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S’il est un domaine pourtant d’intérêt national qui nécessite un débat large et approfondi qui n’a jamais été réellement mené jusqu’à présent à l’échelle nationale, c’est bien celui relatif aux cinq millions de citoyennes et de citoyens marocains établis hors des frontières nationales. 

Parmi les questions que pose l’actualité, on relèvera celle du dossier des citoyens MRE à la suite du dernier discours du Trône prononcé il y’a une dizaine de semaines et à la veille de la rentrée parlementaire 2017. 

Préalablement, une première version beaucoup plus réduite que la présente, a été publiée sous le titre : « les responsables du dossier MRE (Marocains résidant à l’étranger) sont également interpellés par le discours du Trône 2017 ». À la veille de l’ouverture solennelle de la deuxième année de l’actuelle législature, le vendredi 13 octobre 2017, le dossier de la communauté des citoyens marocains établis à l’étranger étant toujours d’actualité au niveau notamment des grands choix à retenir et des textes législatifs à adopter en la matière, comme éléments d’une stratégie nationale à concevoir en ce domaine et qui fait encore défaut, les développements suivants ont pour objectif de creuser l’analyse et de l’actualiser en termes de suggestions et de propositions pour l’action. 

Un discours d’exception
S’inscrivant dans le contexte mouvementé du «Hirak du Rif », grande région marocaine d’émigration vers l’étranger, à partir essentiellement de la fin des années cinquante (soulèvement du Rif en 1958-1959) et début des années soixante à nos jours en particulier vers les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, les pays scandinaves, l’Espagne ainsi que d’autres destinations et ce qu’il a dévoilé comme dysfonctionnements, tares et défaillances graves à divers échelons institutionnels, le dernier discours du Trône prononcé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI a eu l’effet d’un tonnerre. 

Reprenons à ce propos quelques titres d’analyses et de décryptages forgés à ce sujet. Les formules sont très diverses. En voici quelques exemples caractérisant ce discours : « donne majeure » ; « coup de semonce » ; « rappel à l’ordre » ; discours de « recadrage sévère de l’administration et de la classe politique » ; de « mise au point sur les « i » ; discours « de vérité », de « clarification et de fermeté » ; de « rigueur et de franchise » ; « discours offensif », « décapant » et « désarçonnant » ; « un état des lieux problématique préoccupant » ; « un discours des plus durs du roi » ; un discours « mettant le doigt sur la plaie », « on ne peut plus clair sur les tares qui affectent l’administration et l’inertie dans laquelle se complaisent les partis politiques » ; un « réquisitoire contre l’incompétence, l’irresponsabilité et l’impunité », et faisant même dire au Roi : « j’accuse ! », avec une série de chefs d’accusation, pour ne pas dire d’inculpation, avec preuves à l’appui. 

Tels sont quelques-unes des formulations chocs utilisées par les uns et par les autres, qui ressortent de ces lectures diverses de ce discours plein de gravité. Contrairement à la tradition des discours du Trône qui se caractérisent généralement par deux axes majeurs, à savoir le bilan de ce qui a été accompli durant les douze mois précédents et les perspectives d’avenir, le discours du 29 juillet 2017, prononcé par ailleurs un jour avant la commémoration officielle du dix-huitième anniversaire d’intronisation, est une séquence politique hors norme, un discours d’exception, à la mesure de la situation particulière vécue par le pays, et plus précisément dans sa partie nord, à Al Hoceima. 

Les institutions dédiées aux MRE sont aussi concernées 
Si dans ce réquisitoire royal sans appel, certains secteurs, milieux ou parties ont été nommément désignés et pointés du doigt en raison de leurs manquements graves, en fait dans le cadre de ce contexte, tous les Marocains sont interpellés, chacun à son niveau. Bien des secteurs sont ainsi également concernés, même s’ils n’ont pas été cités et que certains de leurs responsables en poste depuis bien des années, ont fait semblant de montrer leur détachement, de se dire entièrement « sereins », « calmes », voir « zens » et ne pas entrer dans la grille de lecture du discours royal. 

