zafzaf, Ahmed Bouanani et Tayeb Saddiki.

Ces auteurs, liquidateurs parricides des tutelles stérilisatrices, démystificateurs placides des superficialités séductrices, explorateurs translucides des cavernes régénératrices, ont désenchaîné l’imaginaire maghrébin de ses cadènes séculaires, affranchi la langue de ses ligatures scolaires, délivré les thématiques de leurs schizomanies bipolaires.

Des auteurs censurés, relégués, pestiférés de leur vivant, entrés de plain-pied dans la postérité réparatrice, laboureurs outre-tombe des devenirs inaccomplis. La parade d’une trentaine de polygraphes médiatiques ne saurait donner le change aux cruelles omissions. Le véritable rayonnement culturel se réalise dans la légitimation des subversions dépuratives, la transmission des insoumissions créatives, la fertilisation des éclosions qualitatives.

Ces écrivains, immortalisés comme sémaphores inextinguibles, étudiés dans les universités comme références classiques, dépecés dans les centres de recherche comme raretés archéologiques, méprisaient les prix littéraires, les validations académiques, les distinctions honorifiques.

Les auteurs du Maroc invités à Livre Paris “véritable scandale” ou vraie diversité ?
Ils n’avaient d’autre mentor que leur dragon protestataire, d’autre Pygmalion que leur démon réfractaire, d’autres idoles que leur muse salutaire. Ils ont libéré la littérature des longes matricielles, des confections circonstancielles, des servitudes révérencielles. Libertaires allergiques aux reconnaissances officielles, ils ont forgé leur singularité dans l’impertinence scripturale, l’audace immorale, l’errance sidérale.

Ils ont multiplié, dans la tourmente fécondatrice, les brassages linguistiques, les hybridations stylistiques, les intersections sémantiques. Ils auront précocement cultivé l’inédite fraternité planétaire.

Mustapha Saha : sociologue, poète, artiste peintre. Cofondateur du mouvement du 22 mars et figure historique de Mai 68. Auteur de nombreuses études en sociologie urbaine. Artiste exposant dans « Le Maroc contemporain à l’IMA ». Il mène actuellement une recherche sur les mutations civilisationnelles induites par la Révolution numérique. Il vient d’écrire Haïm Zafrani, penseur de la diversité marocaine, et prépare la sortie de plusieurs livres, L’Arpenteur d’infini (recueil de poèmes), Traité du diversalisme, et Le Mausolée littéraire.

Source : actualitte.com/







 
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