
Le bonheur au sein d’une entreprise peut être atteint aussi par la solidarité et la participation collective, grâce à la relation entre l’affirmation du moi et l’inclusion dans une communauté, a-t-il ajouté lors d’une rencontre-débat sur le thème « Regards croisés sur le bonheur national brut », organisée par le Centre des jeunes dirigeants d’entreprises (CJD-Maroc).
Le père de la pensée complexe a épinglé au cours de cette conférence, organisée à l’occasion de la Journée mondiale du bonheur, certains problèmes qui empêchent d’aboutir au bonheur en milieu professionnel.
« Le problème aujourd’hui c’est que l’entreprise a hérité d’une structure pyramidale et autoritaire qui empêche aussi bien les initiatives et la créativité que l’adhésion et la participation », a-t-il expliqué, mettant en cause également la forte pression engendrée par le souci de rentabilité et de compétitivité imposés par un modèle technobureaucratique stimulé encore plus, dans le cadre de la mondialisation, par la crise économique qui a démarré en 2008.
M. Morin a mis en garde contre les effets négatifs sur le travailleur de cette pression qui a entrainé « ce qu’on appelle la souffrance au travail », relevant à ce sujet l’inexistence de corrélation entre productivité et bonheur.
« Il faut trouver un autre type ou modèle de productivité que celui qui existe aujourd’hui », a-t-il plaidé, appelant également à revoir le système hiérarchique qui règne au sein des entreprises.
Pour M. Morin, la structure hiérarchique n’est pas synonyme du fait qu’un stade hiérarchique donne des ordres à un stade inférieur hiérarchiquement, mais il s’agit de niveaux de responsabilités qui doivent être maintenus et permettre la rétroaction.
Il a fait observer qu’une réforme du modèle productif et du système hiérarchique peut améliorer vraiment la productivité de l’entreprise, alors que « les mesures strictement autoritaires font un sous-emploi des capacités humaines ».
Le philosophe et sociologue français souligne, en outre, qu’on ne peut pas aspirer à une amélioration en matière d’humanisation de l’entreprise sans une reconnaissance de la part des patrons qui est « extrêmement fondamentale », précisant qu’ »il faut qu’un dirigeant (d’entreprise) ait la bienveillance ».
Evoquant la notion du bonheur de manière générale, M. Morin a relevé l’importance de trouver l’équilibre qui peut nous ouvrir les portes de cet état, notant la multiplicité des situations où un individu peut trouver le bonheur, allant de l’intensité et la passion à l’exercice de la raison et de la science, en passant par la foi ou les activités pratiques et techniques.
En conclusion, M. Morin a estimé qu’il y a une part du bonheur qui dépend de nous et une autre qui n’en dépend pas, ajoutant que l’envie, l’amertume, le ressentiment rendent malheureux, alors que la compréhension d’autrui, la bonté, la capacité de s’auto-examiner, d’affronter l’incertitude sans être ravagé par l’angoisse apportent le bonheur, cet état qui n’est jamais permanent.
Né en 1921 à Paris, Edgar Morin est directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS-France) et docteur honoris causa de plusieurs universités à travers le monde. Auteur d’une soixantaine d’ouvrages de philosophie et de sociologie, son travail exerce une forte influence sur la réflexion contemporaine, notamment dans le monde méditerranéen, en Amérique latine et même en Asie.