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Si vous passez par Brazzaville un jour, prenez le temps de vous arrêter au bar « la Main Bleue » du côté du quartier de Bacongo. Vous croiserez inévitablement des sapeurs devisant autours d’une bonne bière froide, et peut-être aurez-vous la chance d’assister à une « confrontation ».


Par définition, le sigle SAPE est l’abréviation de « Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes ». Contre toute attente, la SAPE attire l’attention du monde de la mode, parce qu’il a largement dépassé le cadre du Congo pour s’étendre sur l’ensemble des pays d’Afrique et trouver un écho en Occident. D’ailleurs, des créateurs à l’instar de Jean-Jacques Castellbajac ou Paul Smith ne cachent pas leur source d’inspiration en rendant hommage aux sapeurs dans leurs collections respectives. Le chanteur Stromae a également admis s’être inspiré de la SAPE pour sa collection capsule en 2014. 


Aussi loin que nous pouvons remonter dans notre mémoire, les sapeurs ont toujours fait partie de l’environnement des congolais. Particulièrement dans les quartiers sud de Brazzaville. Ce mouvement peut tour à tour plaire, intriguer ou susciter la désapprobation. Faut-il le prendre au sérieux ou tout simplement en rire ? Les origines de ce mouvement remonteraient à la période coloniale, où les aristocrates mettaient un point d’honneur à s’habiller avec des matières importées pour se distinguer des autochtones. C’est de là que serait née, cette philosophie. Ce serait d’abord une manière de se distinguer, de se démarquer des autres en portant des vêtements de grandes qualités. Et qui dit, grande qualité à cette époque, dit aussi rareté. Tout cela participe à attirer les regards et pourquoi pas à marquer les mémoires. Dans ce contexte, le vêtement était plus perçu comme un outil de distinction de classe et donc de domination sociale.


Il faut également retenir, que le congolais respecte d’avantage une personne soignée que négligée. Même dans un contexte de crise économique, l’excuse de « pauvreté » n’existe pas. Il faut faire de son mieux pour soigner son apparence et s’efforcer d’être au courant des dernières tendances modes par les médias, les bons tuyaux, les rumeurs ou faire preuve d’imagination. Il faut également avoir les bons réseaux et savoir « coopérer » pour se procurer les articles convoités. Mais en dépit de tous ces efforts : N’est pas sapeur qui veut. On n’est pas sorti de l’auberge ! 


Au-delà de sa dimension philosophique, le sapeur authentique, membre de la SAPE a des codes très strictes à respecter : comme celle de ne jamais dépasser 3 couleurs par tenue. Il y a tout un art de s’habiller et s’approprier les couleurs selon les différentes situations : Soirées, mariages, baptêmes, obsèques … Un genre de guide du « savoir-s’habiller » plutôt implicite. Un sapeur se démarque également par sa façon de se tenir et sa gestuelle. Vous serez d’abord intrigué par la démarche et une fois près de vous, vous comprendrez. Il ne marche pas droit, mais légèrement penché, ses pas s’entrecroisent, de manière à mettre en évidence les coutures des vêtements, les chaussures et les chaussettes…


On rentre dans la SAPE, comme d’autres entrent en religion. Il faut se sacrifier, se priver même d’un budget repas si nécessaire pour pouvoir se procurer les dernières pièces à la mode, qui sont généralement hors de prix pour la majorité. Les sapeurs s’affirment au travers de leur passion assumée pour les beaux vêtements (de valeur ou exceptionnels) auxquels ils vouent quasiment un culte. Leur dressing est toujours composé de pièces de marques souvent confectionnées en petite série et emprunts de fantaisie tels que des vestes colorées aux coupes audacieuses, des cravates ou des nœuds papillons tape-à-l’œil, des chaussures en peau de croco, des accessoires en tout genre … c’est un ensemble où les couleurs et les matières se côtoient avec audace, on parlerait même d’une débauche de couleurs.


Que serait un sapeur sans admirateurs ? Pour cela le sapeur a ses lieux de prédilection pour « voir et se faire voir ». On les croise la plupart du temps, lors des événements festifs où ils peuvent faire leur show, mais aussi lors de défilés surprises en pleine chaussée. Au rythme de la musique, les sapeurs occupent à tour de rôle la scène, en scandant à voix haute des propos qui serviront essentiellement à dénigrer l’accoutrement de l’autre, en espérant se mettre davantage en valeur et attirer la faveur du public. C’est une sorte d’autopromotion, ou la faute de goût dans la tenue est inexcusable. 


Un des rituels des sapeurs est le défi, dans lequel deux ou plusieurs sapeurs s’affrontent en public. On assiste alors à une démonstration vestimentaire élaborée et un genre de joute verbale où, le public devient juge en encourageant et en désignant le vainqueur par des rires et des acclamations. Ces spectacles ont leurs aficionados qui ne manqueraient cela pour rien au monde. Dans ces défis, Il y a une grande liberté d’expression et une part belle à l’improvisation.

Nous vous invitons à suivre ce très beau documentaire (d’environ 5 minutes), qui résume bien, le monde des sapeurs congolais :



 
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