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Je viens de publier le nouveau roman anti-guerre de Stan Goff, « SmittenGate ». Bien qu'il soit majoritairement composé de papier, il pèse moins d'une livre et vole aussi vite que vous pouvez le lancer, sa charge utile est suffisante pour pénétrer même les crânes les plus épais. S'il vous plaît, commandez en un exemplaire. 

Après quatre semaines passées à me démener pour faire imprimer ce livre, j'ai enfin fini par relever la tête et j'ai remarqué que le monde avait changé. L'astuce de détourner son attention pendant un certain temps, pour ensuite regarder en arrière, est souvent une bonne chose si vous êtes intéressé par la façon dont les situations évoluent. Et là, j'ai regardé ce qui s'est passé aux États-Unis, en particulier, au cours des dernières semaines, et je me suis dit : à quelle nouvelle étape intéressante de l'effondrement en sommes-nous ? 

J'ai pensé je devais vraiment essayer de répondre à cette question. Après tout, j'ai déjà décrit les cinq étapes de l'effondrement dans un livre, et apparemment les gens le trouvent de plus en plus utile. Par exemple, l'édition japonaise du livre a trouvé ses lecteurs, parce que mon traitement de l'effondrement financier et politique s'est bien articulé avec la ruée vers l'endettement infini du Japon et son désespoir, avec en dernière minute le militarisme. Et maintenant que Paris se transforme en vaste camp, bourré de gangs de jeunes migrants troglodytes et que les rives de la Seine se recouvrent d'excréments humains - ah cette douce odeur d'effondrement social et culturel ! - l'édition française s'envole des étagères d’une façon effrayante, pour un sujet si spécialisé (Comme je l'ai déjà dit à mes lecteurs, quand vous remarquerez que mon message se réalise, il sera temps de saisir votre sac à dos, vos lingots d'or et vos cartouches de fusil, et de monter dans une camionnette direction les collines.) 

Il est encourageant de constater qu'il y a encore des descendants d’autochtones Gaulois, qui possèdent l'aptitude intellectuelle pour comprendre que leur pays se dirige vers l'effondrement social et culturel, et se risquent à faire un peu de recherche pour imaginer à quoi cela pourrait ressembler. Mais en ce qui concerne les évènements de l'autre côté de l’océan, aux États-Unis, ou à travers la Manche, au Royaume-Uni, les gens semblent être déjà dans une phase d'effondrement. Mais quelle est cette phase ? 

Explorons cette question à travers une métaphore. En faisant un diagnostic médical, il est classique de voir comment le patient répond à divers stimuli, afin de voir si ses réactions sont normales. Le réflexe pupillaire est provoqué en éclairant l’œil – il permet d’évaluer le fonctionnement du tronc cérébral. Le réflexe patellaire est produit en tapotant légèrement la rotule avec un marteau, il permet d’évaluer le fonctionnement de la moelle épinière. 

Supposons maintenant que vous ayez un patient qui, peu importe le stimulus, répond toujours de la même manière; par exemple, en criant «Ce sont les Russes!». Et si poser des questions telles que «Pourquoi vous pensez que ce sont les Russes?», ou «Qu'est-ce que vous pensez que les Russes font?», produit un babillage bruyant et incohérent. 

Que faire s’il est accidentellement dérangé ou effrayé par un bruit ou un éclair de lumière, qui l'amène à se lamenter sur le «patriarcat», le «privilège blanc», les «immigrants illégaux» ou «l'argent et la Réserve fédérale»? 

Une autre technique de diagnostic consiste à observer passivement le comportement du patient et à en tirer des conclusions. La patiente semble-t-il faire partie du monde réel, ou semble-t-il piégé dans un monde onirique, se balançant d'avant en arrière, agitant les doigts devant ses yeux ou suçant son pouce ? Est-il capable de maintenir des relations sexuelles normales et saines ou évite-t-il de s’impliquer personnellement, se masturbe-t-il compulsivement ou s’abandonne-il à des fantasmes pervers ? Ses réactions de peur sont-elles rationnelles ou basées sur des phobies et des délires paranoïaques? 

Supposons maintenant que vous êtes confronté à un groupe de patients qui refusent de regarder leurs proches mais qui caressent continuellement de petits appareils électroniques rectangulaires, prenant constamment des photos d'eux-mêmes, leur chimie cérébrale étant apparemment contrôlée par le flux de "j'aime" d'autres personnes, qui sont elles aussi frappées de la même manie et présentent une détresse extrême chaque fois que la connectivité réseau est perdue, ou la batterie vide ? 