Certes, il y’a parmi eux ceux qui ont crié et titré très fort dans des contributions médiatiques : « Assez de l’incompétence ! Réveillons nos consciences ! ». Ils ont parlé du Maroc à deux vitesses, mais dans le rôle de journaliste qu’ils se sont donnés de façon « supplémentaire » à leur fonction officielle pour soi-disant « faire bouger les lignes », au lieu d’adopter une démarche autocritique et d’entreprendre un travail d’introspection salvateur, c’est l’auto-satisfaction qui prédomine largement. Ils présentent leur bilan et considèrent leur action comme synonyme d’une gestion rigoureuse, efficiente et performante et l’expression d’une gouvernance saine, niant les dysfonctionnements et les défaillances de taille dont ils sont eux-mêmes responsables, ou tout au moins co-responsables au niveau du secteur des Marocains résidant à l’étranger. 

Au même moment -suivez mon regard-, ils ont insisté pour l’activation de la nomination des nouveaux premiers responsables de l’institution à caractère consultatif en question. De notre point de vue, ceci renvoie au constat établi par le Souverain, qui évoque certains cas :
« ce qui est surprenant, c’est que, parmi les responsables qui ont échoué dans leur mission, il en est certains qui pensent mériter une promotion ! ». 
Or et contrairement à bien des lectures et interprétations du discours entendues ou lues ici ou là, si au niveau des politiques publiques marocaines, le domaine migratoire, en particulier son volet citoyens marocains établis à l’étranger, n’a pas été spécifiquement mentionné dans le discours (sauf l’allusion à certains consuls et ambassadeurs), il n’empêche qu’au plan de la quintessence de l’approche du discours du Trône 2017, de sa portée, de sa signification et de ses objectifs, un état des lieux sans concession et plus global a été établi sur tout ce qui est en place et qui ne remplit pas réellement sa fonction. Dans cet esprit, le secteur stratégique d’intérêt national dit « MRE », nous paraît également couvert par ce diagnostic sévère relatif à la gouvernance publique et les suites qui devraient en découler, dans le cadre d’une approche cohérente, le discours ne devant pas rester sans lendemain, mais avoir un impact à terme.

Appliqués à la situation marocaine, les propos suivants de l’empereur romain et philosophe stoïcien Marc Aurèle marqueront-ils leur justesse ? : 
« les conséquences de la colère sont beaucoup plus graves que ses causes ». 
L’attente est dans cette direction, confortée par le communiqué du Cabinet royal en date du 2 octobre 2017, annonçant qu’après avoir pris connaissance du rapport commandé par le Souverain à des administrations spécialisées (Inspection générale des Finances et de l’Intérieur) sur les dysfonctionnements et le retard dans l’exécution du programme de développement régional « Al Hoceima Manarat al Moutawassit », le Roi Mohammed VI « a donné ses hautes instructions à la Cour des Comptes, pour qu’elle procède dans un délai maximale de 10 jours, à l’examen de ce même sujet, et ce en vertu des prérogatives et compétences de la Cour en matière d’évaluation de l’exécution de projets publics, outre ses missions habituelles de contrôle des finances publiques ». 

Ce délai de dix jours nous amène tout droit au discours royal qui sera prononcé le vendredi 13 octobre 2017, à l’occasion de l’ouverture de la nouvelle année parlementaire de l’actuelle législature et où certainement, des conclusions générales seront tirées et des décisions appropriées de la plus haute importance, en cohérence avec l’état des lieux sévère établi par le Souverain seront annoncées, dans le cadre d’une large mise à plat sur la responsabilité des organes et de leurs dirigeants, liée au principe constitutionnel de la nécessaire reddition des comptes pour tout responsable. 

Le cas du secteur MRE cadre avec le diagnostic royal
Pour renouer plus étroitement avec le contenu et l’esprit du discours du Trône 2017, si des réussites sont à relever dans un certain nombre de secteurs, il en est beaucoup d’autres où les résultats sont décevants, ayant donné lieu à une situation catastrophique :
« Dans bon nombre de domaines, précise le Souverain, cet état de choses tient essentiellement au faible niveau du travail en commun et à l’absence d’une vision nationale et stratégique. Il résulte aussi du fait que la dysharmonie l’emporte trop souvent sur la cohérence et la transversalité, que la passivité ou la procrastination remplacent l’esprit d’initiative et l’action concrète ». 
De notre point de vue, n’est-ce pas le cas précisément du secteur multidimensionnel, pluri sectoriel et transversal par excellence des Marocains résidant à l’étranger, dont l’engagement gouvernemental en sa direction depuis très longtemps, est loin d’être « sans équivoque », contrairement à certaines interprétations officielles émises concernant les politiques marocaines en direction d’Al Jaliya ? 

