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Dans sa fable « Le loup devenu berger », La Fontaine examinait la situation suivante : un Loup veut séduire des moutons. Comme il n’imagine pas qu’il puisse y arriver en se présentant sous son vrai visage, il se déguise en berger. Paré de tous les attributs du pasteur, « il voulut ajouter la parole aux habits (…) mais cela gâta son affaire ». Il est pris, et le paye (cher).

Or aujourd’hui, le Loup ne se cache pas. Il se donne des allures de gros chien, mais chacun sait au fond qui il est. Et il parle : il hurle, il jappe, il aboie, il grogne, c’est un savant mélange, mais il ne dupe personne sur son identité ni son projet : xénophobie, nationalisme archaïque (cf en France la référence à Jeanne d’Arc, version médiévale du Gott mit uns), etc. Et les moutons, qui de nos jours ont le droit de vote, l’écoutent, l’approuvent, et pensent qu’ils tiennent peut-être là la solution à leur problème, lequel se résume en une phrase : tenir à l’écart les moutons qui arrivent de contrées lointaines pour, disent-ils, brouter l’herbe de leurs prés.

Si le Loup peut ainsi être perçu comme un possible protecteur, c’est évidemment à cause de la défaillance du Berger. Qu’il se poste à droite ou à gauche du troupeau, celui-ci est discrédité : les moutons observent que le Berger les tond, sans plus prendre soin d’eux, sans plus savoir les protéger. (Le dessin ci-dessus, d’un dessinateur grec, résume parfaitement à mon sens l’état d’esprit de nombreux électeurs européens.)

J’en reviens à la fable. Ce qui est extraordinaire, avec le recul, c’est la conclusion de La Fontaine : « Quiconque est Loup agisse en Loup / C’est le plus certain de beaucoup ». Le Loup semble l’avoir entendue. Désormais, il s’assume, à quelques “petits fours” près. Et voilà pourquoi, au passage, il ne sert à rien aux prétendants bergers de crier au loup : un paradoxal désir de loup flotte dans l’esprit du temps. Plus ils cherchent à stigmatiser la bête, plus elle va se renforçant.

 
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