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La nef des fous, Gilles Chambon
Voici une histoire soufie : La population d’un village vivait en paix. Chacun était aimable et prévenant envers tous les habitants, qu’ils soient parents, amis, voisins ou rien de tout cela.

Le fakir était respecté de tous, ses avis écoutés. Une nuit un ange lui apparut, disant : « Fakir, au petit matin l’eau de tous les puits sera empoisonnée, et tous ceux qui en boiront deviendront fou. Lève-toi et va constituer des réserves d’eau avant qu’il ne soit trop tard ! ». Le fakir se leva précipitamment et courut remplir ses jarres. 

Le matin arriva. Les habitants du village sortirent vaquer à leurs occupations quotidiennes, et lorsque le fakir sortit à son tour il fut frappé de les voir devenus tous complètement fous ! Les jours passant, le fakir remarqua que ses concitoyens le regardaient avec un air toujours plus méfiant et cherchaient manifestement à éviter sa présence. Puis un jour l’un d’eux le prit à partie : « Fakir, nous avons remarqué ces derniers jours que ton comportement était devenu bien étrange ! Tu dis des choses incompréhensibles, tu commences à faire peur à tout le monde, bref nous pensons que tu es devenu fou et nous allons malheureusement devoir t’enfermer ! ». A ces mots, le fakir courut boire de l’eau du puits. 

La signification de cette histoire est que la normalité est définie par le comportement du plus grand nombre, et que par conséquent la démence, la bizarrerie et la marginalité sont toujours représentées minoritairement. Évidence ? Pas si sûr, car les choses deviennent plus intéressantes lorsqu’on remarque que le comportement de la majorité ne fait jamais l’objet d’une étude, mais que seuls les comportements déviants sont soumis à examen. Le psychiatre du village en question chercherait à établir le diagnostic des troubles mentaux du fakir avant qu’il n’ait bu l’eau du puits ; jamais il ne se pencherait sur le cas des autres habitants, et ceci pour une raison simple : il est aussi fou qu’eux, donc se croit normal et autorisé à décider de ce qui relève de la folie. 

Le mot « normal », lorsqu’il est utilisé pour caractériser une façon d’être et de se comporter, ne veut strictement rien dire. Il n’existe pas de normalité absolue qui pourrait servir d’étalon et permettre ainsi de juger si tel ou tel comportement respecte ses critères. De ce fait, il n’existe aucun moyen de savoir si l’humanité, prise dans son ensemble, est folle ou si elle ne l’est pas. Voici une liste de quelques actes et comportements relevant de ladite normalité. Chacun décidera en son âme et conscience si ce qualificatif est abusif ou s’il ne l’est pas.
  • Les génocides perpétrés à diverses époques.
  • Le meurtre collectif de femmes et d’enfants, notamment lors de bombardements.
  • Les guerres entreprises pour des raisons fallacieuses.
  • L’expropriation de populations entières.
  • La soif de pouvoir et les systèmes politiques qui en découlent, conduisant à l’emprisonnement des consciences et des peuples, et sources de tous les crimes de masse.
  • La prévarication, la corruption, le mensonge et le secret finissant invariablement par gangréner les cercles de pouvoir.
  • L’inévitable dérive autoritaire de toute démocratie, aboutissant à la limitation ou à la disparition des libertés publiques, notamment la liberté d’expression.
  • Le viol de la sphère privée.
  • Le lobbyisme, véritable cancer anti-démocratique, l’intérêt général étant toujours bafoué.
  • L’assujettissement de l’opinion à l’idéologie dominante.
  • La lobotomisation par la télévision.
  • L’ « égalité » entre les couples capables de procréer et ceux qui en sont incapables.
  • L’encouragement au port de la robe par les petits garçons, au nom de l’indifférenciation des genres (en Suède par exemple).
  • La course au profit et ses conséquences néfastes, comme suit :
  • La mondialisation. Trois exemples seulement, car ils sont nombreux :
  • Brésil : le noyer du Brésil, source de nourriture pour des millions d’animaux, débarrassé de ses fruits pour exportation. Des macaques auraient-ils l’idée de former un barrage autour d’un arbre fruitier pour en monopoliser la production ?
  • Équateur : destruction des mangroves qui faisaient vivre toute la population locale pour les remplacer par des élevages de crevettes destinées à l’exportation, les dites populations finissant dans des bidonvilles.
  • Paraguay : culture intensive du soja pour l’exportation, sur 66% des terres cultivées, ce qui entraîne le déplacement de populations et leur paupérisation.
  • La surpêche des espèces les plus consommées – vidant les mers de leur biomasse et entraînant la raréfaction des ressources pour les populations côtières – et le massacre annuel de quelque 70 millions de requins en vue de satisfaire l’appétit des asiatiques pour leurs ailerons.
  • Les conditions de vie épouvantables imposées à des millions d’animaux avant leur abattage puis exportation.
  • La destruction des forêts équatoriales et primaires, pourtant principales pourvoyeuses d’oxygène, pour leur bois ou afin de les remplacer par des cultures ou l’exploitation de leur sol, plus productives. 50% des forêts équatoriales ont ainsi été rasées au 20ème siècle.
  • L’empoisonnement de l’air.
  • L’empoisonnement des consommateurs, entraînant l’explosion du nombre de cancers, dû à l’utilisation intensive de pesticides destinés à améliorer les rendements et donc la rentabilité.
  • Les territoires défigurés et rendus inhabitables pour des siècles, conséquence de l’activité des industries pétrolière et nucléaire, pour lesquelles bien-être des populations et respect de l’environnement sont des concepts inconnus.
  • La destruction de l’environnement par l’exploitation des gaz de schiste, au nom de l’indépendance énergétique.
  • L’utilisation d’organismes génétiquement modifiés sans connaissance de leur impact sur l’environnement et la consommation humaine.
La tromperie à laquelle se livrent les entreprises agroalimentaires sur le contenu et la qualité de leurs produits en vue d’augmenter leurs bénéfices.Cette liste est loin d’être exhaustive. Tout ceci est-il réellement ce qui caractérise l’activité de gens normaux ?




 
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