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Résumé : L’auteur nous livre sa réflexion sur le concept de la diversité comme une constante universelle et une réalité structurelle de la société française datant de ses origines. Il précise historiquement et sémantiquement les concepts de minorité ethnique, la discrimination positive, la race, le chauvinisme et la xénophobie en faisant valoir que l’universalité est désormais plurielle.

Extrait de l'ouvrage "La Diversité est Universelle"
 
La diversité, trop souvent réduite par les discours électoraux à l’altérité, n’est pas un concept politique, mais une constance universelle et une réalité structurelle de la société française depuis les origines. Le peuple français s’est constitué depuis plusieurs milliers d’années, et singulièrement depuis deux mille ans, par des couches ethniques successives, venues du nord et de l’est de l’Europe et de tout le pourtour méditerranéen. Les notions de minorité ethnique ou de minorité visible faussent le débat à la racine. La notion de minorité évoque immanquablement une greffe d’un organe extérieur et induit un fait de marginalité, qui revêt un caractère permanent. La focalisation, comme un sous-modèle de discrimination positive, sur les candidats dits de la diversité aux différentes élections, considérés comme tels, indépendamment de leur programme et de leurs compétences propres, a créé les conditions de leur échec global.

De même qu’il n’y aucune vie possible sans biodiversité, il n’y a aucune société humaine viable, aucune civilisation durable sans pluralité. La consanguinité, autrefois présente dans certains milieux ruraux à cause de leur cloisonnement, aboutissait à la dégénérescence. La prohibition ancestrale de l’inceste s’explique avant tout par des raisons de survie des groupes humains. Les romans du dix-neuvième siècle abondent d’exemples de décadence de dynasties célèbres par insuffisance de brassage génétique. Les civilisations, non irriguées par des apports culturels renouvelés, sont condamnés à la stagnation. La diversité ne nuit pas à l’homogénéité, elle la nourrit par la synergie qu’elle rend possible. Elle ne signifie pas la disparité du multiple, mais son échange créatif.

La Déclaration Universelle de l’Unesco de 2001 proclame la diversité culturelle comme « patrimoine commun de l’humanité. » L’universalité n’est plus monolithique, imposée au monde par une seule puissance planétaire.

L’universalité est, désormais, plurielle. La révolution numérique lui offre un champ infini d’échange et d’expression. Les langues et les cultures menacées renaissent. Il n’est d’avenir culturel que dans les savoirs partagés.

Le projet d’inscription de la diversité dans La constitution française, en légalisant la discrimination positive, vise, en réalité, l’affaiblissement de la laïcité, de la liberté d’expression et de pluralité des convictions. C’est la diversité régionale, culturelle, ethnique qui a fertilisé l’universalité et le génie propre français. La déclaration d’intention de la droite, « la charte de la diversité » relève de la diversion.

Il ne s’agit pas de légaliser la diversité, mais d’interdire toutes les formes de discriminations qui la contrarient. La discrimination positive, solution à double tranchant, qui paraissait se justifier dans une société communautariste comme les États-Unis, y a montré ses limites et démontré ses effets pervers. Elle n’a aucune raison d’être dans la société française qui a toujours produit une symbiose de ses multiples composantes. La discrimination positive, pratiquée par le sarkozysme, à grand renfort de publicité, singulièrement dans la composition de son gouvernement est un gadget qui a accouché de cette notion monstrueuse de « français d’origine étrangère ». Cette formule choquante est un non-sens sociologique et une aberration politique, une aberration dangereuse pour les principes égalitaires la République. La société s’unifie dans et par sa diversité dès lors que l’égalité s’applique sans aucune distinction. Il ne s’agit pas de légaliser la diversité, mais d’interdire toutes les formes de discrimination, d’instituer un bilan annuel de l’égalité des entreprises publiques et privées, qui recense les actions égalitaires et les pratiques discriminatoires et de présenter cet outil de travail au parlement pour analyse et évaluation dans le cadre de la loi.

