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A l'occasion de la tenue du scrutin législatif du 7 octobre 2016 et de la campagne électorale y afférent, il est important de voir comment les diverses formations politiques marocaines appréhendent le dossier des cinq millions de citoyens marocains établis à l'étranger.
Quelle est la place de ce dossier multi-sectoriel et stratégique d'intérêt national dans la perception des programmes partisans électoraux, et quel est le degré de priorité qui lui est accordé par les acteurs politiques ?
Pour les partis politiques qui ont tenu compte de ce dossier, quelles sont les dimensions qui ont été retenues et en quels termes ? L'échéance du 7 octobre 2016 étant éminemment politique par excellence, comment en particulier est désormais posée la question de la participation et de la représentation politiques des citoyens marocains à l'étranger par rapport au Maroc ?

L'éventail partisan au Maroc est très large, de quelques 35 partis politiques. Mais pour des raisons multiples, nous n'avons pu avoir accès au programme électoral de chacune des formations politiques en présence. Seuls 9 programmes ont pu être consultés et analysés : ceux des huit "grands" partis les plus représentés au Parlement, plus le programme d'une coalition de 3 partis de la gauche marocaine. L'échantillon n'est donc pas exhaustif, mais il est représentatif des principaux courants politiques de la majorité et de l'opposition.

A l'aune des préoccupations MRE, nous analyserons tour à tour le programme électoral de chacune des formations politiques suivantes : UC, PAM, RNI, PJD, PPS, USFP, Istiqlal, Mouvement Populaire, Fédération Démocratique de la Gauche. Dans ce premier article, nous analyserons les positions des 4 premiers partis cités. Dans une seconde livraison qui paraîtra demain, nous passerons au crible les positions des autres partis politiques. Ã la fin de chacun des deux articles, les liens renvoyant aux programmes électoraux analysés, seront mis à disposition.


Union Constitutionnelle (UC)
Pour se préparer au scrutin législatif du 7 octobre 2016, la formation politique dénommée "Union Constitutionnelle" qui appartient actuellement à l'opposition, a édité une Plateforme électorale 2016-2021 intitulée : "charte 16-21 : 100 mesures pour un Maroc gagnant". Il s'agit de 100 mesures clés en urgence regroupées autour de 4 axes prioritaires : la vision économique, la vision sociale et sociétale, la vision de la gouvernance publique et la vision de la gouvernance des territoires.

Mais en dehors d'une allusion fortuite à la Nouvelle Politique Migratoire du Maroc ( les étrangers au Maroc ) , sur les 100 mesures , aucune ne trouve grâce pour le secteur des cinq millions de Marocains résidant à l'étranger qui sont les oubliés absolus de la "charte" , qui se veut pourtant non pas un catalogue de promesses , mais un ensemble de mesures concrètes et pragmatiques à opérationnaliser "dans une prochaine coalition gouvernementale" , ou à développer comme "alternatives au sein d'une opposition citoyenne" !!! Tout se passe comme si, se voyant proposer le département des MRE en cas de participation au gouvernement, l'UC décline l'offre au motif qu'il n'y a rien à faire en ce domaine et aucune réforme à entreprendre !

Bien curieuse démarche que celle pourtant déclinée comme étant l'expression d'une écoute attentive de "l'ensemble des composantes du pays", et devrait faire face à "un bilan gouvernemental aux antipodes des ambitions réelles du Royaume" !

