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Le patron de l’Observatoire d’Etudes Géopolitiques de Paris (OEG) analyse la dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur la question du Sahara marocain. (Propos recueillis par Wissam El BOUZDAINI)

Maroc Hebdo : Quelle lecture faites-vous de la résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) relative à la situation du Sahara marocain ?

Charles Saint-Prot : Le texte reprend les principaux points du rapport du nouveau secrétaire général Antonio Guterres qui veut sortir de l’immobilisme et des positions ambigües de son prédécesseur pour créer une nouvelle dynamique de paix. A beaucoup d’égards, la résolution permet de constater que le Maroc marque des points. Le Conseil de sécurité a décidé la prorogation du mandat de la Minurso pour une année supplémentaire, avec un mandat inchangé, conformément au souhait de Rabat.

La résolution exige également un recensement exact des personnes qui vivent dans les camps de Tindouf en Algérie, chose qu’Alger et le Polisario ont toujours refusée parce qu’un recensement objectif conduirait d’une part à diminuer considérablement le nombre des personnes détenues dans ces camps et du coup cela réduirait l’aide humanitaire de la Croix-Rouge et d’autres.

Or on sait que cette aide humanitaire est détournée par des cadres du régime algérien et leurs séides du Polisario. D’autre part, un recensement des personnes des camps de Tindouf en Algérie dévoilerait la supercherie en démontrant qu’il n’y a que très peu de personnes originaires du Sahara marocain (la plupart séquestrées contre leur gré) car le plus grand nombre provient des zones du Sahel et de gens déplacés de force pour grossir la fiction du groupe séparatiste.

Antonio Guterres connait bien le problème puisqu’il avait eu d’extrêmes difficultés pour être autorisé à visiter les camps de Tindouf quand il était à la tête du HCR.

Aujourd’hui, il est fait obligation à l’Algérie de laisser effectuer un recensement d’authentification de vrais ou de faux originaires du Sahara marocain en Algérie et leur nombre exact qui ne doit pas dépasser 45.000 personnes.

L’autre élément important de la résolution porte sur la reprise du processus de négociations dans le cadre du « nouvel esprit » que le nouveau secrétaire général de l’ONU a décidé d’insuffler aux pourparlers. La résolution salue les efforts « sérieux et crédibles » déployés par le Maroc « pour faire avancer le processus vers une résolution ». On notera que ces qualificatifs sont ceux employés par les puissances pour qualifier le plan marocain d’autonomie proposé depuis 2007.

Le ministre des Affaires étrangères algérien, Ramtane Lamamra, qualifie pourtant de « succès diplomatique » la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Où se trouve la vérité ?

Le ministre algérien a effectivement déclaré que l’adoption de la résolution n° 2351 devrait relancer le processus de négociation avec un nouvel esprit. Il fait contre mauvaise fortune bon cœur en maniant la langue de bois. Il fait surtout montre d’un grand cynisme car on sait que l’une des causes importantes du blocage est due, depuis plusieurs mois, à la présence d’éléments armés du groupe séparatiste dans la zone de Guergarat où ils tentent de semer le désordre dans la zone démilitarisée reliant le Maroc et la Mauritanie. Quelques heures avant le vote de la résolution, l’Algérie a intimé l’ordre au Polisario de retirer ses bandes armées pour éviter une condamnation du Conseil de sécurité. C’est se moquer de la communauté internationale car les bandes séparatistes avaient été sommées depuis des semaines de se retirer par le secrétaire général de l’ONU. L’attitude du Polisario, donc de l’Algérie, montre que la partie algérienne est aux abois et a recours à des aventures dangereuses pour la sécurité régionale. En tout cas il faudra rester vigilant car il ne peut y avoir de progrès du processus de règlement du conflit si le Polisario continue ses provocations. On peut expliquer l’agitation algérienne par le fait que le Maroc ne cesse de marquer des points sur le plan diplomatique.

Sommes-nous, d’après vous, en train de nous acheminer vers la résolution définitive du conflit du Sahara marocain ?

