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Dans un autre rêve, où je crois me promener à cheval par une belle journée, la conscience de ma véritable situation me revient en mémoire, comme aussi cette question de savoir si le libre arbitre de mes actions imaginaires m’appartient en songe ou ne m’appartient pas.

Émission Sur les Épaules de Darwin (France Inter)


Voyons, me dis-je, ce cheval n’est qu’une illusion, cette campagne que je parcours [n’est qu’]un décor, mais si ce n’est point ma volonté qui a évoqué ces images, il me semble bien du moins que j’ai sur elles un certain empire. Je veux galoper, je galope. Je veux m’arrêter, je m’arrête.

Voici maintenant deux chemins qui s’offrent devant moi.Celui de droite semble s’enfoncer dans un bois touffu ; celui de gauche conduit à une sorte de manoir en ruine. Je sens bien que j’ai la liberté de tourner à droite ou à gauche, et par conséquent de décider moi-même si je veux faire naître des associations d’idées-images en rapport avec ces ruines ou avec ce bois.

Je tourne d’abord à droite [dans la direction du bois touffu], puis l’idée me vient qu’il vaut mieux, dans l’intérêt de mes expériences, guider un rêve aussi lucide du côté des tourelles et du donjon, parce qu’en cherchant à me souvenir exactement des principaux détails de cette architecture, je pourrai peut-être, à mon réveil, reconnaître l’origine de ces souvenirs.

Je prends donc le sentier de gauche, je mets pied à terre à l’entrée d’un pont-levis pittoresque et durant quelques instants que je dors encore, j’examine très attentivement une infinité de détails grands et petits : voûtes ogivales, pierres sculptées, ferrures à demi rongées, fissures et altérations de la muraille, admirant avec quelle précision minutieuse tout cela se peint aux yeux de mon esprit.

Bientôt pourtant, et tandis que je considère la serrure gigantesque d’une vieille porte délabrée, les objets perdent tout-à-coup leur couleur et la netteté de leurs contours, comme les figures des dioramas quand le foyer s’éloigne.

Je sens que je me réveille. J’ouvre les yeux au monde réel, la clarté de ma veilleuse est la seule qui m’éclaire.
Il est trois heures du matin.

Hervey de Saint Denys. 
Les rêves et les moyens de les diriger. [In : Michel Jouvet. Le sommeil et le rêve]

Sur les épaules de Darwin est une émission radio de Jean Claude Ameisen, diffusée depuis 2010 sur France Inter. Les sujets abordés sont assez éclectiques, de l'œuvre de Charles Darwin à l'évocation des travaux scientifiques les plus récents, mis en résonance avec la littérature, la philosophie, l'éthique, la poésie ou l'art.(Wiki)




 

 
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