Seuls les politiciens qui dirigent pour le compte des puissants semblent surpris de la vague des gilets jaunes en train de bouleverser la donne sociale en France et en Europe ou même en Palestine, en Irak, en Egypte, en Algérie et ailleurs. Comme avaient été surpris les Présidents tunisien, égyptien et la CIA au début du printemps des peuples arabes.
Le capitalisme financiarisé et mondialisé a unifié de fait toute la planète. Les révoltes non abouties des uns inspirent les autres. Les Gilets Jaunes en dispersant les blocages des transports routiers sur tout le territoire et en improvisant les lieux des manifestations évitent de se faire enfermer dans une géographie limitée facile à attaquer par le pouvoir. Ils se montrent aussi fluides que les circuits spéculatifs qui nous détruisent. Ils reprennent possession d’un territoire duquel un « nomadisme » forcé les arrache chaque jour, travaillé pour de longs déplacements. Ce mouvement s’enracine donc dans le terreau d’une vieille colère trop longtemps contenue, suscitée par l’incohérence trop évidente du système qui ne parvient plus à faire endosser son idéologie aux dominés. La dernière mesure d’une taxe prétendument écologique parachève l’injustice fiscale qui dégrève sans contrepartie les entreprises, assure l’impunité aux multi/transnationales qui pratiquent l’évasion fiscale et rogne les revenus des retraités en désindexant les pensions de l’inflation. Cette taxe de trop n’a été que le facteur déclenchant de son explosion.
Les illusions ‘démocratiques’ de la représentation parlementaire qui avantage les professionnels de la politique formés à la rhétorique démagogique et poussés par l’arsenal des médias, propriété privée de quelques milliardaires ou aux ordres d’un pouvoir étatique échappant à son peuple, sont tombées. Cependant, ce ne sont pas les réformes institutionnelles comme le référendum d’initiative populaire qui changeront l’ordre économique qui donne forme à cette politique au service des possédants prédateurs et des exploiteurs. Elles doivent rester certes à l’ordre du jour mais il faut pour la permettre, reconstruire les conditions d’une souveraineté populaire et nationale en rompant le mur de l’Argent roi, l’Argent dette.
La liste des revendications constituantes doit s’articuler autour de deux principes:
Nationaliser et socialiser ce qui est acquis par la solidarité nationale.Le Crédit doit être socialisé. Les banques utilisent nos dépôts devenus obligatoires pour développer leur système de crédit qui est garanti par la solidarité nationale car en cas de défaut, c’est notre travail qui renfloue les banques en faillite potentielle. Les institutions financières privées ne fonctionnent que grâce à cette double escroquerie. Les dépôts que nous leur confions ET leur garantie par l’Etat et nos impôts sont les conditions de leur existence.
Les revenus insolents des laboratoires pharmaceutiques sont payés par notre système de solidarité nationale, sécurité sociale et mutuelles complémentaires, sans qu’ils ne contrôlent la validité des produits mis en vente, leur efficacité, leur innocuité ni leur prix. La recherche sur laquelle se fonde leur légitimité alléguée est quasi-intégralement le fruit de la recherche publique. Nous payons collectivement par nos impôts et les contributions sociales prélevées sur nos salaires la recherche publique et notre système de sécurité sociale. Nationalisons et socialisons le médicament.
Les services publics doivent rester des biens publics et (re)devenir gratuits : école, santé, transports communs, autoroutes payées de nos deniers et subrepticement privatisées, téléphonie, France Télécom bien public passé au privé par la voie de la mise sur les marchés boursiers, etc…
Restituer à l’information son rôle initial et interdire la propagande divertissante distillée sous prétexte d’un droit à la liberté l’expression. Rétablir un véritable système public contrôlé par des conseils de journalistes rendus inaccessibles à la corruption par l’argent.
Instituer des assemblées populaires permanentes dans les quartiers, les villages et les entreprises pour surveiller l’activité des élus du peuple, avec droit de révocabilité. Instituer le « vote contre tous » retiré des législations électorales des pays post-soviétiques sous la pression du Conseil de l’Europe. Assurer une représentation élue sur une base territoriale et une représentation proportionnelle sur une base programmatique nationale à tous les niveaux de décision. Convoquer une chambre représentative des mouvements associatifs et syndicaux en lieu et place du Sénat conservateur.
L’ensemble de ces mesures ne peut s’appliquer tant que la France reste incarcérée dans l’Union européenne, l’euro et l’OTAN. Donc les trois sorties sont impérieuses, préalables et non suffisantes. Parmi les mesures urgentes de sauvegarde, il faudra interdire la fuite des capitaux et les cotations boursières quotidiennes.
L’organisation économique devra être orientée vers la production de valeurs d’usage et non de valeurs d’échange.
Ainsi disparaîtront toutes les activités parasites de marchandisation et les secteurs inutiles ou nuisibles, comme l’armement, la pornographie dégradante et les guerres impérialistes. Ainsi disparaîtront aussi les causes des migrations qui spolient les pays d’origine de leurs cerveaux et de leur jeunesse et qui déstabilisent le marché du travail dans le pays receveur. Priorité sera donnée aux politiques de développement autocentré et de coopération internationale mutuellement avantageuses, seules capables de créer les conditions du droit à la libre circulation des êtres humains et des idées. Les forces productives sont aujourd’hui suffisamment développées pour que le nécessaire soit assuré à tout un chacun. Il sera demandé à celui qui en a la capacité de fournir un travail socialement utile. Il faut donc une réorganisation totale du mode de production et une réflexion collective, toujours renouvelée, sur ses finalités.
Uni, le peuple des Gueux de France sera invincible, les distinctions d’origine et de couleur ne seront pas de mise dans une société où l’épanouissement des capacités humaines permettra une réelle liberté de conscience et une émulation entre propositions répondant au mieux aux besoins du peuple. Celui-ci a la chance historique aujourd’hui d’initier une actualisation de la Déclaration Universelle des droits de l’homme qui va passer de simple intention en Constitution effective de l’organisation des sociétés.
Tout de suite, exigeons la libération de tous les Gilets Jaunes emprisonnés et l’arrêt de leurs convocations et des poursuites judiciaires à leur encontre. C’est grâce entre autres à eux que le peuple a pu exprimer à nouveau son existence, nous leur devons notre infaillible soutien.
Le Comité bien visible de l’insurrection en cours déclare que ce manifeste, résultat d’un travail collectif, trace des objectifs tout à fait atteignables, d’une mise en œuvre aisée, à la portée d’un peuple nourri de la modeste ambition de prendre en main sa destinée et conscient d’être maintenant le point de mire de tous les autres peuples.
Badia Benjelloun