On a pu constater les points marqués par la diplomatie du Roi Mohammed VI lors du dernier sommet de l’Union africaine. La reprise des relations diplomatiques avec Cuba, vieux soutien du séparatisme, est aussi significative.

À vrai dire, l’Algérie est de plus en plus isolée, réduite à un dernier carré d’États totalitaires comme la Corée du Nord ou le Venezuela. Il y a bien longtemps que le conflit artificiel créé par l’Algérie et le bloc communiste au milieu des années 1970 a fait long feu et tout le monde sait aujourd’hui que ce complot contre le Maroc n’a été qu’un leurre.

Il est clair que les régions d’Oued ad-Dahab et de Seguiet al-Hamra sont des territoires historiquement marocains et le resteront.

La décolonisation s’est terminée avec la récupération du Sahara marocain et la fin de l’occupation espagnole en 1975-1976.

Depuis, le conflit créé par Alger est une affaire d’ingérence étrangère dans les affaires marocaines et une tentative de déstabilisation en violation du paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations unies. Il est temps de mettre fin à ce conflit artificiel qui ne fait que perturber la stabilité et la sécurité de la région. Pour cela, la communauté internationale doit enfin prendre ses responsabilités en apportant un entier soutien à cet instrument objectif qu’est le plan marocain d’autonomie.

L’ancien président allemand Horst Köhler s’apprête à succéder à Christopher Ross en tant qu’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU au Sahara marocain. Quels changements risque-t-il d’y avoir, d’après vous, dans la dynamique des négociations ?

Sous le mandat calamiteux de Ban Ki-moon, aggravé par les errements déplorables de la diplomatie d’Obama, l’envoyé spécial au Sahara marocain fut Christopher Ross. Ce dernier fut surtout le véritable porte-parole du régime algérien contre les droits nationaux du Maroc. Son remplacement par une personnalité plus impartiale et crédible est de bon augure, d’autant plus que le secrétaire général Antonio Guterres a lui-même une attitude plus digne et plus impartiale que son prédécesseur. Donc nous pouvons souhaiter que le traitement de l’affaire prenne un tour plus positif.

Au regard des buts et principes de la charte de l’ONU, le plan d’autonomie marocain est-il de nature, d’après vous, à permettre l’autodétermination des populations du Sahara marocain ?

Tout d’abord, il faut rappeler que d’après le droit international de la décolonisation, « Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies » (Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1960).

En outre, selon la résolution 1541 de l’Assemblée générale de l’ONU du 15 décembre 1960 sur les principes qui doivent guider les États membres, un territoire cesse d’être considéré comme non autonome quand il devient État indépendant et souverain ou quand il est librement associé ou intégré à un État indépendant (Principe VI). Pour ce qui concerne le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007, il souscrit à la fois aux exigences essentielles de la Charte des Nations Unies relatives au respect de l’intégrité des États membres et au principe qu’il faut tenir compte de la spécificité d’un territoire précis. L’intégration dans un territoire souverain existant est une des manifestations du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui peut se faire par divers moyens, par exemple l’expression d’institutions représentatives.

Cela a été le cas pour les territoires du Sahara marocain encore qu’on doive noter que le principe d’autodétermination n’est pas pertinent le cas d’espèce puisqu’il n’y a pas de peuple « sahraoui » mais des tribus traditionnelles faisant partie du peuple marocain.

Ainsi, les territoires du Sahara marocain sont redevenus marocains, après la Marche Verte et l’accord de Madrid du 14 novembre 1975, comme l’Alsace et la Moselle sont redevenues françaises en 1918 et en 1945 après l’occupation allemande.

La question d’un référendum n’avait donc pas à être posée puisque la récupération des provinces sahariennes venait parachever la libération du Maroc en permettant sa réunification. Par conséquent, la récupération du Sahara marocain a tourné la page de la colonisation dans la mesure où elle a mis fin au statut de territoire non autonome du Sahara occidental du fait de l’occupation espagnole.

Le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, a qualifié de « clairvoyante » la gestion du dossier du Sahara marocain par le roi Mohammed VI. Selon vous, le Maroc doit-il persister dans la même stratégie ?

