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Depuis plusieurs semaines, la France connaît un nouvel épisode de pénurie concernant certains types de médicaments, notamment les corticoïdes. Une situation devenue de plus en plus fréquente, au grand désespoir des malades.

"Je ne peux pas concevoir qu'en 2019, on puisse nous dire qu'il y a une pénurie alors que les médicaments existent", s'emporte avec émotion Carmen. Son mari, Stéphane, atteint d'un cancer de stade 1 de la vessie, ne trouve pas d'Amétycine, le médicament utilisé pour traiter sa tumeur. Après quatre ans de rémission, cet homme de 62 ans a récemment appris qu'il était victime d'une rechute. "J'ai appelé quatre pharmacies d'hôpitaux et c'est la même chose partout", s'énerve Carmen, qui est également en rémission d'une leucémie et investie dans la Ligue contre le cancer.

On est en train de se dire qu'il va falloir aller dans d'autres pays pour se faire soigner.Carmen, patiente ressource au sein de la Ligue contre le cancer à France info

"Comment c'est possible de voir ça en France ? Sur quoi les laboratoires font leur business ? Cela signifie que nos vies ont un prix ?", s'interroge désormais Carmen. Sa fille, qui habite en Allemagne, a peut-être trouvé le médicament dans un hôpital. Le couple envisage désormais de passer la frontière pour pouvoir obtenir un traitement, si le médicament n'arrive pas rapidement en France. L'Amétycine est produit par un laboratoire japonais et ce n'est pas la première fois que des problèmes d'approvisionnement surviennent, rappelle Le Parisien. "Ce n'est pas possible d'attendre. Le cancer peut progresser et se propager à d'autres organes et cela entraînera d'autres chimios, des soins beaucoup plus lourds."

Laurence Carton, atteinte depuis ses 17 ans de rhumatisme psoriasique, une maladie inflammatoire et auto-immune, a également peiné à trouver les médicaments à base de cortisone nécessaires à son traitement de fond contre sa maladie. "En juin, on m'a d'abord proposé du Prednisolone, un médicament surdosé à 20 milligrammes, qui ne convenait pas. Puis, j'ai finalement pu récupérer un médicament dosé à 1 mg, du Prednisone. Mais, entre-temps, ma prescription a changé et je dois prendre 10 mg chaque matin. Donc, cela m'oblige à prendre dix comprimés en une prise... Ce n'est pas du tout agréable." 

La secrétaire générale de l'Association française de lutte anti-rhumatismale (Aflar) a finalement eu de la chance en obtenant, début juillet, des boîtes de 5 mg chez son pharmacien. Mais elle s'inquiète désormais pour les autres patients : "J'ai pris les dernières boîtes... car on a besoin d'avoir des réserves et des médicaments sous différentes formes pour bien adapter la prise. Et si on arrête ces traitements-là brutalement, sans diminuer progressivement, et sans accord de son médecin, on peut avoir un rebond de la maladie."

Sophie* a pour sa part lancé un appel au secours sur les réseaux sociaux pour trouver du Luteran (ou un générique), un médicament essentiel pour l'aider à lutter contre son endométriose. "J'ai fait plein de pharmacies, j'en ai appelé un paquet, je ne les compte même plus...", s'exaspère-t-elle. "A chaque fois ces derniers temps, c'est la surprise de savoir si on va avoir son traitement ou pas. Si je ne prends pas de traitement, je vais souffrir dans 28 jours et je ne pourrai sans doute pas me lever." 

Honnêtement, je ne comprends pas que l'on puisse se retrouver avec des pénuries, surtout pour des médicaments qui ont peu d'équivalents. C'est quoi l'explication des laboratoires ? Ce n'est pas assez rentable ? On nous condamne donc à souffrir…Sophie* à France info

Les tensions d'approvisionnement de médicaments se sont amplifiées ces dernières années, en raison de multiples facteurs. En plus de la hausse de la demande mondiale, il y a le prix de vente de certains traitements jugés peu attrayants par les laboratoires ou les intermédiaires, mais aussi une politique de "flux tendu" visant à limiter les stocks et des sites de production parfois localisés très loin de la France. "Avec cette actualité, nous, malades chroniques, on se rend compte que nous n'avons aucune sécurité dans l'approvisionnement de nos médicaments", déplore Laurence Carton.

Un Français sur quatre a déjà été confronté à une pénurie. Pour lutter contre ce phénomène devenu récurrent ces dernières années, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a présenté, lundi 8 juillet, une "feuille de route provisoire". Mais les associations y voient "très peu de mesures concrètes et dissuasives". "Il faut que le gouvernement nous entende, qu'il relocalise un peu les laboratoires et qu'il impose une réglementation plus contraignante, car on a déjà vécu la même chose en 2017 et en 2018 !", réclame Carmen. "On ne parle pas de doliprane là !"

Il s'agit quand même de cas graves… Ce n'est pas normal, et puis il faut penser à l'angoisse que cela peut engendrer dans les têtes, dans les familles. Carmen à France info

De son côté, Laurence Carton dénonce le manque d'anticipation ainsi que la faible réaction des autorités de santé. "On n'a pas été informés en amont, nous n'avons pas eu de communiqué de l'agence du médicament (ANSM), donc les gens n'ont pas pu s'organiser et les pharmacies ont été prises de court, constate-t-elle. Le numéro vert mis en place par l'ANSM s'est révélé très décevant. On nous dit de retourner vers notre médecin traitant, qui n'y peut strictement rien. Le dispositif est inefficace."

Il y a des témoignages de patients qui ont dû errer d'une pharmacie à l'autre. Personne ne sait laquelle a le produit ou pas.Laurence Carton, secrétaire général de l'Aflar à France info

"Quand il y a une pénurie de carburant en France, vous pouvez rapidement voir sur une carte quelle station-service a encore de l'essence, rappelle ainsi Laurence Carton. Mais quand vous êtes malade chronique, vous ne pouvez pas savoir dans quelle pharmacie vous rendre."

*Le prénom a été modifié.

 
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