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Approuvé par les parlementaires égyptiens depuis le 14 février, le projet de révision constitutionnelle sera soumis à un référendum. Son adoption permettra d'allonger la durée des mandats présidentiels d'Abdel Fattah al-Sissi.

La réforme qui a conduit à cette révision constitutionnelle était-elle inévitable ? Oui, compte tenu des défis que connaît actuellement le pays. Réélu en mars 2018 pour un second mandat de quatre ans, le président Abdel Fattah al-Sissi veut amender plusieurs articles de la Constitution adoptée en 2014. La révision envisagée concerne une douzaine d'articles et les modifications sont notamment destinées à garantir une meilleure représentation parlementaire des femmes (avec un quota de 25 %), des jeunes, des chrétiens et des Égyptiens de la diaspora. Le projet prévoit aussi le retour au bicamérisme avec la création d'une seconde chambre au Parlement. Enfin, le projet d'amendement comprend deux articles pour faire passer la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans pour deux mandats successifs, permettant au président actuel de se représenter pour douze ans au terme de son mandat présent. C'est cette question qui retient l'attention des médias étrangers et fait débat.

Une suite du retour du régime présidentiel
Juridiquement parlant, cette évolution n'est pas aussi choquante que veulent bien le dire les détracteurs du pouvoir égyptien. En effet, la Constitution de 2014 se caractérisait déjà par un retour au régime présidentiel. Or un tel régime implique le droit d'être élu et réélu sans limitation dès lors qu'on dispose d'une majorité populaire. Ce système a longtemps été en vigueur aux États-Unis (Franklin Delano Roosevelta ainsi été réélu à trois reprises, entre 1936 et 1944), et l'a été en France jusqu'en 2008. De surcroît, s'agissant de l'Égypte, le projet ne prévoit pas de revenir sur le principe de la limitation à deux des mandats présidentiels mais porte sur l'allongement de leur durée et prévoit une dérogation concernant l'actuel président : les compteurs seront remis à zéro une fois la révision adoptée par référendum.

Un aménagement qui peut se comprendre
L'Égypte a besoin de stabilité et de continuité pour faire face à de nombreux défis, sécuritaires et économiques. Les dispositions actuelles relatives à la durée du mandat présidentiel n'étaient pas appropriées à la conjoncture du pays. L'Égypte n'est pas la Suisse ou la Norvège, elle doit faire face à des événements graves, notamment dans le Sinaï, et, dans ce contexte, l'armée reste la principale institution solide et unificatrice. C'est pourquoi la révision constitutionnelle introduit le principe que l'armée est « le défenseur et le garant de la démocratie et de l'État civil ». Cette disposition vient compléter le préambule de la Constitution de 2014 qui mettait en exergue « la place de l'armée dans la vie nationale ». Le souvenir des désordres et de l'affaiblissement de l'État provoqués par l'arrivée au pouvoir des Frères musulmans, entre 2012 et 2013, demeure un traumatisme vivace.

Le risque terroriste, la volatilité de la situation régionale, marquée notamment par la crise en Libye, et les problèmes considérables sur le plan économique font que l'Égypte ne peut sans doute pas se passer d'un régime fort. La priorité des autorités est de maintenir un taux de croissance élevé, supérieur à 5 %. Elles doivent nourrir, éduquer, soigner et créer des opportunités pour une population de près de 100 millions d'habitants, qui pourrait encore doubler à l'horizon 2050. Tous les 10 ans, le pays gagne 25 millions d'habitants. Les autorités égyptiennes ont engagé depuis 2014 des réformes volontaires et courageuses. Remise à plat du système de subventions des produits de première nécessité et de l'énergie, intouchable depuis soixante ans, restauration des fondamentaux macroéconomiques (les réserves de change, tombées à 13 milliards de dollars en 2013, atteignent maintenant 45 milliards, un niveau jamais connu), rendue possible par la dévaluation de la livre, réforme de l'éducation. Elles ont lancé, en parallèle, de grands chantiers qui transformeront le visage du pays : le doublement du canal de Suez, qui permettra de multiplier par deux les revenus liés au trafic maritime, la construction d'une nouvelle capitale administrative et de 13 villes nouvelles, et l'exploitation du gaz en Méditerranée orientale, avec le champ géant de Zohr.

Les mesures décidées par le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi commencent à porter leurs fruits. Le pays s'attend à une croissance supérieure à 6 % en 2019 (l'une des plus fortes du continent africain), le chômage a atteint son plus bas niveau depuis 2010, d'après le FMI. L'Égypte est redevenue la première destination des investissements étrangers en Afrique, captant 40 % des flux continentaux. Mais ces réformes, pour produire pleinement leurs effets, supposent de s'inscrire dans le temps long…

Dr Charles Saint-Prot
Directeur général de l'Observatoire d'études géopolitiques de Paris, juriste et auteur d'un traité sur l'évolution constitutionnelle de l'Égypte, paru en 2014 aux éditions Karthala.





 
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