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« Il faut savoir que l’adversaire vous tue intellectuellement, il vous tue moralement, avant de vous tuer physiquement. Mais c’est de cette manière que l’on a supprimé des groupes entiers. On vous nie en tant qu’Être moral, on vous nie en tant qu’Être culturel.

On ferme les yeux, on ne voit pas les évidences. On compte sur votre complexe, sur votre aliénation, sur le conditionnement, les réflexes de subordination et sur tant de facteurs de ce genre. Et si nous ne savons pas nous émanciper d’une telle situation par nos propres moyens mais il n’y a pas de salut (…) nous menons, et on mène contre nous, le combat le plus violent, plus violent même que celui qui a conduit à la disparition de certaines espèces. Et il faut justement que votre sagacité intellectuelle aille jusque-là » Cheikh Anta Diop, conférence de Niamey, 1984.

A gauche le pharaon Tuankha Imana (Toutankhamon) et sa femme la souveraine d’Egypte Ankh Sen Imana, fille d’Akhenaton et de Nefertiti
A droite : couverture d’un livre sur les Égyptiens publié en Occident et en Asie. Les nez sont tellement tranchants qu’ils menacent de déchirer la couverture. Ce pharaon imaginaire est par ailleurs très beau avec les petits ronds du casque militaire pharaonique qui représentent le cheveu crépu. Nous sommes admiratifs.
Pour toute femme ou pour tout homme noir(e) qui entre en contact avec sa véritable histoire, il ne peut au départ qu’être bouleversé, choqué, de découvrir qui il est réellement. Le choc de la civilisation égyptienne, de la civilisation carthaginoise, des empires de la boucle du Niger ou de la civilisation Shona au Zimbabwe, du royaume du Bénin ou de l’empire Kongo, de la civilisation Swahili ou Ashanti, du Maroc impérial et de la civilisation maure en Espagne, des civilisations noires de l’Amérique d’avant Christophe Colomb ou des premières civilisations d’Asie etc… On passe de surprises en surprises, et on ne peut que se demander avec stupeur et incompréhension pourquoi… au nom de quoi a-t-on été privé de la connaissance de ce passé glorieux ? Pourquoi les Occidentaux – car c’est d’eux dont il s’agit – nous ont-ils volé notre mémoire et nos ancêtres ?

Il faut savoir que la falsification de l’histoire africaine a commencé à l’occasion de la traite négrière européenne. Quand les Européens sont arrivés en Afrique pour débuter leurs 400 ans d’actions terroristes, ils connaissaient déjà bien les Africains. Nous avions pendant 781 ans, occupé l’Espagne, le Portugal et la Sicile à travers les Noirs berbères du Maghreb dits Maures ou Sarrasins. Et ce sont nos ancêtres qui avec les Arabes, ont bâti la civilisation la plus importante dans une Europe enfoncée dans la pauvreté et l’arriération du Moyen Âge. 

Voilà l’image que les Européens avaient des Noirs en arrivant en Afrique
La civilisation maure en Espagne et au Portugal est à l’origine de la renaissance européenne. C’est elle qui a sorti l’Europe de son état semi-barbare du Moyen-Âge
Lorsque les portugais posèrent les pieds dans une Afrique qui était certainement le continent le plus riche au monde, les Maures étaient presque vaincus en Europe. Les Européens savaient donc à travers cette belle civilisation que nous avions laissée quelles étaient nos capacités. Ils avaient eu l’occasion de confirmer notre haute intelligence en voyant et en décrivant les magnifiques civilisations qu’ils trouvèrent en Afrique et qu’ils allaient détruire. L’infériorité de l’homme noir ne reposait donc – du point de vue européen – sur aucun fait historique. Tout le mythe de l’homme noir inférieur et sans civilisation a par conséquent été inventé de toutes pièces.

En réalité c’est l’esclavage qui a engendré le racisme. Fuyant les Nord Africains – noirs et blancs – mieux armés, les Européens se tournèrent vers l’Afrique subsaharienne sans défense, qui était idéalement placée pour servir leurs projets esclavagistes en Amérique. Mais comment allait-on justifier aux yeux du monde la mort directe et indirecte et la déportation de 400 à 600 millions de personnes ? On ne pouvait pas décemment dire que ceux-là qu’on mettait en esclavage s’habillaient de soie et de velours et savaient administrer de brillants empires.

Non, il fallait que ce soit des sous-hommes, des dégénérés pour que tous ceux qui seraient impliqués dans le plus grand crime de tous les temps, soient confortés dans le fait qu’ils ne violaient pas les lois de l’humanité et puissent donner libre cours à leurs instincts meurtriers. C’est ainsi que le Noir inférieur et illogique est né.

Détruire l’image d’un peuple est préalable à son génocide. Ce préalable fut employé dans tous les génocides de l’histoire. Pour faire accepter la disparition d’un peuple, vous devez d’abord le tuer culturellement et moralement. On ne commet pas un génocide sur un peuple qui a de la valeur. L’histoire des Africains a donc été détruite d’abord pour justifier l’esclavage.

