Menu

News

Avant de présenter en les argumentant une série de 14 propositions concrètes sous forme de préoccupations et interpellations centrales (4.2.2), formulons d’abord quelques réflexions générales autour de la relation migration- développement (3.1), en liaison avec le processus de consultation nationale relatif au choix du nouveau modèle de développement du Maroc. 

3.1- Migration et développement 
On l’a déjà dit, redit, réécrit mais ceci n’a pas été entendu. On ne cessera de le répéter, la pédagogie étant, dit-on, l’art de la répétition: pour relever le défi de la réussite de sa gestion du domaine migratoire au niveau de l’Union Africaine, le Maroc sera plus crédible et mieux entendu en réussissant d’abord la gestion nationale de ce dossier, y compris à propos des citoyens marocains établis à l’étranger, évalués à près de six millions de personnes, qui constituent pour le Maroc un fait sociétal contemporain majeur, ayant modelé les rapports entre le Maroc et certains pays d’immigration européens en particulier, plus que tout autre facteur. Cela suppose en particulier que ce dernier vaste domaine stratégique ne soit pas mis au second rang, voir même oublié par d’aucuns qui jouent avec une forme d’amateurisme déconcertant au sein en particulier du département plus directement concerné, comme on le verra plus loin à propos de la stratégie nationale MRE. 


3.1.1- Positions variables sur le dossier citoyens MRE 
A l’heure où la rédaction de cette contribution est bouclée (15 juillet 2019), les partis politiques et autres acteurs ne communiquant pas de manière très précise sur le contenu exact final des mémorandum adréssés au Cabinet royal s’agissant du nouveau modèle de développement du 

Maroc, il est très difficile de dire s’ils ont abordé ou non la question migratoire dans ses deux volets et de quelle manière ceci a été formulé avec les recommandations éventuelles précises. En suivant de près l’actualité à travers les divers moyens d’information et des contacts directs, nous sommes arrivés à ce constat : seuls deux partis ont donné la possibilité d’avoir quelques éléments de leur position respective mais de maniere très partielle, sans accéder directement à leur mémorandum final : Parti de l’Istiqlal et Rassemblement National des Indépendants (RNI). 

Parti de l’Istiqlal 
Cohérent avec ses positions depuis une vingtaine d’années, le Parti de l’Istiqlal a soulevé en amont, au niveau de sa « commission diaspora », la nécessaire participation polïtique et représentation parlementaire des citoyens MRE par le biais de circonscriptions électorales législatives de létranger. La proposition de réforme du mode de scrutin est formulée comme suit : « réserver un quota de 10% des sièges aux Marocains résidant à l’étranger, à travers l’instauration de circonscription électorales géographiques internationales à définir, tel que Sa Majesté le Roi l’a annoncé et ordonné en 2005 ». 

Le 30 juin 2019, le Comité central du Parti de l’Istiqlal, a même consacré toute sa troisième session ordinaire sous le mot d’ordre «Pour une citoyenneté intégrale des Marocains du monde ». À cet effet, dans une démarche politique globale, un «livre blanc », document d’une trentaine de pages élaboré de manière participative par la commission des Marocains du monde du comité central du parti a été entériné. 

Le constat est sévère mais très pertinent. On dresse le constat d’une «population jusque là écartée de toute représentation politique», «des MDM (Marocains du Monde) qui se considèrent discriminés et dépourvus de leurs droits civils et politiques», faisant l’objet d’une «conspiration pure et parfaite contre des citoyens». 

Pour mettre fin à cette injustice flagrante et anomalie démocratique, le «livre blanc» se consacre à la problématique de la participation politique des MDM, à leur représentation au parlement marocain dans les deux chambres, à la réforme du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME). Il traite également pour une bonne part de la représentation de cette catégorie de citoyens marocains dans les différentes instances de bonne gouvernance prévues par la Constitution de 2011, avec des propositions de réformes détaillées pour chacune de ces instances s’agissant de leur composition pour permettre une contribution large et étendue des MDM au développement du Maroc. 