Le Parti Authenticité et Modernité (PAM)
Pour les élections législatives du 7 octobre 2016, le PAM a édité un "Projet de programme électoral. Les grandes orientations ". Mais sur un volume de 72 pages, seules moins de cinq lignes ont été consacrées aux Marocains résidant à l'étranger à la fin du chapitre 7 intitulé : "Pour un rayonnement international (du Maroc) et un nouveau positionnement ". Les lignes en question sont les suivantes :
"Reconnaître et promouvoir le rôle imminent (corriger l'erreur par éminent) de la diaspora marocaine en tant que représentant du Maroc à l'étranger, mais aussi en tant que levier de développement national, richesse pour la diversité culturelle, modèle d'ouverture sur les civilisations étrangères et une expérience de cohabitation multiculturelle" (page 45 du document).
Pourtant, le PAM est donné comme un probable gagnant des élections législatives devant son rival le PJD, avec toutes les chances de diriger la future coalition gouvernementale. Par ce que, précise le document électoral du PAM, " le bilan du gouvernement sortant est désastreux " sur tous les plans. "Ce bilan gouvernemental est décevant au niveau politique, institutionnel, économique et social". "La situation est alarmante et inquiétante " au niveau de tous les secteurs.

Dans ces conditions, on aurait pu s'attendre à ce que le projet de programme électoral PAMiste, présenté comme étant le "fruit d'une large concertation avec les différents acteurs économiques, sociaux et la société civile ", reflète aussi les attentes et les préoccupations multidimensionnelles des cinq millions de citoyens marocains à l'étranger. Or, en dépit de la "concertation d'envergure consistant non seulement à interagir avec les parties prenantes au sujet des besoins et des attentes de la société, mais aussi de rompre avec la gestion qui a caractérisé ces dernières années" pratiquement dans tous les domaines, et en dehors des lignes reproduites plus haut, rien n'est soufflé sur le dossier des MRE, qui est pourtant un dossier stratégique d'intérêt national.

Il est vrai que les auteurs de ce projet de programme électoral "sollicitent le public, les partenaires sociaux et les opérateurs économiques à contribuer à son enrichissement à toutes leurs propositions ". Pourtant, à travers une large restructuration opérée par son dernier congrès national, en accordant notamment toute leur place aux Marocains du Monde dans les différents organes du parti, en créant une commission nationale spécifique chargé des MRE et en renforçant son implantation parmi la communauté MRE au sein des pays d'accueil, le PAM semblait apte à prendre en considération les multiples attentes des citoyens marocains établis à l'étranger. Or le contenu du projet de programme électoral ne reflète nullement ces avancées organisationnelles.

Le Rassemblement National des Indépendants (RNI)
"Le programme électoral du RNI : Législatives 2016", était attendu avec beaucoup d'intérêt, non seulement par ce que le RNI fait partie de la coalition gouvernementale Benkirane II et qu'il dirige même le ministère chargé des MRE et des affaires de la migration. Par ailleurs, d'après certaines informations, ce programme porte l'empreinte spécifique du titulaire du portefeuille du précédent département. Pour toutes ces raisons, on s'attendait à ce que le dossier MRE tienne toute sa place au niveau du programme électoral du RNI, qu'il soit traité avec précision et exhaustivité, non seulement en matière du bilan de l'action gouvernementale, mais aussi au plan des perspectives, des options et des mesures à prendre pour l'avenir.

Or sur le premier volet, l'édition de plusieurs déclarations / vidéo à sens unique et à caractère profondément publicitaire sur le site arabophone "Hespress", ont fait office de bilan, tandis que pour la prochaine législature 2016-2021, l'engagement du RNI est très peu visible en la matière.

Certes, on indique en toute dernière page du programme électoral, que 10 populations bénéficieront de mesures ciblées, parmi lesquelles les MRE, mais aucune précision n'est fournie sur la nature et le caractère précis de ces "mesures ciblées". Tout au plus dans le chapitre priorité de l'emploi, peut-on lire qu'une des principales mesures consiste à " mobiliser " le réseau des compétences marocaines à l'étranger". Par ailleurs, quelques pages en amont, la brochure annonce que le RNI interviendra également dans 4 autres chantiers importants, dont celui de la Culture et des Média. C'est à ce propos qu'il propose la "création d'un Institut Culturel dynamique et rayonnant par grande capitale d'accueil des migrants ".

Sur tous les autres aspects du vaste champ multidimensionnel du dossier MRE, aucun engagement concret n'est pris, y compris au niveau du cadre institutionnel concernant le domaine des MRE et au plan de la concrétisation des droits politiques par rapport au Maroc des citoyens marocains résidant à l'étranger, comme si cette question est définitivement enterrée par le RNI.


