Le chef de cabinet du Président Hassan Rouhani a déclaré que selon un accord négocié dans le cadre des pourparlers de Vienne repris depuis avril 2021 pour ressusciter le JCPOA, les Usa étaient prêts à lever des sanctions relatives au secteurs du pétrole, du transport maritime et des assurances. Environ 1400 sanctions infligées par l’administration Trump devraient être levées.
A cette annonce qui ne pouvait être que sérieuse, les Iraniens ne donnent pas dans l’intempestif et l’infondé, ils ne sont ni fous, ni irrationnels encore moins fanfarons, l’ombre d’une menace a plané sur le monde anglo-saxon. Un danger imminent se précisait, l’abandon d’un acharnement à vouloir faire la guerre à l’Iran aurait signifié le collapsus final étasuno-sioniste dû à une paix possible.
L’interprétation de cette avancée selon laquelle la gauche des Démocrates avait imposé une politique subtile visant à désinsérer l’Iran de l’axe Moscou-Pékin pour l’affaiblir n’a pas tenu quelques jours.
L’horreur de la paix
Vite, vite, l’odieuse perspective du rétablissement d’un programme ‘levée des sanctions contre gel du nucléaire’ a été effacée. Le pôle du pouvoir Complexe militaro-industriel a remis sur le métier sa raison d’être et a entravé une solution politique mortelle pour sa survie. Il n’a pas seulement désavoué la délégation à Vienne, il a fait procéder à une attaque contre des milices irakiennes à la frontière entre l’Irak et la Syrie, tuant au moins cinq personnes. Alors qu’il se vantait par la voix du porte-parole du Pentagone d’avoir détruit un dépôt d’armes du Hachd al Chaabi, des preuves abondent qui étayent que les sites détruits sont des dépôts pour le commerce alimentaire. Le transit a repris depuis 2019, une fois la zone débarrassée de la présence de Daech. La décision a été attribuée à Biden, la poupée sénile que s’est choisie la pseudo-démocratie américaine et signifier on ne peut mieux la vétusté de son système.
La rente des guerres et de l’armement
Il est des pays qui vivent de la rente pétrolière, l’entité étasuno-sioniste vit de celle de la guerre au point que nous risquons d’avoir une nouvelle définition de l’anti-américanisme, ce serait la revendication que doivent cesser les conflits armés. Le Secrétaire d’Etat adjoint aux affaires du Moyen-Orient, Joey Hood, a vertement réprimandé les alliés-vassaux de la région qui oseraient s’aventurer à normaliser leurs relations avec Bachar Al Assad. Mohammed ben Salman qui semble disposé enfin à pratiquer une politique réaliste a esquissé une détente avec Damas. Il aurait donné l’assurance que les Bédouins du Nedjd ne tenteraient plus un ‘regime change’, souhaitant en contrepartie une solution de sortie honorable au Yémen. Ce rapprochement mettrait en difficulté le commerce des armes, le « péril » doit donc vite être écarté. Hood a brandi la Caesar Act de l’ère Trump, laquelle vise les secteurs de l’énergie et de la construction, empêchant la Syrie de se reconstruire après dix ans de guerre, et qui peut s’étendre aux entreprises et pays qui souhaiteraient s’engager auprès du gouvernement syrien.
Bagdad se rebiffe
Le Premier ministre irakien a estimé, dans une envolée d’une rare dureté envers les Usa, que les frappes américaines étaient illégales et qu’elles violaient de façon flagrante la souveraineté du pays. Les factions armées irakiennes regroupées dans les Forces de mobilisation populaire, coalition regroupant des unités essentiellement shiites, auxquelles le Premier ministre a rendu un hommage vibrant récemment, déplorent la perte de quatre militants du groupe des Brigades Sayyid Souhadaa et elles ont promis de venger leurs morts. Sitôt dit, sitôt fait. Dès le lendemain, elles ont bombardé les forces étasuniennes installées autour de Dei Ezzor, près du champ pétrolifère qu’elles exploitent et donc qu’elles volent. Après que les dirigeants des différentes brigades se soient concertés à Bagdad, elles ont même offert une trêve aux forces d’occupation étasuniennes à condition que ces dernières se tiennent tranquilles. Pas moins de quarante attaques ont été menées depuis le début de l’année contre des positions américaines.
Faut-il rappelé que la Parlement irakien a voté le 5 janvier 2020 le départ de toutes les forces étrangères du pays ?
L’escalade est assurée, l’Iran devra poursuivre d’allouer des moyens à sa défense à sa frontière en appuyant la résistance irakienne dans un contexte économique un peu moins défavorable puisque le cours du pétrole s’est rehaussé.
