Menu

News

Nous retrouvons dans ce podcast de France Culture, Corine Pelluchon, philosophe et professeure à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, pour une discussion autour de son ouvrage “ Les nourritures : philosophie du corps politique “ (ré-édition collection Points au Seuil, 2020).


« Au commencement était la faim » : Corine Pelluchon reprend cette phrase d’Emmanuel Levinas en la poussant encore plus loin que lui. Le vivant ouvre sur l’éthique à travers sa vulnérabilité, sa relation au monde qui lui donne des « nourritures », et donc sa relation à autrui, à la justice, aux animaux, à la nature. Mais pour Levinas la vie peut aussi contredire l’éthique, car elle peut conduire au repli sur soi, et à la guerre, au déni de l’altérité et d’Autrui, au nom d’un contresens sur le « vital ». Corine Pelluchon lui répond donc en publiant un cours portant sur cette oeuvre du philosophe. 

Aujourd’hui, c’est bien du vivant qu’il faut partir. Mais l’homme ne vit pas seulement de pain, il vit de considération et de justice. Nous avons faim de respect et de morale. C’est en prenant la faim et le vivant dans toutes ses dimensions qu’elle n’est pas seulement un commencement mais une fin. 
L'éthique commence par les choses matérielles, c'est à dire que quand on souffre de privation extrême, et la faim en est une, eh bien, on n'a pas accès au plaisir, et on n'est pas libre. Donc, avant de penser l'humain comme choix, comme volonté, comme liberté, il y a cette passivité première et cette dépendance à l'égard de ce dont on vit. 

Si je pars de l'existant dans sa corporéité, comme être qui a soif, qui a faim et qui a besoin de manger, je vois que c'est toujours un sujet relationnel qui surgit. 

Les institutions comportent le risque de tyrannie, de réduction de l'autre ou même de bureaucratisation qui efface les visages. Néanmoins, on a besoin des institutions. On a besoin d'assigner des limites à la tentation de chacun d'abuser de son pouvoir sur, justement, les êtres vulnérables qui ne peuvent pas se défendre tout seul.

Il y a un dépassement du dualisme. On n'a pas besoin seulement de choses naturelles ni seulement de choses culturelles. De toute façon, la culture, c'est lié aussi à notre corps et à la nature, et vice versa. Il y a vraiment un dépassement du dualisme nature/culture, individu/social, raison/émotion.

Ce que j'ai voulu faire, c'est articuler une réflexion sur l'écologie à l'existence, c'est-à-dire faire une philosophie de l'habitation de la Terre décrivant l'existant dans sa corporéité, la matérialité de son existence, faisant surgir des structures de l'existence qui vont servir de support pour l’élaboration d'une théorie politique. Puisque pour moi, la théorie politique ne s'intéresse pas seulement au pouvoir, ni aux institutions, mais à une réflexion sur le désir de vivre ensemble.





 
Top