Parti de la Justice et du Développement (PJD)
Le programme électoral du PJD pour les élections législatives du 7 octobre 2016 est un volumineux document de quelques 106 pages. Si pour la législature qui s'achève (2011-2016), le mot d'ordre du PJD était notamment la lutte contre la prévarication et contre "Attahakkoum" (autoritarisme, domination, mainmise…), son mot d'ordre pour les toutes prochaines législatives est le suivant : "Notre voix, notre opportunité pour poursuivre les réformes ". Ayant dirigé la coalition gouvernementale pendant cinq ans, le choix de ce parti consiste à continuer ce qui a été commencé, à terminer les réformes lancées.

Évaluant son propre bilan et termes de réussite et d'autosatisfaction, ce parti considère en gros qu'il faut continuer sur la même voie et avec les mêmes options, le seul élément à introduire dans l'approche de l'action gouvernementale, c'est l'activation des réalisations, l'approfondissement et le renforcement de l'action entreprise.

S'agissant des propositions dans les domaines touchant spécifiquement les Marocains résidant à l'étranger, deux mesures peuvent être tout d'abord relevées au gré du déroulement du programme électoral concernant divers secteurs. Ainsi, dans une approche fonctionnelle, utilitariste et mercantile de l'émigration et pour renforcer de manière générale les exportations nationales, il est proposé à la page 28 la " saisie des opportunités offertes par les MRE pour développer les exportations nationales vers leur pays de résidence."

Par ailleurs, à la page 38, dans le cadre général de la mise en œuvre de la réforme du système d'éducation, de formation et de recherche scientifique, il est proposé le "renforcement et (la) mise à niveau des cours d'apprentissage de langue arabe et de l'éducation islamique au profit des enfants des Marocains résidant à l'étranger ". Sauf à notre sens, que la question de la rentabilité de cet enseignement de l'ELCO est posée depuis bien des années, voir même quelques décades, mais on ne voit rien venir du côté marocain, en particulier de la Fondation Hassan II pour les MRE et du ministère marocain de l'Education Nationale s'agissant de cette nécessaire mise à niveau. Par ailleurs, le document ne dit rien de la nécessaire "amazighisation" de ce type d'enseignement destiné aux enfants des MRE. Enfin, comment parler de la volonté de mettre à niveau le système d'éducation religieuse en direction des MRE, sans s'interroger notamment sur le fonctionnement et l'efficacité du Conseil Européen des Ouléma Marocains !?

A d'autres moments, notamment celui du chapitre concernant la consécration de la bonne gouvernance à travers l'accélération de la réforme et l'amélioration des capacités de mise en œuvre, on s'attendait à ce que la situation du Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger (CCME) soit évoquée avec tous ses dysfonctionnements et l'alternative pour sortir de cette crise du fonctionnement institutionnel, mais il n'en est rien. Ce silence sur la mauvaise gouvernance du CCME est d'autant plus surprenant qu'un des membres de ce Conseil n'est autre que le responsable de la commission MRE au sein du PJD !

Il faudra attendre la page 93, dans le cadre du chapitre consacré à la consolidation du renforcement international du Maroc, pour constater la formulation de 4 souhaits ou orientations concernant le " renforcement" de l'action publique au service des MRE. Il s'agit de la poursuite, de l'approfondissement ou du renforcement de l'action déjà entreprise. Quelques mots sur ces 4 volets :