Stabilité des institutions
Ni l'élection du nouveau Président iranien ni la mise hors état de nuire de Netanyahu ne changent donc vraiment quoi que ce soit dans l’équation dans la région. La politique menée par Téhéran ne varie pas en fonction des élections puisque le réel pouvoir est entre les mains d’un Conseil de Sécurité Nationale de plus de vingt membres, parfaitement éduqués en philosophie(s) et en géostratégie, dont le devoir est d’assurer la stabilité du régime et la défense contre les agressions extérieures. Les élections, comme partout dans le monde où elles sont organisées, ne sont qu’un moment de la mise en scène d’une consultation populaire où le peuple n’a d’autre choix le plus souvent que de déserter les urnes pour dire sa désapprobation. Les démocraties sont gérées par des pouvoirs non démocratiques. Ce sont le FMI, l’OMC, la Banque mondiale et l’OTAN qui décident du destin de chacun. Les médias sont entre les mains des grandes institutions financières, les réseaux sociaux appartiennent à des entreprises qui ont partie liée avec la CIA. Dans ce simulacre démocratique élargi à l’espace planétaire, l’administration américaine a fermé trente trois sites internet iraniens au prétexte qu’ils auraient diffusé des informations malveillantes qui auraient interféré avec les élections étasuniennes en 2020. Le manque d’imagination est au pouvoir dans les officines du renseignement et du contre-espionnage étasuniens. La thèse ridicule que le système politique est devenu poreux à une influence ennemie lors du processus fort verrouillé des présidentielles étasuniennes est de nouveau recyclée malgré son échec patent contre Trump.
Désarmer l’Iran, la nouvelle (?) lubie
La République islamique d’Iran ne compte pas renoncer à ses missiles de longue portée qui lui avaient fait défaut lors de la guerre fomentée par l’Occident via Saddam Hussein, alors qu’elle est entourée de puissances nucléaires comme Israël et que la Turquie a une base où sont déposées des ogives nucléaires étasuniennes. Israël, qui n’a jamais signé le Traité de non Prolifération des armes nucléaires, est assis sur un stock d’armes nucléaires pointées sur l’Iran.
L’axe étasuno-sioniste dévie les discussions sur le nucléaire vers l’abolition des missiles balistiques non nucléaires iranien. C’est une autre manière de dire : « On vous désarme d’abord en vue d’une très hypothétique levée des sanctions mais c’est pour mieux vous attaquer ensuite ». Le durcissement dans ce sens des discussions autour de la remise en route de l’accord sur le nucléaire de 2015 est sans doute le cadeau de bienvenue qui sera offert par Biden à Rivlin lors de sa prochaine visite à la Maison Blanche. L’attaque du site à la frontière irako-syrienne de Qaïm est aussi une manière de fêter l’arrivée au pouvoir de Naftali Bennet, celui qui n’est pas gêné d’avoir tué beaucoup d’Arabes, un maximum d’Arabes. Bennet est l’homme qui s’est enrichi en investissant dans le Dark Web. La plateforme de transfert de fonds en ligne, Payoneer, a offert ses services à des firmes pornographiques, des sites de rencontre qui arnaquaient les clients et d’autres joyeusetés comme l’industrie frauduleuse des options binaires.
La Chine en renfort
Pendant que les officines responsables du renseignement étasunien et du contrôle fort juteux du trafic de drogue à travers le monde se divertissent ainsi, la Chine assure la Syrie de son aide militaire. Des radars d’alerte précoce JY-27 ainsi que des systèmes de guerre électronique ont été livrés aux unités syriennes qui combattent dans la région d’Idlib la nébuleuse terroriste dont fait partie le Turkistan Islamic Party. Le TIP est principalement composé de Ouïghours chinois salafistes, panturkistes et séparatistes. L’engagement de la Chine auprès de la République arabe de Syrie n’est pas nouveau, il s’agit de lutter contre les terroristes qui veulent la sécession du Xinjiang et de garantir son approvisionnement non négligeable en pétrole irakien.
Les Usa mènent depuis des décennies des guerres ingagnables
L’une d’elle est celle contre la drogue. Aux Etats-Unis, les morts par overdose par consommation de drogues illicites ou de médicaments détournés de leur fonction antalgique atteignent des proportions redoutables, sans doute aggravées par la pandémie du SARS-CoV2, plus de 80000 morts entre mai 2019 et mai 2020. Le taux de morts par dépression et suicides parmi les vétérans de l’armée dépasse celui qui atteint la société civile jusque là classiquement plus élevé. Selon un travail de la Brown University, 30 177 anciens soldats recrutés dans les guerres depuis 2001 se sont suicidés contre 7 057 qui seraient morts au combat. Ceci montre si besoin les limites de l’esprit humain qui a du mal à supporter des contradictions entre les intentions affichées des agressions et la réalité des exactions commises contre les populations civiles, le cynisme affiché de la chair à canon n’est que de façade.
Les guerres contre l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie n’étaient pas gagnables, on le savait avant même la mise à exécution des plans des néo-conservateurs dûment consignés dans le projet pour le nouveau siècle américain PNAC dès 1997. Il était difficile cependant d’imaginer que la Guerre sans fin contre le Terrorisme allait passer par le financement des takfiristes, mercenaires faciles à déplacer entre la Turquie, leur plaque tournante, la Syrie, l’Irak, la Libye et les pays limitrophes du Mali et jusqu’au Nigéria et Mozambique. Chaque nouveau foyer allumé est devenu un lieu de leur enlisement.
Dr Badia Benjelloun
30 juin 2021