Malgré certains efforts entrepris et des progrès réalisés jusqu’ici sur certains aspects, ce secteur pâtit encore en effet de l’absence de vision d’ensemble et de stratégie nationale globale, cohérente et intégrée en la matière, avec le manque de coordination, de complémentarité, de convergence, de concertation et de synergie entre les divers intervenants et acteurs publics du domaine, sans compter bien entendu les partenaires du privé, pendant qu’au même moment, bien des attentes et des préoccupations fondamentales des citoyens MRE ne sont pas satisfaites. 

Cette situation défectueuse et nuisible à leurs droits et intérêts, perdure depuis fort longtemps, malgré de nombreuses interpellations royales faites aux instances concernées depuis pratiquement quatorze années, voir même plus, tant le dossier est de la plus haute importance et accapare l’attention au plus haut niveau de l’Etat depuis le nouveau règne.

Une préoccupation royale constante 
Dans l’objectif de réaliser « la cohérence et la complémentarité » des institutions en charge du dossier de la communauté marocaine à l’étranger, le Roi avait lui-même pris une initiative, annoncée dans le discours du 21 août 2001, à l’occasion du quarante-huitième anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple et de la Fête de la Jeunesse.

Cette initiative consiste en sa décision de : « revoir les structures, les missions et les modes de fonctionnement de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, de sorte qu’elle puisse inscrire parmi ses actions prioritaires, le règlement rapide des litiges administratifs et judiciaires concernant les membres de notre communauté, et l’assurance juridique à leur apporter pour préserver leurs droits et protéger leurs biens, et ce, en coordination avec les autorités publiques nationales et locales (…) Cette institution devra également recentrer sa mission de façon à conforter le rayonnement culturel national dans les pays d’immigration et approfondir les concertations et les actions de partenariat avec les associations d’immigrés, représentatives, légales et crédibles, de sorte à leur ouvrir la voie -comme nous le souhaitons- d’une participation au plus haut niveau aux institutions nationales. Ainsi, nous aurons créé les meilleures conditions pour garantir la pérennité de leurs attaches à leur patrie ». 

Relevons à ce niveau comment en creux, le Souverain envisageait dés cette période, l’implication étroite de la communauté des citoyens marocains établis à l’étranger au parlement, qui constitue la plus haute institution nationale élue…

Dans l’esprit également d’assurer une meilleure répartition des tâches entre les intervenants institutionnels du champ MRE, le Roi annonçait la prise en charge par la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, du volet humanitaire et social dans les opérations de transit, d’accueil et de retour des émigrés, dont s’occupait jusque-là, la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, dans le cadre de la commission nationale de « transit ». 

Précisons à ce propos, que le renforcement de la mission de la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, ne doit pas être analysé en termes de « compétition » ou de « concurrence », comme certains ont eu tendance à le présenter pour justifier leur immobilisme. Le fait qu’elle s’occupe de l’ensemble de l’opération accueil-transit dite « Marhaba », nous semble au contraire s’inscrire dans une cohérence d’ensemble, avec plusieurs avantages dont l’expérience depuis cette date, a montré la pertinence :
  • accueillir l’ensemble des membres de la communauté marocaine résidant à l’étranger et pas seulement des handicapés ; 
  • rendre certains services à la communauté durant toute l’année et dans divers domaines et non pas uniquement faire appel à la générosité de celle-ci pour la collecte des fonds ; 
  • mettre les autres institutions comme la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger devant leurs propres responsabilités, dans la mesure où elles devaient s’occuper pleinement et correctement des autres dimensions de la communauté qui sont aussi essentielles, et non pas se réfugier derrière l’opération accueil pour mener une action purement saisonnière, en étant absentes tout le reste de l’année pour les autres aspects …
Ce souci de l’action institutionnelle cohérente et intégrée en direction des Marocains établis hors des frontières nationales, est également présent dans le discours du Trône du 30 juillet 2002 dans lequel le Souverain exprimait sa : « ferme volonté de veiller à ce qu’ils (les MRE) tiennent la place de choix qui leur revient et jouent un rôle actif et efficace dans tous les domaines ». Là aussi, le statut des MRE et leur rôle dans le domaine démocratique et politique est envisagé, pourrait-on dire. Et d’ajouter deux autres types de préoccupations majeures, dont celle qui nous retient dans cette partie de notre contribution : « Nous voudrions aussi leur renouveler l’assurance de l’interêt tout particulier que nous portons à leurs conditions de vie, aussi bien à l’étranger, qu’à l’intérieur de leur patrie. Nous voudrions au même titre, à ce que les organismes concernés répondent aux aspirations qui les animent, et ce, dans le cadre d’une démarche cohérente, intégrée et porteuse ». 