Notre culture devint par conséquent du folklore, nos langues des dialectes, nos rois des sanguinaires vendeurs d’esclaves, notre religion ancestrale de la sorcellerie ou du paganisme. Tous les récits sur nos civilisations et tous les travaux qui s’orientaient à en restaurer la mémoire furent marginalisés.

Mais c’est à la veille de la colonisation que la plus grave falsification de notre histoire fut menée : le blanchiment de la civilisation égyptienne. Il y avait au milieu du 19e siècle un regain pour la civilisation pharaonique dont les hiéroglyphes venaient d’être déchiffrés. Mais l’objectif affichée de la colonisation étant la mission civilisatrice sur les peuples sauvages, on ne pouvait pas dire qu’on allait civiliser les civilisateurs de l’humanité, ceux qui avaient érigé la plus importante civilisation de l’antiquité, la civilisation la plus déterminante de l’histoire humaine. L’égyptologie occidentale est donc née pour minimiser et blanchir la civilisation égyptienne.

Aujourd’hui les Noirs sont toujours vus comme des moins que rien, comme la serpillière de l’humanité. La pauvreté et l’arriération dans lesquelles l’Occident nous a plongé est en partie responsable de notre image désastreuse. Mais le prétendu manque de réalisations passées, notre couleur associée à la malédiction dans le christianisme et notre culture associée à la mécréance dans l’islam, achèvent de nous détruire. La falsification de l’histoire noire est la condition indispensable à l’exploitation continue des Noirs où qu’ils soient.

Vous êtes incapables de gérer une monnaie, vous ne l’avez jamais fait. Alors on vous impose le Franc CFA qui prend 50% de vos recettes annuelles. Vous êtes incapables de comprendre la valeur de vos ressources naturelles et de les exploiter. Alors on vous prend votre coltan, votre uranium, votre pétrole et vos diamants. Vous êtes incapables de rentabiliser vos terres. Alors on vous prend 80% de vos terres en Afrique du Sud. Vous n’avez jamais bâti d’État fort et êtes incapables de vous administrer. Alors on vous impose vos dirigeants et votre modèle politique.

Cheikh Anta Diop le disait « l’impérialisme culturelle est la vis de sécurité de l’impérialisme économique, détruire les bases du premier, c’est donc contribuer à la suppression du second ». L’énergie formidable qui est déployée par l’Occident pour anéantir notre mémoire lui permet de continuer à se servir de nos richesses et à perpétuer le mythe de la suprématie de l’homme blanc dont il tient tant. Il faut s’arrêter un moment pour méditer, mesurer ici la gravité de l’acte, la cruauté hallucinante dont il faut être pétri pour voler à 1,1 milliard de personnes ses parents. Quel genre de créature fait ce genre de chose? C’est comme si on entrait par effraction dans votre maison et qu’on brûlait tous vos albums photos. Et pour couronner le tout, on se moquait de vous et on vous proférait des insultes parce que vous n’avez pas d’album photos.

C’est la même méthode depuis la traite : videz l’Africain de son âme pour en faire une marionnette. Tout comme les Africains mis en esclavage étaient baptisés avant de quitter le continent, tout comme ils étaient fouettés une fois en Amérique pour leur faire changer de nom, aujourd’hui encore tout est fait pour tuer notre identité. La destruction de la mémoire noire est pour nous, la chose la plus grave que l’Occident ait fait à l’Afrique. Car tous les peuples ou presque ont connu des moments difficiles, mais ils se sont presque tous relevés parce qu’ils s’inscrivaient dans une continuité historique. Ils savaient qui ils étaient, d’où ils venaient et où ils devaient aller. Nous priver de cela, c’est s’assurer que nous ne nous relèverons jamais. Restaurer la conscience historique africaine, rendre aux Noirs leur place dans l’histoire, c’est contribuer grandement à faire renaître l’Afrique de ses cendres.

Toute femme noire ou tout homme noir qui assimile son passé – qui accepte de passer du statut d’éternel esclave pour entrer dans ses habits de civilisateur de l’humanité – finit par devenir un être humain entier et normal, parfaitement conscient de ses capacités, du fait qu’il peut élever des tours, construire des barrages, écrire des constitutions. Il est débarrassé des réflexes pathologiques de subordination envers l’Occidental et l’Arabe. Il devient fier et insoumis, il assume ses langues, son accent et sa culture. En un mot, il finit par ressentir lui aussi ce que le chinois ou l’européen ressentent, il finit par être porté par ses ancêtres pour accomplir l’impossible.

« Ce qui rend le soit-disant « nègre » incapable de se tenir sur ses propres pieds, (est) qu’il n’a aucune confiance en lui. Il n’a aucune confiance en sa propre race. Parce que l’homme blanc a détruit votre passé et le mien, a détruit la connaissance de notre culture. Et en l’ayant détruite, maintenant nous ne savons pas si nous avons si nous avons une quelconque réalisation, un quelconque accomplissement. Et aussi longtemps que vous pouvez être convaincus que vous n’avez jamais rien fait, vous ne pouvez jamais rien faire » Malcolm X

Par : Lisapo ya Kama ©
Source : lisapoyakama.org/







 
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