Le débat sur l’identité nationale dissimule la volonté des forces rétrogrades de stériliser la pensée démocratique, d’uniformiser les mœurs et les comportements, de surfer sur la vague du populisme. La diversité, présente dans tous les secteurs, est absente de la vie politique. Dans toutes les assemblées présentatives, les élus étiquetés diversité, instrumentalisés comme alibis, sont cantonnés dans des rôles de figuration. Il en va autrement dans d’autres pays européens, notamment au Benelux et en Scandinavie, où les enfants d’immigrés assument des responsabilités au plus haut niveau.

L’identité nationale n’est rien d’autre que le nationalisme identitaire, dogmatique, exclusif, discriminatoire, contraire aux fondements constitutionnels, aux règles équitables de la laïcité, aux principes intangibles de la Déclaration des Droits de 1789. Ce repli identitaire pose comme substrat « la préférence nationale. » C’est le cœur même de l’idéologie lepeniste. Or, c’est en éradiquant les derniers germes des nationalismes hégémoniques que la Communauté Européenne a pu synchroniser ses différences et se construire un destin commun. L’Europe a suivi le même chemin initié par la société française, depuis plusieurs siècles, enrichie par les milles rivières de ses régions et de tant de fleuves lointains, qui, à partir de sa spécificité historique, s’est ouverte aux cultures du monde au point que le français était devenu la langue diplomatique. L’identité nationale réinstaure une société à plusieurs vitesses, où le droit de sol est sournoisement nié, où le droit de sang implicitement réinjecté divise le peuple en deux catégories, les citoyens de plein droit et les citoyens de seconde zone.

La notion de diversité est, aujourd’hui, trop galvaudée. Elle n’est plus qu’une formule de langue de bois qu’il est de bon ton et d’utile précaution de glisser dans les discours pour s’épargner l’accusation de pensée unique. Les noms exotiques et les références ethniques qui fleurissent, par un effet de mode, sur toutes les listes électorales ne sont que des justifications folkloriques des inégalités de traitement, y compris dans les procédures de désignation des candidats. La traduction de la diversité dans les faits est le dernier souci des courants qui se disputent le leadership au sein de chaque formation politique. Extrait du Livre "La Diversité est Universelle"

Mustapha Saha
Sociologue, poète, artiste peintre, conseiller politique

A propos de l'auteur
Mustapha Saha, cofondateur du Mouvement du 22 Mars à la faculté de Nanterre et figure historique de Mai 68 (voir Bruno Barbey, 68, éditions Creaphis), soutient, sous la direction d’Henri Lefebvre, ses thèses en sociologie urbaine (Psychopathologie sociale en milieu urbain désintégré) et en psychopathologie sociale (Psychopathologie sociale des populations déracinées), fonde la discipline Psychopathologie urbaine et accomplit des études parallèles aux beaux-arts. Il réalise, en appliquant la méthodologie recherche-action, les premières études sur les grands ensembles.

Il est, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, l’ami de grands intellectuels et artistes, français et italiens. Il accompagne régulièrement Jean-Paul Sartre dans ses retraites romaines et collabore avec Jean Lacouture aux éditions du Seuil. Il explore l’histoire du « cinéma africain à l’époque coloniale » auprès de Jean-Rouch au Musée de l’Homme et publie, sur les conseils de Jacques Berque « Structures tribales et formation de l’Etat à l’époque médiévale » aux éditions Anthropos.

Artiste peintre et poète, il mène actuellement une recherche sur les mutations civilisationnelles induites par la Révolution numérique (Manifeste culturel des temps numériques), sur la société transversale et sur la démocratie interactive.

Mustapha Saha travaille comme sociologue-conseiller dans les hautes sphères de l’État français, à l’élaboration d’une nouvelle pensée et de nouveaux concepts en phase avec la complexification et la diversification du monde en devenir.




 
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