Quatre interpellations 
Depuis cette date et s’agissant du dossier des Marocains résidant à l’étranger, le Roi a interpellé au moins à quatre reprises les responsables de ce secteur sur la nécessité absolue d’avoir une stratégie nationale globale, cohérente et intégrée en matière de communauté marocaine établie à l’étranger.

– En premier lieu, le discours du Trône 2004 (30 juillet 2004), fournit l’orientation générale et multidimensionnelle de ce qui devait constituer « une nouvelle politique dans le domaine de l’émigration, en phase avec les mutations structurelles rapides que connaît la communauté marocaine à l’étranger et qui réponde aux aspirations de ses différentes générations ». 

Le Roi déroulait alors sa vision en la matière, accordant à chaque aspect de ce vaste dossier stratégique multidimensionnel l’importance qu’il mérite, y compris au niveau politique et démocratique. On ne résiste pas au désir de citer longuement les développements qui lui sont consacrés, qui peuvent être considérés comme des éléments fondamentaux d’un véritable guide pour l’établissement d’une stratégie nationale globale, cohérente et intégrée en matière de Marocains résidant à l’étranger, qui constituent selon les termes du Souverain, une « composante de notre peuple » : 
« Cette politique globale et multidimensionnelle, institutionnelle, diplomatique, économique, sociale et culturelle est fondée sur l’action complémentaire et homogène des institutions qui en ont la charge, et offre différents modes de participation à notre communauté résidant à l’étranger, dans les divers domaines de la vie nationale. Nous nous penchons à cette fin, sur l’étude des meilleurs voies et moyens pour assurer une participation efficiente et crédible de cette communauté dans toutes les institutions et instances vouées à l’édification d’une société démocratique et prospère. Nous veillerons à ce qu’un tel objectif soit réalisé dans le cadre d’une fructueuse concertation et nous poursuivrons, à cet égard, notre action en vue de l’amélioration des conditions de vie de cette composante de notre peuple, qui nous est très chère, par une approche globale, visant à renforcer la solidarité entre les citoyens, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, afin que chacun puisse servir sa patrie, laquelle a besoin de l’apport de tous ses enfants, pour demeurer un modèle d’attachement aux valeurs islamiques et universelles de fraternité, de tolérance et de modération. Nous sommes convaincus que les Marocains résidant à l’étranger continueront à donner le meilleur exemple d’une interaction positive entre les différentes cultures et civilisations ». 
Sur les modalités pratiques annoncées dans le discours du 30 juillet 2004 comme étant à l’étude pour une large implication de la Jaliya dans la vie démocratique du Maroc, sur la base d’une conviction démocratique profonde du Souverain l’avenir montrera le début du passage à l’acte avec les quatre mesures décidées dans le cadre du discours royal fondateur du 6 novembre 2005. 

Ce discours a été un grand pas dans la réhabilitation de la citoyenneté pleine et entière de la diaspora marocaine par rapport au Maroc : représentation de la diaspora à la Chambre des représentants par le biais de circonscriptions électorales législatives de l’étranger ; possibilité donnée aux nouvelles générations de Marocains nés à l’extérieur du Maroc, de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales à l’intérieur du Maroc et de participer à tous les scrutins électoraux qui s’y déroulent ; création d’un Conseil supérieur de la communauté marocaine à l’étranger, qui ne sera pas en fait « supérieur ».

