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Avant de parler de démocratie, il est utile de faire un petit détour, sans intention malveillante, du coté de la définition du mot « corruption ». Selon le « Petit Robert », ce sont des « moyens employés pour faire agir quelqu’un contre son devoir ou sa conscience ». Le Petit Robert ajoute à titre d’exemples : « la corruption électorale est interdite. » et l’expression « corruption des fonctionnaires ». Si on pouvait douter du sérieux de ce dictionnaire, on serait tenté d’y voir là du mauvais esprit.

Poursuivons notre petite enquête. Si nous nous référons à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, nous trouvons dans le préambule la mention : « (…) l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements (…) ».

De notoriété publique, la fonction de représentation politique ou de fonction publique paraît donc intimement liée à la corruption. Ce qui pourrait venir à l’esprit c’est que de l’argent circule et que certains en perdent le sens de leur devoir. Mais ne soyons pas vulgaires et tentons d’élever la réflexion : Combien de simples citoyens déjeunent régulièrement avec de hauts fonctionnaires, des députés, des sénateurs, des ministres ? Ces situations sont bien entendu réservées à des personnes au statut spécial, banquiers, chef d’entreprises, représentants de groupements divers, conseillers de haut niveau, etc… Ces fréquentations incessantes baignent les « représentants du peuple » dans un contexte où les avis des simples personnes ne sont plus audibles. Et c’est ainsi que la corruption peut opérer, simplement par la modification de l’environnement et des priorités apparentes dans les esprits des représentants. Le devoir de l’élu ou du fonctionnaire est rangé dans son cerveau et cet espace est malléable, hormis les cas exceptionnels. Discutant un jour avec un ami des grands mérites de l’Union Européenne, je l’entendis proférer cet avis incongru : « Autrefois, pour influencer les gouvernements, il fallait s’y prendre pays par pays, aujourd’hui, il suffit de se rendre à Bruxelles et on intervient à l’échelle du continent. Cela permet de centraliser la corruption ».

Revenons à un exemple simple. Le maire d’une commune emmené par la mode actuelle veut rénover « son » centre ville. Il commence par rencontrer des conseillers, des architectes, bureaux d’études voire entrepreneurs. Un projet prend forme en comité restreint et à un moment donné, il faut céder à la démocratie. On réunit alors les habitants devant des plans aboutis sur lesquels il n’est plus possible de modifier que des détails. Quelques modifications mineures sont prises en compte et le projet devient « adopté démocratiquement ».

Le maire qui consulte au préalable ses concitoyens sur un programme de travaux et son prix, suivant diverses options, avant même de faire dessiner quoi que ce soit, de présenter de belles photos, de faire rêver avec la technologie, est rarissime.

Ce qui est vrai au niveau local l’est encore plus au niveau national. Les habitants du pays sont tenus sous tutelle par une armée de représentants, plus ou moins fiables, plus ou moins corruptibles si on en croit la déclaration de 1789. Les décisions sont, le plus souvent, prises en petits comités et s’imposent ensuite au bon peuple qui doit se laisser guider et régler la note, car au final, c’est toujours lui qui paye.

Plus de deux cents ans après 1789, alors que les moyens de diffuser l’information sont immenses, l’information elle-même reste filtrée par des intérêts privés. Les citoyens de ce pays baignent dans une réalité déformée et ne peuvent toujours pas donner leur avis sur les grandes orientations de leur existence. On préfère leur expliquer que tout cela est trop compliqué, que c’est l’affaire d’experts, de spécialistes et présupposer que le bon peuple ne peut rien y comprendre.

Or il est possible de trouver des exemples dans lesquels les choix des orientations fondamentales n’ont rien de compliqué. Au niveau d’une commune : est-ce que les citoyens veulent dépenser leurs impôts dans tel projet somptuaire ou dans tel projet moins cher ? Au niveau national : est-ce que le peuple français veut diriger son pays lui-même (cette question paraît incongrue et pourtant…) ? Faut-il créer des structures assurant l’indépendance des journalistes, et l’objectivité de l’information ? Est-ce que le peuple français veut pouvoir bénéficier de services publics ? Est-ce que les retraites doivent être gérées par des institutions qui tiennent compte des spécificités des branches d’activités ? Est-ce que la représentation politique est compatible avec telle ou telle condamnation ? Faut-il limiter la durée des mandats des élus ? Rien de compliqué dans ces questions à qui tout un chacun devrait pouvoir répondre directement. Et les réponses changeraient les choses.

Force est de constater que la démocratie représentative ne fonctionne pas et ce constat ne date pas d’hier : « En réalité, le système représentatif ne tient pas. On ne peut pas faire reposer la vie d’une nation sur des gens qui ne pensent qu’à se faire mousser auprès de leurs mandants, de manière à se faire réélire le prochain coup. ». Évitons pudiquement de clarifier le terme de « mandants ».

Le pseudo projet de société qui consiste à rendre passive l’immense majorité des êtres humains pour augmenter le pouvoir et la richesse de quelques-uns est bien entendu dépourvu de cohérence. Lorsque se sera effondré le système délétère dans lequel nous vivons, le temps sera venu pour le peuple français d’obtenir sa majorité et de prendre une part significative dans les choix des orientations au plan local et au plan national et c’est alors que le terme de démocratie pourra être employé.

Michel Delanature



 
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