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Si la France privilégie le regroupement des familles, les solutions employées sont loin d'être idéales pour les enfants.

Les images des migrants mineurs séparés de leurs parents et pour certains placés dans des cages grillagées ont choqué les Etats-Unis, y compris dans les rangs républicains. Mais au-delà du cas américain, cette affaire interroge plus largement sur la prise en charge des familles avec des mineurs entrées illégalement sur un territoire. La question est également d'actualité en France et crispe les débats sur la loi Asile Immigration qui arrive ce mardi 19 juin au Sénat avec un nouvel amendement sur ce point précis.


Près de 2000 enfants ont été séparés de leurs parents entre avril et mai 2018 aux Etats-Unis. Un chiffre particulièrement élevé sur un laps de temps court qui illustre la politique migratoire "tolérance zéro" mise en place par l'administration Trump.

Face au tollé, la Maison Blanche s'est défendue, présentant sa décision comme une mesure à même de dissuader les candidats au départ. Dans un tweet publié le 18 juin, Donald Trump a aussi estimé que "les enfants étaient utilisés par certains des pires criminels comme un moyen d'entrer dans le pays", faisant dans la foulée le parallèle avec la crise migratoire européenne qu'il "ne veut pas voir arriver aux Etats-Unis." Dans une série de tweets ce mardi 19, il a d'ailleurs estimé que cette polémique était "la meilleure opportunité pour le Congrès de changer les lois ridicules et obsolètes sur l'immigration." "Faisons-le, en gardant à l'esprit que nous devons avoir des frontières solides".

Mais sa comparaison a déplu au porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux, qui a répondu ce mardi sur le plateau de France 2 que l'Europe et les Etats-Unis n'avaient pas le même "modèle de civilisation" et ne partageaient "pas certaines valeurs".

Aux Etats-Unis comme en France, subsiste donc un même problème qui ne semble pas trouver de réponse satisfaisante: comment prendre en charge les mineurs entrés illégalement sur le territoire lorsque leurs parents sont arrêtés par les autorités?

Contrairement aux Etats-Unis, la France a une législation précise
En mai, le ministre de la Justice américaine Jeff Sessions a revendiqué une ligne dure, selon laquelle tous les migrants entrés illégalement sur le territoire américain seraient arrêtés, qu'ils soient accompagnés de mineurs ou pas. Or, les enfants ne pouvant être incarcérés dans les mêmes établissements que les adultes, la séparation est obligatoire a fait valoir le ministre.

"Obligatoire"... mais pas officiel. Car en réalité il n'existe pas dans la loi américaine de dispositions sur la prise en charge des mineurs illégalement entrés sur le territoire avec leurs parents (à ne pas confondre avec les mineurs non-accompagnés). Les précédents gouvernements, qu'il s'agisse de celui du démocrate Obama comme du républicain George Bush, ont toujours fait en sorte d'éviter de séparer les enfants des parents, préférant opter pour des compromis moins polémiques. L'administration Trump elle a choisi de mettre les pieds dans le plat.

Qu'en est-il en France? À première vue, la situation est diamétralement opposée. En vertu de la Convention internationale des droits de l'enfant et la Convention Européenne des droits de l'Homme, la France s'est engagée à toujours "tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant". À ce titre, l'État s'engage à assurer le bien-être du migrant mineur en évitant de le priver de son foyer familial.

Le placement en rétention de mineurs seuls est donc interdit. Il n'est autorisé que pour les familles avec mineurs lorsque le parent s'est soustrait à une assignation à résidence, et pour en principe un temps très limité avant le départ.

La situation américaine n'a donc pas cours en France. Au contraire, dans ce genre de situation, priorité est donnée au regroupement familial: les migrants sont envoyés, quand cela est possible, dans les neuf centres de rétention administrative (CRA) réservées aux familles ou alors assignés à résidence, comme le précise La Cimade, contactée par Le HuffPost.

Deux "solutions"... qui n'en sont pas vraiment
En France, le nombre d'enfants placés en rétention est passé de 45 en 2014 à 305 en 2017, selon un rapport de la Cimade, qui intervient régulièrement dans les CRA. Et c'est sans compter Mayotte, où plus de 4000 mineurs ont été placés en rétention avec leurs familles.

Depuis 2012, la Cour Européenne des droits de l'homme a condamné à six reprises la France pour ces pratiques. François Hollande s'était d'ailleurs engagé à y mettre fin, sans succès.

Lors de l'examen de la Loi Asile Immigration à l'Assemblée Nationale, ce point a de nouveau été longuement débattu, y compris au sein de la majorité. Un amendement visant à "interdire tout placement en rétention des mineurs et de leurs familles" a ainsi été déposé par des députés LREM... en vain. Les sénateurs, qui se penchent sur le texte en session ce mardi, ont également déposé un amendement similaire, qui doit être discuté. En attendant, pour calmer les critiques, un groupe de travail de députés LREM sera mis en place afin de proposer des alternatives "dans les prochains mois".

Quant à l'assignation à résidence (dans des hôtels proches des aéroports par exemple), recommandée dans une circulaire de 2012 et utilisée pour éviter de séparer les mineurs des familles, elle est aussi dénoncée par les associationsqui y voient "un outil supplémentaire à disposition des préfets pour expulser plus et bien souvent dans l'ombre."

S'ils se refusent à séparer les familles, les mesures des différents gouvernements français pour encadrer l'immigration sont donc loin de satisfaire. L'enjeu est cependant le même: fin avril, Emmanuel Macron a estimé qu'en interdisant le placement en rétention de mineurs (avec ou sans leurs parents), le pays serait "matériellement mis dans la situation de ne plus expulser quelque famille que ce soit". Avec en creux, toujours la même problématique d'une politique migratoire entre "fermeté" et "humanité", pour reprendre les termes du gouvernement.













 
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