À propos de la décision prise de la participation politique et de la représentation parlementaire des MRE, on ne peut dire que ceux qui ont aidé à la préparation de ce discours du 6 novembre 2005 ont « trompé le Roi » en lui faisant prendre une décision irréaliste, alors que, comme on l’a vu dans les citations remontant à des périodes antérieures, la volonté politique d’impliquer les MRE dans la vie nationale du pays dans tous les domaines, y compris politique, était une conviction démocratique profonde du Souverain …

– En second lieu, l’interpellation royale a été faite de manière très forte à l’occasion du 32ème anniversaire de la Marche Verte (discours du 6 novembre 2007), appelant le gouvernement de l’époque à « une réflexion renouvelée et rationnelle et à une révision profonde de la politique d’immigration, à travers l’adoption d’une stratégie globale, mettant fin au chevauchement des rôles et à la multiplicité des intervenants. Il s’agit d’une stratégie cohérente en vertu de laquelle chaque autorité publique, institution ou instance agit dans un esprit de complémentarité et d’harmonie pour s’acquitter des missions qui lui incombent, tant pour ce qui est d’assurer la bonne gestion de toutes les questions d’immigration, que de contribuer au processus prometteur de construction démocratique et de développement que nous conduisons avec fermeté, détermination, dévouement et abnégation ». 

Si le ministre Mohammed Ameur a eu la mérite d’opérationnaliser un plan d’action 2008-2012 multidimensionnel consistant et ambitieux en direction des citoyens marocains de l’étranger, il a eu l’honnêteté intellectuelle de reconnaître au moment du bilan de son mandat fin 2011(avec une année d’avance en raison de la réforme constitutionnelle), l’absence d’inscription de ce plan d’action, dans le cadre d’une stratégie nationale globale et intégrée en matière de Marocains établis hors des frontières nationales. 

En effet, dans les perspectives d’optimisation et de développement de l’action publique en faveur des Marocains résidant à l’étranger, il était mentionné la nécessité de « la mise en place, dans les meilleurs délais, d’une stratégie nationale à long terme pour tous les départements gouvernementaux et établissements concernés, afin de servir les objectifs communs », alors qu’au sein de son propre département, certains ne s’étaient pas empêchés de parler et même d’éditer des brochures en termes de « vision 2012 », ce qui n’était en fait qu’un plan d’action 2008-2012… 

Depuis, la tentation est grande, mue par une certaine forme de paresse technocratique de nommer vision, voir même stratégie nationale relative aux Marocains résidant à l’étranger, ce qui n’est qu’un plan d’action partiel, limité de surcroît au département ministériel dédié notamment aux MRE, sachant que le volet immigration (étrangers au Maroc) et asile (ou « affaires de la migration ») dispose, lui, depuis fin 2014, d’une véritable stratégie nationale globale en la matière, même si l’opérationnalisation de celle-ci est très en retard au niveau de l’arsenal juridique en particulier, exceptée la loi pour la lutte contre la traite des êtres humains. 

- En troisième lieu, des directives royales ont été données aux deux premiers responsables d’une institution nationale consultative et prospective, à savoir le CCME (Conseil de la communauté marocaine à l’étranger), à l’occasion de leur nomination le 21 décembre 2007 en tant que président et secrétaire général de cette institution. D’après un communiqué du Cabinet royal datant de ce jour-là, il leur a été demandé solennellement que cette institution consultative :
«contribue, en collaboration avec l’ensemble des autorités, à la mise au point d’une stratégie nationale d’immigration globale, multidimensionnelle, et prenant en considération les développements et les mutations accélérées que connaît ce phénomène. Cette stratégie devrait être fondée, dans ses dimensions nationale, régionale et internationale, sur la cohérence et la complémentarité de l’action des autorités et des instances qui en ont la charge ».
Or de notre point de vue, ces instructions n’ont nullement été exécutées, dans la mesure où cette institution nationale n’a nullement contribué efficacement à l’élaboration d’une quelconque stratégie nationale en matière de MRE, y compris au niveau de l’étude IRES que l’on abordera plus loin. 

De plus, si cet organisme consultatif et prospectif créé fin 2007, est normalement appelé à observer, analyser et produire du sens et de la visibilité stratégique et prospective s’agissant de la communauté marocaine résidant à l’étranger, on constate que cette mission centrale n’est nullement assumée notamment par le biais de l’élaboration d’avis consultatifs et la production tous les deux ans d’un rapport stratégique. Il n’y’a eu après dix années d’existence, aucun avis consultatif et aucun rapport stratégique dans le domaine des Marocains résidant à l’étranger !!!

