Najib Bendaoud, professeur à l’école normale supérieure de Tétouan, et avant tout poète, est mort comme meurent les poètes, dans une fulgurance cardiaque. La mort, énigme des énigmes, sa compagne indomptable, sa muse, sa lyre, sa déesse, il la chante pour l’éternité.
Yeux d’amande Par Najib Bendaoud
Amour terrestreCombien tu es affreusement éphémèreCombien tu es un passantCombien tu es ignoblement fragileJ’aime aimer l’éternelLa mort est ma vraie femme réelleJ’adore ses seins bondissantsSes fruits défendusSa danse intestinaleJe n’ai pas peur de toi amour prohibéeBelle femme aux yeux d’amande !Je me résigne à ta folie injusteÀ tes voyages corrompusÀ tes jeux inlassablesA tes caprices anodinsA tous tes rouages infernauxEnfin, je m’offre à ton destinJ’abdique toutes mes foiresJe renonce à ton ventre platA tes jolies fesses abondantesA tes jambes affolantesA tout toi belle museBelle peau succulenteMa mort s’appelle ton sourireMa mort est tes jolies mains caressantesMon corps froid de supplicesMon âme troublée de questionsMes pieds fatiguésHarassésDe te poursuivre partoutMême au fond de tes gouffresMême au fond de tes angoissesMême au fond de ton petit corpsSvelte et étonnantJolie fleurPour toi mes mots chantent ton nomMes yeux d’amande.Najib Bendaoud
Que dire ? La mort, séraphique renégate, divine scélérate, diabolique tentatrice, perfide séductrice, sournoise maîtresse, satanique traîtresse, monstrueuse magicienne, cynique statisticienne, trompeuse marraine, misérable souveraine. Répondre au poème par le poème et se taire.
La descente au tombeau Par Mustapha Saha
Dans la crypte éclairée d’un modeste flambeauLa stèle consacre l’éternelle défaiteEt cette âme autrefois conquérante du beauSe fige maintenant dans l’amnésie parfaiteIci la méduse pétrifie l’arrivantQu’il fut prophètes des Saintes EcrituresOu génie célébré dans la cour des savantsNe subsiste en dépôt qu’une ingrate ossatureAucun autre constat que l’échec des devinsNulle trace d’esprit délivré du charnelLa pensée foudroyée dans son élan divinS’évapore au contact du vide originelQuand la tombe engloutit le corps et sa mémoireIl n’est point de soleil dans le verbe ou l’oracleL’enchanteur empyrée promis dans les grimoiresNe distrait qu’amateurs d’improbables miraclesAu fond de cet asile imprégné de silenceS’abolit le savoir de tous les livres lusLe grand sommeil dissout l’être et son insolenceL’énigme dévoile son ignorance absolueQue peut la complainte nourrie de mille fablesLa muse a disparu dans le miroir sans tainAu bout du voyage gouverne l’ineffableLes mots se dérobent la chandelle s’éteintMustapha Saha
Œuvre poétique de Najib Bendaoud
- Najib Bendaoud : Les Seins pénibles, éditions Fikr , Rabat 2011
- Najib Bendaoud : Hanan, éditions Epingle à nourrice, Paris, 2013
- Najib Bendaoud : Les Ruelles de mon songe, éditions l’Apporte-plume, Pontault Combault, 2015
- Najib Bendaoud : Mira, éditions Slaiki, Tanger, 2017