Le Maroc fait face depuis 1975 à un complot visant son intégrité territoriale. Il le fait avec sagesse, avec mesure et un grand sens des responsabilités car il ne veut pas que la région devienne un foyer de guerre, mais il le fait avec fermeté car il sait que ses droits sont légitimes et incontestables.

Telle est la ligne de SM le Roi Mohammed VI qui est un fin diplomate. C’est une chance pour le Maroc d’être gouverné par ce souverain éclairé dans le cadre d’institutions stables.

Que pensez-vous de l’ouverture encore plus accentuée du Maroc à son versant africain, avec notamment le retour en janvier 2017 à l’Union africaine (UA) ?

En janvier 2017, le Maroc a choisi de réintégrer la famille africaine parce que le moment est venu de donner une nouvelle impulsion à l’organisation régionale, dans l’intérêt des pays et des peuples de toute l’Afrique. À vrai dire, le lien entre Rabat et l’Afrique ne s’est jamais rompu, d’autant plus que la politique africaine du Maroc ne doit rien à la conjoncture, elle doit tout à l’Histoire.

C’est d’ailleurs le Roi Mohammed V qui fut le pionnier de l’union africaine, dès 1957, et quasiment le père-fondateur de ce qui allait devenir l’OUA. Aujourd’hui, la politique africaine est l’un des piliers de la diplomatie du Roi Mohammed VI.

Le retour du Maroc au sein de l’organisation régionale peut être l’occasion d’un nouveau départ pour une Union africaine qui a besoin de réformes profondes et d’un souffle nouveau, ce qui consiste aussi à mettre fin à des anomalies flagrantes.

On sait que par la faute du régime algérien, l’OUA (UA) est devenue l’otage du conflit sur le Sahara marocain. La tentative algérienne de porter atteinte à l’intégrité territoriale du Maroc et l’admission frauduleuse de l’entité séparatiste au sein de l’Union africaine dans les années 1980 sont en contradiction avec le droit international et contraires à l’intérêt de l’Afrique. Il faudra mettre fin à cette anomalie, pour le bien de l’Union africaine qui doit faire face à de nombreux problèmes.

En effet, le temps est venu de se donner les moyens de répondre aux grands défis d’une époque nouvelle où tout se précipite.

À cet égard, la réintégration du Maroc, qui est l’un des rares pays émergents d’Afrique, est véritablement un atout de taille pour une Union africaine qui a besoin d’un projet d’avenir concret. En vérité, la vision dynamique et futuriste du Roi Mohammed VI, pionnier de la coopération Sud-Sud, constitue une plus-value considérable pour l’organisation africaine. À tous égards, le retour du Maroc au sein de l’Union africaine est donc une chance pour l’Afrique alors que les ennemis du Maroc n’ont été que des poids morts.

D’où vient votre intérêt pour la question du Sahara marocain ?

Je connais bien cette question depuis longtemps ; Je viens d’ailleurs de codiriger un ouvrage collectif, Sahara marocain, le dossier d’un conflit artificiel, aux éditions du Cerf à Paris, avec une traduction en anglais et en espagnol. Outre le fait que je suis convaincu qu’il faut toujours renforcer un axe franco-marocain qui repose sur une amitié intangible dans l’intérêt des deux nations, je soutiens la position marocaine parce que je suis gaulliste et juriste, attaché à l’indépendance et à l’intégrité des nations et au droit international qui repose précisément sur le respect de cette intégrité. Le complot séparatiste encouragé par l’étranger vise l’unité du Maroc. Comme je l’expose dans mon récent ouvrage, L’État-nation face à l’Europe des tribus (éd. du Cerf), je considère que le Royaume est dans son droit car toute nation doit se préserver contre les menaces de dissolution et le séparatisme qui conduit au retour des féodalités et du tribalisme. Le séparatisme est toujours instrumentalisé à des fins politiques contre des nations que l’on veut affaiblir, c’est le cas du conflit artificiel entretenu au Sahara marocain par l’Algérie contre le Maroc.

Maroc Hendo n° 1209 du 5 au 11 mai 2017




 
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