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Né à Chambéry en 1763, Xavier de Maistre appartenait à une famille de magistrats. Son père était président du Sénat de Savoie et son frère Joseph fut membre de la même assemblée jusqu’à l’invasion du pays par les Français. Xavier choisit le métier des armes. 

L’œuvre de Xavier de Maistre n’est pas très abondante, mais elle est d’une clarté, d’un esprit essentiellement français. Chacun de ses courts ouvrages : Voyage autour de ma chambre (1794), Le Lépreux de la cité d’Aoste (1811), Les Prisonniers du Caucase et La Jeune Sibérienne (1825), l’Expédition nocturne autour de ma chambre, sont des petits chefs-d’œuvre de style, de simplicité et de naturel. 
Voyage autour de ma chambre

Chapitre I

Qu’il est glorieux d’ouvrir une nouvelle carrière, et de paraître tout à coup dans le monde savant, un livre de découvertes à la main, comme une comète inattendue étincelle dans l’espace !

Non, je ne tiendrai plus mon livre in petto ; le voilà, messieurs, lisez. J’ai entrepris et exécuté un voyage de quarante-deux jours autour de ma chambre. Les observations intéressantes que j’ai faites, et le plaisir continuel que j’ai éprouvé le long du chemin, me faisaient désirer de le rendre public ; la certitude d’être utile m’y a décidé. Mon cœur éprouve une satisfaction inexprimable lorsque je pense au nombre infini de malheureux auxquels j’offre une ressource assurée contre l’ennui, et un adoucissement aux maux qu’ils endurent. Le plaisir qu’on trouve à voyager dans sa chambre est à l’abri de la jalousie inquiète des hommes ; il est indépendant de la fortune.

Est-il, en effet, d’être assez malheureux, assez abandonné, pour n’avoir pas de réduit où il puisse se retirer et se cacher à tout le monde ? Voilà tous les apprêts du voyage.

Je suis sûr que tout homme sensé adoptera mon système, de quelque caractère qu’il puisse être, et quel que soit son tempérament : qu’il soit avare ou prodigue, riche ou pauvre, jeune ou vieux, né sous la zone torride ou près du pôle, il peut voyager comme moi ; enfin, dans l’immense famille des hommes qui fourmillent sur la surface de la terre, il n’en est pas un seul, — non, pas un seul (j’entends de ceux qui habitent des chambres) qui puisse, après avoir lu ce livre, refuser son approbation à la nouvelle manière de voyager que j’introduis dans le monde. 


 
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