Un «bémol» : le «livre blanc» n’aborde nullement le cas spécifique de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, qui a fortement besoin d’une démocratisation de ses structures, de transparence dans sa gouvernance et d’efficacité au niveau de sa mission (voir chapitre 3 de ce livre, points 3.9, 3.10 et 3.11). 

Le RNI 
Par ailleurs, le Rassemblement national des indépendants (RNI), participe ces derniers temps à une forte mobilisation des Marocains résidant à l’étranger. «Bénéficie» t-il du «délit d’initié» en ayant des informations ou assurances que d’autres formations politiques n’ont pas pour avoir une longueur d’avance au niveau des résultats électoraux en 2021 ? Tant qu’on n’aura pas ouvert les listes électorales dans les consulats (et ambassades) marocains pour pouvoir voter aux législatives dans des circonscriptions électorales législatives de l’étranger, aucun signe annonciateur positif ne sera donné, surtout après la dernière déclaration du chef du gouvernement au parlement (voir infra, notamment le point 4.2.2.9) et l’interrogation-hypothése que nous venons de soulever, ne tient pas. 

Toujours est-il que le RNI affirme agir dans le sens de l’inclusion des MRE dans cette réflexion nationale, au travers de quelques rencontres organisées à l’étranger, mais cela se fait sur des bases floues, sans tirer des enseignements précis ou prendre des engagements publics fermes. 

D’abord lors de la naissance du « Conseil des RNIstes Marocains du Monde », lors de la tenue de son congrès tenu à Paris le 3 février 2018 pour la création de la 13ème région. À cette occasion, le président du RNI, Aziz Akhannouch, a déclaré notamment que la période que traverse le pays actuellement « requiert l’intelligence, les compétences, les énergies et les habilités des Marocains où qu’ils soient, afin qu’ils contribuent à la réalisation du développement durable et à la promotion de la société ». 

Mais la conception du développement sous-jacente à cette analyse est purement économique et sociale, ce qui est déjà important en soi mais insuffisant, dans la mesure où elle n’englobe pas aussi, notamment les aspects politiques et démocratiques liés aux droits des citoyens MRE par rapport au Maroc. À un autre moment clé du discours, cette conception est exprimée de manière encore plus nette : «le RNI porte un regard inédit sur les domaines de l’emploi, de l’éducation et de la santé, qui permettent de concrétiser au Maroc le rêve que de nombreux MRE à travers le monde ont recherché en quittant leur pays d’origine ». 

Ce n’est que lors du congrès régional des Marocains du Monde tenu à Madrid le 11 mars 2018, que la dimension de la citoyenneté des MRE par rapport au Maroc est abordée, mais de manière très timide et sans prendre d’engagement précis : «les Marocains du Monde, où qu’ils soient, font partie intégrante de la société marocaine et sont des citoyens à part entière très attachés à leur patrie, à sa culture et à son histoire séculaire ». 

Mais le grand intérêt porté par ce parti au niveau organisationnel, se fait politiquement sur des bases floues s’agissant précisément des droits politiques des citoyens MRE. La situation n’est nullement éclaircie à la rencontre de Düsseldorf tenue le 23 juin 2019 avec les RNIstes Marocains du Monde. Interpelé pour décliner la position du RNI sur la participation politique des citoyens MRE , Anis Birou, coordinateur au sein du RNI de la Région13 (celle de MRE) et ancien ministre chargé des MRE et des affaires de la migration, a souligné « l’interêt accordé par le RNI aux MRE » en ajoutant: 
« leur participation politique constitue un sujet qui doit être discuté loin de tout populisme » ( !!!) , avant de rappeler que ce dossier «est au menu des discussions au sein du parti »(voir Yabiladi.com du 24 juin 2019) . 
Quelques semaines auparavant, le flou n’avait également nullement été levé par une autre intervention médiatique du coordinateur RNI de la «Région 13. En effet dans une interview parue le 7 mai 2019 dans « Les inspirations ECO », à la question de savoir « au-delà de la participation électorale, quel rôle les MRE peuvent-ils jouer de manière globale », et en relevant comment la question du vote et de la représentation parlementaire a été « zappée » par le journaliste (« au-delà de la participation électorale »..), la réponse très vague fut la suivante : «je viens de rentrer d’une réunion en Allemagne avec les Marocains résidant dans ce pays. Je leur ai expliqué que le royaume est en pleine réflexion sur son nouveau modèle de développement. Étant donné que l’Allemagne représente un modèle réussi au sein de l’UE dont elle est la locomotive, les Marocains de ce pays peuvent être d’un grand apport pour enrichir le débat au Maroc. Vous savez, nous avons cette chance de voir ce qui se passe un peu partout, vue la présence des MRE dans le monde ». 