Supposons que parmi ce groupe, les relations hétérosexuelles normales, dont on sait qu'elles produisent spontanément des descendants viables, deviennent rares, alors que tout comportement sexuel pervers et déviant est célébré, et que tout le monde est contraint de reconnaître ces comportements comme normaux. Supposons que parmi ce groupe, la sexualité normale reçoive une étiquette négative («cis-genre») alors que, chaque fois qu'elle se produit parmi du bétail non humain, l'animal est immédiatement retiré du troupeau. Qu'est-ce que tout cela suppose pour la viabilité du troupeau ? Gardez à l'esprit que dans le schéma normal des choses, les taureaux qui s'identifient à des vaches sont envoyés directement à l’abattoir. 

Supposons que ce groupe se sente obligé de négliger toute une série de problèmes - problèmes financiers, problèmes de toxicomanie, problèmes environnementaux, crime, fusillades de masse, détérioration constante des relations internationales, risque croissant de guerre nucléaire, etc., se concentrant sur une seule menace fantôme : celle du harcèlement sexuel. L'augmentation de la morbidité ou de la mortalité, qui peut être attribuée à la procuration non éthique de faveurs sexuelles sur le lieu de travail est négligeable, mais ce point est ignoré. Au lieu de cela, il y a une orgie de célébration de la victimisation et de la diabolisation des auteurs. Frôler, toucher un collègue en vient à être considéré comme un crime pire qu’un crime de guerre. 

C'est définitivement une catégorie d'effondrement, mais de quel genre ? Donnons-lui le nom provisoire « d'effondrement mental ». Contrairement aux cinq autres étapes de l’effondrement, qui neutralisent un ensemble spécifique de fonctions sociales, celle-ci se traduit par une incapacité généralisée à traiter et à identifier à la réalité. Ce qui était auparavant des points focaux de l'adéquation sociale, sont devenus des terrains fertiles pour l'inadéquation sociale : une évaluation prudente des risques financiers est remplacée par une diarrhée irrépressible de dette non remboursable; le processus politique est remplacé par une rage aveugle et impuissante face à la corruption éhontée; le commerce est remplacé par la consommation addictive et le jeu compulsif; la société plonge dans une guerre autodestructrice des sexes; la culture est remplacée par une succession de manies juvéniles impulsives. 

Il existe encore une autre méthode de diagnostic : observer le comportement de personnes dites normales et voir comment elles réagissent à la présence et au comportement du patient. Le patient est-il accepté comme un membre du groupe et traité avec reconnaissance ou respect ? Le patient est-il ignoré, activement exclu ou ridiculisé ? Comment le patient - dans notre cas les États-Unis - va-t-il être considéré dans le monde entier? (il est utile d'être en mesure d’observer en résidant à l'extérieur des États-Unis) 

Pour évaluer la réponse internationale à l'effondrement mental de l'Amérique, il est utile de parcourir les cinq étapes de l'effondrement. 

• Sur le plan financier, la plupart des plus grands partenaires commerciaux du monde travaillent avec diligence pour se libérer de leur dépendance au dollar américain et se protéger contre les poursuites judiciaires extraterritoriales américaines. 

• Sur le plan politique, de nombreux pays, y compris d'anciens alliés comme la Turquie et l'Arabie saoudite, ont compris que les États-Unis ne sont plus un partenaire fiable qui peut garantir leur sécurité et ils se débrouillent seuls. 

• Commercialement, les États-Unis ne font plus grand-chose. Le reste du monde est heureux de laisser Walmart et Amazon aspirer le sang financier restant du consommateur américain, alors que les tentatives américaines de tenir le monde en otage en faisant payer la "propriété intellectuelle" américaine ont largement échoué. 

• Socialement, les États-Unis ne sont plus un melting-pot; Le rêve américain est maintenant souvent considéré comme un cauchemar de dégénérescence, de dépendance et de décadence. Peu de gens qui ont le choix choisissent de s'intégrer dans ce qui reste de la société américaine, de plus en plus divisée contre elle-même, selon des lignes politiques, régionales, raciales, ethniques et religieuses. 

• Sur le plan culturel, les États-Unis réussissent toujours à exporter une bonne partie de la culture pop en faisant appel sans relâche au plus petit dénominateur commun. Mais dans de nombreuses parties du monde, l'influence de la culture pop internationale sur la culture locale, est de plus en plus insignifiante. Les adultes ne sont pas particulièrement faciles à corrompre par divers shows anormaux américains. Leur effet sur les enfants, en particulier à travers les dessins animés et les films (les violents en particulier), la musique pop et les jeux vidéo, sont un peu plus inquiétant, mais ils sont généralement considérés comme une distraction plutôt qu'un danger réel. 