- En quatrième lei enfin, devant la carence manifeste en ce domaine et le besoin toujours pressant de disposer de cet outil stratégique incontournable pour mener des politiques publiques cohérentes en faveur des citoyens marocains établis à l’étranger, l’interpellation royale a été faite sous la forme directe d’un rappel à l’ordre de tous les responsables du secteur MRE à l’occasion du discours du Trône du 30 juillet 2015 qui avait notamment fustigé l’action des consulats en direction des MRE en raison de leurs graves manquements :
« De même, nous réitérons notre appel pour élaborer une stratégie intégrée, fondée sur la synergie et la coordination entre les institutions nationales ayant compétence en matière de migrations et pour rendre ces institutions plus efficientes au service des intérêts des Marocains de l’étranger ».
Les contours, les fondements et les objectifs de cette stratégie nationale globale, cohérente et intégrée relative aux Marocains résidant à l’étranger, et dont l’existence s’avère une nécessité absolue, sont donc bien identifiés et précisés dans les citations précédentes au plus haut niveau de l’Etat, ne laissant aucune place à des approximations ou à des interprétations marquées du sceau de l’amateurisme, de la légèreté et de la désinvolture comme certains tenteront de le faire par la suite. 

Échec total de l’étude stratégique MRE à l’horizon 2030 
Faut-il faire observer à ce niveau que l’étude d’envergure lancée entre temps en 2012-2013 sous le ministère Maâzouz, chargé des MRE, et coordonnée pourtant par un institut d’études stratégiques (IRES) avec l’implication étroite des principaux acteurs institutionnels dédiés aux Marocains résidant à l’étranger(ministère chargé des MRE, Conseil de la communauté marocaine à l’étranger ou CCME, Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger) pour l’élaboration d’une stratégie nationale relative à l’émigration marocaine à l’horizon 2030, a totalement échoué pour des raisons méthodologiques et organisationnelles, son rapport final datant de juin 2013 (rapport Ahmed Ghazali) n’ayant nullement été validé, ce qui expliquerait en partie le rappel à l’ordre du discours du Trône du 30 juillet 2015. 

L’échec manifeste au niveau organisationnel et méthodologique provient notamment du fait que dans le cadre du comité de pilotage et du comité de suivi de l’étude, la distanciation et le recul nécessaires pour une approche objective n’ont pas été respectés, les institutions nationales elles-mêmes objets de l’étude, étaient juges et parties, chacune étant complaisante et « compréhensive» vis-à-vis des autres, si bien qu’aucune analyse critique de fond n’a eu lieu pour remédier aux divers dysfonctionnements structurels existants et aboutir à une re-fondation du dispositif institutionnel relatif aux Marocains résidant à l’étranger. 

Sans compter le fait que par sectarisme, les chercheurs en migration manifestant une indépendance d’esprit, ont été exclus dés le départ de la participation à la réalisation de l’étude, et malgré la dénonciation publique en son temps de ce comportement discriminatoire de certains responsables du dossier MRE, le précédent chef du gouvernement auprès de qui était encore délégué le département chargé des MRE, n’a nullement réagi. 

Dans l’édition qui paraîtra demain lundi dans WakeUpInfo, nous montrerons notamment que, dans la gestion du dossier MRE, l’amateurisme suivi par certains cadres ministériels n’est pas la solution, qu’il s’agit de mettre fin à l’imposture en la matière, d’arrêter le double langage, d’assujettir les responsables des institutions dédiées aux MRE à la reddition des comptes, de ne pas faire porter le chapeau au roi concernant des dysfonctionnements et des défaillances, de se démarquer d’une nouvelle démarche non productive. En conclusion, l’accent sera mis sur l’élaboration d’un pacte national relatif aux devoirs et aux droits par rapport au Maroc des citoyens marocains établis à l’étranger.

Demain : 2éme PARTIE 

Rabat, le samedi 7 octobre 2017 

Abdelkrim Belguendouz 
Universitaire à Rabat, chercheur en migration




 
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