Or dans ce cas précis, ce qui importe, c’est de décliner des alternatives claires et non pas de rester sur des généralités et des formules sans consistance, dans le cadre de ce qui apparaît comme une pure opération «com» en direction de l’intérieur du Maroc, en montrant que l’on s’active à l’extérieur du pays, mais sans avoir au préalable un véritable projet, une plate-forme politique précise s‘agissant des droits politiques des citoyens MRE par rapport au Maroc. Pour reprendre le mot du Cardinal de Richelieu, la politique doit redevenir l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. En particulier ce qui nous intéresse ici, les droits politiques par rapport au Maroc des citoyens MRE. 
Exemple à suivre 

Va-t-on à ce propos, tirer profit des bonnes pratiques suivies par certains pays où il y’a une présence significative de citoyens MRE et qui organisent et assurent la représentation parlementaire de leurs ressortissants établis à l’étranger : France, Italie, Tunisie, Sénégal etc… 

Qu’on ne nous réponde pas que ces pays en particulier (et même d’autres pays où il n’y a pas une présence significative de Marocains, interdisent sur leur territoire l’organisation de pareilles élections comme c’est le cas de l’Equateur, du Mozambique, du Portugal… 

Par ailleurs, en quoi invoquer dans le débat public responsable et serein la nécessité des droits politiques des citoyens MRE par rapport au Maroc, serait-il du «populisme » !? Dans ce cas, l’article 17 de la Constitution aurait-il une formulation «populiste » et serait-il, de ce point de vue, carrément à supprimer, la constitutionnalisation du droit de vote et d’éligibilité parlementaire des citoyens MRE après le référendum du 1er Juillet 2011 étant alors «populiste »!? 

Toujours est-il qu’en tant que secteur stratégique, voir même littéralement vital, il nous paraît nécessaire (audelà de l’interêt à accorder bien entendu à l’immigration étrangère au Maroc), d’étendre à la communauté marocaine résidant à l’étranger l’horizon de l’analyse, de la réflexion, du débat, des alternatives, du dialogue social et politique, la mise à niveau qui s’impose, à l’occasion du choix du nouveau modèle de développement, ce dernier devant être total. 
L’initiative de l’Institut Amadeurs 

C’est dant cet esprit qu’au niveau de la société civile à l’intérieur du Maroc, un think tank qui se veut aussi un « do tank » ouvert sur l’opérationnel et engagé dans l’accompagnement des réformes structurelles du Maroc, s’est distingué par une initiative heureuse. Il s’agit de l’Institut Amadeus qui, dans le cadre d’une conférencedébat (ou conférence de lancement) tenue le 10 avril 2019 sous le thème «le développement socioéconomique au Maroc : soubassements d’un nouveau modèle inclusif et disruptif », a retenu une suggestion émise publiquement lors des débats par l’auteur de ces lignes. Celle d’organiser dans le cadre d’un cycle de conférences sur le thème « Penser le nouveau modèle de développement du Maroc : la nécessité d’une approche intégrée et participative », une table ronde qui a été programmée pour le 13 juin 2019 avec le titre suivant donné par les organisateurs : « Migrations et Marocains du Monde : allier voie humaniste et développement participatif ». 

Sans dévoiler (pour des raisons de déontologie) le contenu et les approches développés dans cette table ronde restreinte et informelle, espérons que la question migratoire sera en bonne place dans la formulation finale du mémorandum global qui sera soumis aux instances concernées par l’institut Amadeus et que ses suggestions -celles qui vont dans le sens de l’histoire-, soient prises en compte. 

Abdelkrim Belguendouz 
Universitaire à Rabat, chercheur en migration 

Demain : 3.2- Renouveler l’analyse sur l’émigration marocaine (5/10). 



 
Top