Comprendre les cinq étapes de l'effondrement et leurs interactions peut être très utile à ceux qui sont encore en mesure d’empêcher la chute vers un effondrement social et culturel plus avancé. Mais c’est impossible sans une certaine compétence mentale. Si ce que nous observons aux États-Unis est le stade de l'effondrement mental, alors cela empêche toute réaction en ce sens. 

Pour effectuer un changement positif, il faut être capable de s'informer et de modifier son comportement en conséquence. Mais si une personne est nourrie d'une propagande poussée par un confabulatron d'entreprise semi-automatique, et si le comportement de cette personne est déterminé par une combinaison de délires, de dépendances, de compulsions, de rage aveugle et de hasard, alors quelles sont les opportunités? Et s'il n'y en a pas, comment devons-nous réagir? Nous ne devons certainement pas blâmer les victimes de l'effondrement mental. Il y a un principe juridique qui devrait peut-être faire l'objet d'une utilisation beaucoup plus large: le principe de non-imputabilité. Voici une définition pratique: 

Pour que la non-imputabilité criminelle d'une personne soit reconnue, il faut établir qu'elle n'était pas au courant des conséquences de ses actes ou qu'elle était incapable de contrôler ses actions, et que la maladie mentale chronique, la perturbation temporaire de l'activité mentale, le manque d'empressement ou une autre condition pathologique était présente. Lorsque au moins l'une de ces conditions pathologiques prévaut en combinaison avec les faits de l'affaire, tel qu'établi par un témoignage psychiatrique médico-légal, le tribunal reconnaît que l'accusé n'est pas pénalement responsable. Des mesures médicales obligatoires, qui ne constituent pas une sanction pénale, peuvent être appliquées à l'accusé par une ordonnance du tribunal; ces mesures comprennent le placement dans un hôpital psychiatrique général ou spécial. Des mesures semblables sont appliquées dans les cas où l'accusé est criminellement imputable au moment de la perpétration du crime, mais devient mentalement malade avant la détermination de la peine. [La Grande Encyclopédie soviétique, 3ème édition. 1970-1979] 

Il me semble qu’une grande partie de la population des États-Unis est dans un état d'effondrement mental, ce qui la rend irresponsable. Laissons de côté la question de savoir s'ils seraient théoriquement capables d'apporter un changement positif, la majorité des Américains sont devenus incapables de comprendre des faits simples. 

Exemple : 
• La majorité des Américains est incapable de comprendre que posséder une arme à feu est un prélude à un homicide. La majorité des décès par balle résulte de négligence, d'accident, de colère ou d'erreur, et non d'efforts de prévention du crime ou d'autodéfense. La présence d'armes à feu augmente la létalité des crimes. Mais peu importe les preuves, la plupart des Américains vous diront que posséder un fusil améliore la sécurité. Beaucoup d'entre eux ne peuvent même pas être convaincus qu’utiliser des armes de poing pour résister à la tyrannie d'un gouvernement armé de drones Predator, de chars, de mortiers, de roquettes et d'hélicoptères d'attaque est un leurre. 

• La majorité des Américains est incapable d'accepter l'idée que les États-Unis ne sont pas une démocratie et que peu importe qui en est le président. Vous pouvez démontrer les choses de différentes façons, en montrant que les aspirations du public n'ont aucune corrélation avec les politiques publiques, ils persisteront dans l'illusion qu'ils peuvent changer les choses en mieux ... en votant. 

• La majorité des Américains est incapable d'accepter l'idée que leur armée représente une très grande menace pour la sécurité du pays, en conduisant à la faillite nationale; en enhardissant ses adversaires à travers ses imprudences dans tous les conflits récents; en créant une classe d'individus brutalisés et psychologiquement endommagés qui terrorisent la population du pays et en pouvant accidentellement déclencher un holocauste nucléaire. Mais la grande majorité des Américains n'écoutera pas de tels arguments et insistera sur le fait que leur complexe militaro-industriel, inefficace, les «défend»... de quoi ? Des Canadiens ? 

De nombreux exemples similaires peuvent être trouvés. Étant donné que de telles personnes ne sont pas responsables, nous ne pouvons qu'être désolés pour elles et essayer de les traiter humainement. Heureusement, un pays peuplé de personnes non-imputables est généralement une menace que pour lui-même. Cependant, il y a le danger qu'un président fanfaron, entouré de généraux non-responsables, finissent par faire quelque chose d'horrible au monde. Ici, nous ne pouvons qu'espérer le meilleur. Ce n'est pas que le meilleur sera si bon que ça; dans le nouveau monde sub-normal, le mieux que nous puissions envisager est que la situation reste sub-létale. 

Dmitry Orlov 




 
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