1 - La première mesure proposée par le PJD est celle-ci, à travers un très court énoncé :" Mise en œuvre du droit des MRE de participer à la vie publique et politique ". De notre point de vue, on constate que cette formulation est vague et imprécise. On noie le poisson dans l'eau. Aucun engagement précis avec les modalités concrètes n'est pris. On ne parle plus de la nécessaire représentation des citoyens marocains résidant à l'étranger à la Chambre des députés à Rabat. Entre temps, comme à Argenteuil en France, les militants de PJD-France et de "Maroc-Développement" ont fait campagne pour inciter les MRE à envoyer des procurations (en fait une seule chacun ou chacune) au Maroc pour que l'on vote à leur place au lieu que le vote et l'élection se passent dans les pays d'immigration. Ce faisant, ces militants oublient-ils ce que disait le 10 novembre 2011 au "Courrier de l'Atlas" le secrétaire général de leur parti, Abdelilah Benkirane, alors qu'il était encore dans l'opposition : " le vote (des MRE) par procuration est une insulte ! Une façon de dire que les MRE étaient bons quand il s'agissait de faire passer le référendum et que maintenant qu'il s'agit de législatives, ils ne servent à rien "

Alors en faisant campagne à Argenteuil comme l'a rapporté lundi dernier "WakeUpInfo", ou en entreprenant au Danemark une démarche simultanée pour actionner la procuration, ces militants du PJD et acteurs associatifs de "Maroc Développement", n'ont-ils pas à leur tour "insulté" les citoyens marocains établis à l'étranger !? Chacun sait maintenant que c'est la crainte des résultats des urnes qui est à l'origine du refus d'opérationnaliser le droit de vote et d'éligibilité des MRE aux législatives à partir de leurs pays d'accueil. En s'alignant sur cette vision sécuritaire qui cherche à contrôler et à maîtriser le vote MRE, le PJD lui-même ne cautionne-t-il pas et ne participe-t-il pas à cette forme d'"Attahakkoum ", de domination et de contrôle sur les MRE, alors qu'il prétend être le parti paravant contre "Attahakkoum" dans son ensemble comme système et fait de cette lutte son cheval de bataille !?

2 - La deuxième mesure proposée dans cette rubrique du programme électoral du PJD est formulé comme suit : "Développement d'une politique publique intégrée et cohérente en vue de réaliser la convergence dans la gestion des affaires des MRE, avec la désignation des responsables au niveau de chaque département ministériel pour assurer le suivi".

De notre point de vue, il faudrait d'abord une stratégie national globale, cohérente et intégrée dans le domaine des MRE. Par ailleurs, la commission nationale interministérielle concernant les MRE et présidée par le chef du gouvernement, devrait revoir son mode de fonctionnement pour aboutir à l'efficience.

3 - La troisième "Mise à niveau et modernisation du travail consulaire, renforcement du réseau des postes consulaires et amélioration et développement de leurs services administratifs et sociaux, généralisation des services électroniques et dématérialisés, intensification des caravanes mobiles."

L'énoncé des défaillances et dysfonctionnements de l'appareil consulaires pratiquement dans des termes proches de la "colère royale" du discours du Trône du 30 juillet 2015, montre que des progrès réels n'ont pas été faits, ce qui pose la responsabilité du chef du gouvernement en la matière, au-delà de celle du ministre des affaires étrangères et de la coopération. A moins que le programme électoral du PJD ne procède ã une "autocritique" gouvernementale que lorsque les départements en question, sont dirigés par d'autres partis...

4 - "Renforcement du partenariat avec le tissu associatif au niveau des pays de résidence en matière de promotion du Maroc." A notre sens, les intérêts supérieurs du Maroc, comme la cause de son intégrité territoriale, sont toujours défendus avec abnégation par les citoyens marocains à l'étranger. Ce devoir est rempli, mais ce qui manque par contre, c'est le respect par les institutions marocaines de la dignité des citoyens marocains établis à l'étranger et de leur citoyenneté pleine et entière, ce que ne fait pas, de notre point de vue, le programme électoral du PJD qui est très en retrait par rapport à la Constitution et aux positions de ce parti quand il était dans l'opposition.

Dans une seconde partie à paraître demain, l'analyse des programmes électoraux du PPS, USFP, Istiqlal, Mouvement Populaire et la FDG sera menée et quelques enseignements généraux seront tirés à partir des 9 programmes étudiés.

Les programmes de ces 4 partis :
Rabat, le 5 octobre 2016
Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration













 
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