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Comprenant aussi une série de propositions concrètes alternatives, la contribution publique suivante au débat public pour l’action, est une dénonciation de la manière opaque et sectaire dont a été formé et mis en place tout dernièrement à Rabat, le Comité National Marocain du Réseau Académique Nord-Africain sur la Migration (NAMAN). Les agissements étant dus principalement à la Direction de la coopération, des études et de la coordination intersectorielle relevant du ministère délégué chargé des MRE, la contribution interpelle la hiérarchie de ce ministère délégué et celle du département dont celui-ci dépend, à savoir le ministère des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocaines résidant à l’étranger. L’édition d’hier était consacrée à la nécessité d’un agenda national de la recherche en matière migratoire et au financement prioritairement interne de cette recherche pour répondre aux besoins nationaux . La seconde partie, éditée ce jour, montre comment, formé en catimini avec un esprit d’ostracisme et d’exclusion, le Comité National NAMAN est déjà cadenassé.

Pour le Maroc, le chef de fil national sur le projet eMGPP, de mise en place du Réseau Académique Nord-Africain sur la Migration (NAMAN) est le ministère délégué auprès du ministère des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, chargé des Marocains résidant à l’étranger. La direction directement concernée au sein de ce département délégué et intimement impliquée dans la préparation du projet (et son exécution) est la Direction de la coopération, des études et de la coordination intersectorielle. 

Le texte constitutif du Comité National NAMAN a déjà été validé par l’assemblée constitutive (comprenant 21 membres selon les statuts) il y a près de trois semaines, de même que sa composition nominative a déjà été décidée, comprenant notamment les catégories suivantes : 
  • « les membres représentant les institutions publiques directement ou indirectement impliquées dans la conception et la mise en œuvre des politiques migratoires marocaines; 
  • les chercheurs et académiciens qui de par leurs travaux, leurs enseignements ou leur expertise, sont susceptibles de contribuer au rayonnement du réseau et à la promotion de la recherche en matière de migration ». 
Les organes du Comité National NAMAN, qui est domicilié au siège du ministère délégué chargé des MRE sont les suivants : 
  • Le comité scientifique qui est déjà formé et cadenassé, se compose de douze membres dont 4 institutionnels et 8 membres académiciens . 
  • Les 4 commissions qui sont les suivantes : 
    • Études et Recherches (coordonnée par un membre fondateur de la catégorie chercheurs). 
    • Publication, Documentation et Communication (coordonné par un institutionnel) . 
    • Formation et Manifestations scientifiques (coordonnée par un membre fondateur appartenant la catégorie chercheurs) 
    • Suivi et Évaluation (coordonnée par un institutionnel) . 
Ainsi, à côté de huit chercheurs universitaires choisis, dont 4 membres fondateurs (pendant que d’autres ont été exclus, bannis et évincés sur des bases non objectives et extra-scientifiques), les quatre autres membres institutionnels du Comité National Marocain du Réseau Académique Nord-Africain sur la Migration sont : 
  • le ministère délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, chargé des Marocains résidant à l’étranger, et de manière plus précise la Direction de la coopération, des études et de la coordination intersectorielle ; 
  • la Direction des affaires européennes du ministère des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger. Pourquoi cette direction et pas une autre, comme la direction des affaires consulaires et sociales (DACS), ou bien la direction des affaires globales qui traite du dossier migratoire au plan politique mondial et géostratégique ? Est-ce parce que la très grande majorité des membres de la communauté marocaine à l’étranger se trouve en Europe, où bien simplement. du fait que l’ICMPD est domicilié en Europe et qu’il revient à cette direction d’accepter (ou non) au plan politique, le type de coopération proposée ? ; 
  • le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) . Son inclusion est nécessaire même si, créé depuis près de 13 ans, cette institution nationale qui joue théoriquement un rôle consultatif et prospectif, n’a émis jusqu’à présent aucun avis consultatif, tout comme elle n’a présenté aucun rapport stratégique tous les deux ans sur les évolutions de la question migratoire et les mutations de la communauté marocaine résidant à l’étranger ; 
  • le Haut-Commissariat au Plan (HCP en cours de transformation en Agence Nationale de Statistiques) qui va jouer un grand rôle en matière de statistiques migratoires. 
Relevons ici que ni le ministère délégué chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, ni le Centre National pour la Recherche Scientifique et Technique (CNRST) n’ont été associés, alors que le cadre universitaire est propice et viable pour mener ce genre de projet relatif au « Réseau ACADÉMIQUE Nord-Africain en Migration » pour établir un partenariat avec des institutions académiques, plus qu’avec des personnes, aussi expertes soient-elles . De même, des instituts comme l’IRES n’ont pas été associés (même s’il a un statut particulier), alors que la question migratoire est éminemment stratégique, constituant un fait structurel sociétal majeur. 

Plus encore, ni la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, ni l’Observatoire National des Migrations (ONM relevant du ministère de l’Intérieur et à réformer bien entendu), ni le ministère de l’Intérieur lui-même n’y figurent, on ne sait trop pourquoi, alors que selon les textes, ils constituent (et devrait plus encore dans les faits, constituer dans le futur) des acteurs institutionnels majeurs du champ migratoire marocain !!! 

La raison de «l’oubli » de ces institutions est-elle due à l’existence d’une «rivalité» entre certains départements ministériels et des institutions nationales, chacun voulant avoir « son » propre observatoire, dépendant directement de lui ? Toujours. est-il que l’idée de sa création a toujours rodé dans les couloirs du ministère chargé des MRE (puis des affaires de la migration), sans que la volonté ne devienne forte au niveau des décideurs successifs et que l’on sache comment la concrétiser. 

S’agissant maintenant de la manière dont on peut faire partie du Comité National, selon l’article 5 de son statut, il est nécessaire de présenter une demande au comité scientifique qui doit être parrainée par deux membres académiques. C’est le comité scientifique (où siègent également 4 membres institutionnels) qui accepte ou non la demande . De ce fait, on imagine mal comment des chercheurs de longue date qui ont été marginalisés dès le départ aussi bien par des membres «fondateurs » que par le représentant du ministère délégué (le Directeur de la coopération, des études et de la coordination intersectorielle) soient acceptés !!! 

Si on ajoute maintenant d’autres institutions comme le CCME, cela voudrait dire que toutes celles et ceux parmi les chercheurs qui figurent sur leurs «listes noires », par ce qu’à un moment ou un autre, ils (elles) ont exprimé un point de vue critique sur la gouvernance ou la politique des responsables de ces institutions, seront punis. Le veto de l’une et à fortiori plusieurs de ces institutions, signifiera le refus de la candidature de ces chercheurs, sachant par ailleurs, que l’on recherchera toujours un «consensus » pour ne mécontenter aucune institution ! Cette pratique contribue aussi à diminuer la marge de manœuvre des chercheurs et de leur autonomie vis à vis des institutions partenaires et plus particulièrement le ministère chargé du dossier migratoire. 

Rabat, le 4 juillet 2020 

Abdelkrim Belguendouz 
Universitaire à Rabat, chercheur en migration 




 
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