La troisième signification assignée au terme diaspora est positive et associée aux idées de cosmopolitisme et de contestation de l'homogénéité culturelle des États modernes.
Les diasporiques et les migrants sont présentés comme des passeurs emblématiques des frontières nationales et Wang Gung-wu avance par exemple (1997, p. 16): « l’intérêt actuellement porté à l’idée de diaspora nous rappelle combien peu profondes sont les racines du nationalisme en comparaison de la longue histoire des diasporas ».Cette acception met l'accent non tant sur l'exil d'un lieu originel et les liens avec ce lieu que sur la multiplicité des liens tissés entre des communautés issues de la dispersion d'une population.
Depuis les années 1980 une réactivation de l’imagerie cosmopolite associée au terme diaspora s'alimente à la réduction de sens des référents territoriaux et nationaux et à la diffusion d’une double dissociation. La première délie identité culturelle, pratiques économiques et système politique qui se conjuguaient pour fonder une nation depuis le 19ème siècle. La seconde délie citoyenneté et droits. Le discours des puissances occidentales sur les droits des minorités raciales et culturelles, l’octroi par les pays de l'OCDE des droits civils et sociaux aux non citoyens et les débats sur l’échec des politiques d’assimilation des immigrés sapent la légitimité et l’efficacité idéologique des notions de nation et de citoyenneté [Helly, 2005]. En sus, durant les années 1990, l’accélération de la globalisation des marchés et des communications et l’extension de l’idéologie des droits de l’Homme qui veut ignorer les frontières, convoient une valorisation de la mobilité géographique et culturelle.
De ces évolutions nombre d’émigrés et leurs descendants participent d’espaces où les frontières étatiques ont perdu de leur importance et ils développent des appartenances sociétales doubles ou à des communautés transnationales. De très nombreuses études documentent l’existence de réseaux immigrés transnationaux et la multiplication d’identités multiples, transnationales [Heisler, 1986 ; Glick et al., 1992 ; Basch et al., 1994 ; Blanc et al., 1995 ; Kearney, 1995 ; Jones-Correa, 1998 ; Portes, 1996, 1999 ; Glick, 1999 ; Hannerz, 1996 ; Vertovec, 1999 ; Vertovec et Cohen, 1999 ; Helly et van Schendel, 2001 ; Allievi et Nielsen, 2003 ; Cesari, 2004]. Face à ces processus des auteurs parlent de transnation, de nation délocalisée, de déterritorialisation, d'identités démultipliées [Appadurai, 1991, pp. 191-196 ; 1996, p. 172] ou encore de transmigrants [Basch et al., 1995, p. 48].
Ils veulent voir dans les émigrés des acteurs emblématiques de la mise en cause des frontières, de l’autorité étatique et des identités nationales unipolaires. Ces trois interprétations du terme diaspora oblitèrent son éventuelle valeur épistémologique. Aussi, faut-il préciser les traits de la forme diasporique.
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Auteur : Denise Helly
Institut National de Recherche Scientifique