Ce début d'année 2017 avait déjà été rude puisqu’il avait fallu dénoncer, protester, manifester contre l’ouverture imminente à Paris d’un lieu qui, sous couvert d’un fétichisme éhonté, puissant et malsain pour les cultures afro-diasporiques de la période de l’entre-deux-guerres, devait s’appeler « Le Bal nègre ». Cela sans qu’aucun des nombreux organismes publics et commissions ayant validé le projet ne s’en émeuvent le moins du monde.
Bien entendu, le terme « nègre » employé alors, en cette tout jeune année 2017, devait être compris comme un hommage, une marque profonde d’amour et de respect envers les cultures et peuples noirs de la diaspora. Qui oserait donc mentionner l’ancrage fondamental du terme dans l’histoire racialisée de l’Occident, de la France ? Finalement, le lieu devrait être renommé autrement par le propriétaire du lieu. Victoire ?
Un système de domination qui nous écrase
Oui, victoire, mais de courte durée puisque à peine quelques jours plus tard tombait la terrible nouvelle : le jeune Théo, 22 ans, vivant dans la commune d’Aulnay-sous-Bois, se retrouvait hospitalisé à la suite d’un contrôle d’identité effectué par la police locale. Ce contrôle de police ayant « mal tourné », une matraque télescopique se serait « malencontreusement » et « accidentellement » retrouvée dans une des parties les plus intimes du corps du jeune homme, provoquant une déchirure de plusieurs centimètres, une intervention chirurgicale en urgence, la pause d’une poche et un ITT de 60 jours.Dans le récit qu’il a livré, Théo a également évoqué les nombreuses insultes qui lui ont été adressées, dont certaines à caractère raciste. Parmi celles-ci : « bamboula ».
Dans quelle France vit-on ? La question est rhétorique car nous savons très bien dans quel type de France nous évoluons : une France gangrénée par son racisme séculaire, une France rongée par les inégalités de tout ordre qui se présente ainsi comme implacablement et hiérarchisée de manière intersectionnelle à travers la classe sociale, la race, le genre, la sexualité, le rapport au handicap physique ou mental.
En constituant un véritable système, toutes ces catégories ne font pas que se superposer, non, elles s’imbriquent, elles fonctionnent ensemble pour donner corps à ce système de domination qui nous écrase, nous étouffe, nous pénètre au plus profond de notre intimité physique et psychique. Que nous soyons directement ou indirectement ciblés, le fonctionnement de cette société française nous concerne tous en réalité. Que nous en soyons les victimes, les complices, les dirigeants ou les bénéficiaires, nous faisons tous partie de ce grand ensemble. Il ne s’agit donc pas de réformer cette structure, mais de la détruire. Tout simplement.
La catégorie des « bamboulas » est extensible à souhait
Dans le but de défendre ses collègues, face aux accusations qui se sont prestement fait entendre, un représentant d’un syndicat de police n’a rien trouvé de mieux à faire que de déclarer sur une chaîne de France Télévisions que, si « bamboula » était bel et bien une insulte, celle-ci n’en était pas moins une insulte « encore à peu près convenable ». Qui ne comprend pas le caractère raciste de ce terme ne pourra jamais comprendre le caractère raciste des contrôles au faciès et des violences policières qui en découlent trop fréquemment lorsqu’il s’agit de certaines populations, précisément ces mêmes « bamboulas » et tous ceux qui pourraient leur être associés : les Arabes, les Roms, les habitants des quartiers populaires, les pauvres, les trans-genres, les blancs déchus car pauvres et renégats, certains étrangers, et tous les sans-papiers.
Méfions-nous. Méfiez-vous. La catégorie des « bamboulas » est extensible à souhait et ne fait que refléter les intérêts du moment. Ceux et celles qui croient aux valeurs prônées avec tant d’hypocrisie par nos sociétés, ceux et celles qui tentent de rationaliser le fonctionnement fondamentalement inique de celles-ci, ceux et celles qui croient en un ordre naturel des choses devraient porter un regard plus attentif sur l’histoire, la sociologie et les sciences sociales en général pour prendre véritablement conscience des processus de fabrication, de contestation et de destruction des catégories sociales, raciales, politiques, sexuelles de nos sociétés.
Les privilégié(e)s d’aujourd’hui ne seront peut-être pas ceux et celles de demain. Par conséquent, la mise en œuvre radicale de la justice et de l’égalité réelles nous concerne tous et relève d’un intérêt commun. La paix sociale est totalement inféodée aux principes non négociables de justice et d’égalité. Oui, la police représente la force de l’État et en cela elle est puissante. Cela dit, le peuple qui, lui seul, confère légitimité à l’Etat, n’est en réalité pas moins puissant.
Nous sommes citoyens français, égaux en droits et liés par la sacro-sainte devise « Liberté, Égalité, Fraternité » ? Parfait ! Alors, aux armes, citoyens ! Nous savons déjà que nos armes sont nombreuses, efficaces, mais surtout miraculeuses.
Bien entendu, le terme « nègre » employé alors, en cette tout jeune année 2017, devait être compris comme un hommage, une marque profonde d’amour et de respect envers les cultures et peuples noirs de la diaspora. Qui oserait donc mentionner l’ancrage fondamental du terme dans l’histoire racialisée de l’Occident, de la France ? Finalement, le lieu devrait être renommé autrement par le propriétaire du lieu. Victoire ?
Un système de domination qui nous écrase
Oui, victoire, mais de courte durée puisque à peine quelques jours plus tard tombait la terrible nouvelle : le jeune Théo, 22 ans, vivant dans la commune d’Aulnay-sous-Bois, se retrouvait hospitalisé à la suite d’un contrôle d’identité effectué par la police locale. Ce contrôle de police ayant « mal tourné », une matraque télescopique se serait « malencontreusement » et « accidentellement » retrouvée dans une des parties les plus intimes du corps du jeune homme, provoquant une déchirure de plusieurs centimètres, une intervention chirurgicale en urgence, la pause d’une poche et un ITT de 60 jours.Dans le récit qu’il a livré, Théo a également évoqué les nombreuses insultes qui lui ont été adressées, dont certaines à caractère raciste. Parmi celles-ci : « bamboula ».
Dans quelle France vit-on ? La question est rhétorique car nous savons très bien dans quel type de France nous évoluons : une France gangrénée par son racisme séculaire, une France rongée par les inégalités de tout ordre qui se présente ainsi comme implacablement et hiérarchisée de manière intersectionnelle à travers la classe sociale, la race, le genre, la sexualité, le rapport au handicap physique ou mental.
En constituant un véritable système, toutes ces catégories ne font pas que se superposer, non, elles s’imbriquent, elles fonctionnent ensemble pour donner corps à ce système de domination qui nous écrase, nous étouffe, nous pénètre au plus profond de notre intimité physique et psychique. Que nous soyons directement ou indirectement ciblés, le fonctionnement de cette société française nous concerne tous en réalité. Que nous en soyons les victimes, les complices, les dirigeants ou les bénéficiaires, nous faisons tous partie de ce grand ensemble. Il ne s’agit donc pas de réformer cette structure, mais de la détruire. Tout simplement.
La catégorie des « bamboulas » est extensible à souhait
Dans le but de défendre ses collègues, face aux accusations qui se sont prestement fait entendre, un représentant d’un syndicat de police n’a rien trouvé de mieux à faire que de déclarer sur une chaîne de France Télévisions que, si « bamboula » était bel et bien une insulte, celle-ci n’en était pas moins une insulte « encore à peu près convenable ». Qui ne comprend pas le caractère raciste de ce terme ne pourra jamais comprendre le caractère raciste des contrôles au faciès et des violences policières qui en découlent trop fréquemment lorsqu’il s’agit de certaines populations, précisément ces mêmes « bamboulas » et tous ceux qui pourraient leur être associés : les Arabes, les Roms, les habitants des quartiers populaires, les pauvres, les trans-genres, les blancs déchus car pauvres et renégats, certains étrangers, et tous les sans-papiers.
Méfions-nous. Méfiez-vous. La catégorie des « bamboulas » est extensible à souhait et ne fait que refléter les intérêts du moment. Ceux et celles qui croient aux valeurs prônées avec tant d’hypocrisie par nos sociétés, ceux et celles qui tentent de rationaliser le fonctionnement fondamentalement inique de celles-ci, ceux et celles qui croient en un ordre naturel des choses devraient porter un regard plus attentif sur l’histoire, la sociologie et les sciences sociales en général pour prendre véritablement conscience des processus de fabrication, de contestation et de destruction des catégories sociales, raciales, politiques, sexuelles de nos sociétés.
Les privilégié(e)s d’aujourd’hui ne seront peut-être pas ceux et celles de demain. Par conséquent, la mise en œuvre radicale de la justice et de l’égalité réelles nous concerne tous et relève d’un intérêt commun. La paix sociale est totalement inféodée aux principes non négociables de justice et d’égalité. Oui, la police représente la force de l’État et en cela elle est puissante. Cela dit, le peuple qui, lui seul, confère légitimité à l’Etat, n’est en réalité pas moins puissant.
Nous sommes citoyens français, égaux en droits et liés par la sacro-sainte devise « Liberté, Égalité, Fraternité » ? Parfait ! Alors, aux armes, citoyens ! Nous savons déjà que nos armes sont nombreuses, efficaces, mais surtout miraculeuses.
Rédigé par Maboula Soumahoro
Maîtresse de conférences à Bennington College et à Columbia University
Source : saphirnews.com/