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Le sociologue et poète Mustapha Saha passe l’été à Trouville-sur-mer, son habituelle retraite d’écriture, station balnéaire atypique, à laquelle il consacre un livre qui reconstitue son histoire artistique et littéraire. 

Cette ville a été une source d’inspiration pour les écrivains Marcel Proust, Alexandre Dumas, Gustave Flaubert, André Gide, Louis Aragon, Marguerite Duras… et pour les artistes Gustave Courbet, Eugène Boudin, Claude Monet, Fernand Léger, André Hambourg…, et d’autres encore. 

Le poème en alexandrins « Trouville en hiver » de Mustapha Saha ouvre l’ouvrage en préparation.

Les Voiles sous crachin surchauffent leurs Vapeurs
Le dandy sans loisirs rumine ses déboires
La mondaine en disgrâce exorcise ses peurs
Le serveur sous cape brocarde les pourboires

Traîne sa nostalgie la belle ridicule
Son écharpe l'étrangle son manteau l'étouffe
Les amours lointaines perdent leurs molécules
Son fantasque caniche ébroue sa grosse touffe

Trottine sur les quais vaillante centenaire
Brillent dans son regard des cristaux de jouvence
Secoue fourrure au loup l'indolent partenaire
Arrosent saphistes leur fraîche connivence

Mélusine à l'écart s'amuse du spectacle
Le scribe et sa muse décryptent leur grimoire
Le dernier estivant quitte son réceptacle
Trouville en hiver retrouve sa mémoire

Le marinier sans fret défrise ses bacantes
Rouillent les chalutiers sommeille l'estuaire
Rodent les korrigans dans la cité vacante
Lutins et farfadets quittent leur sanctuaire

Savignac sur planches souffle ses particules
La coquette écrase son fou-rire sous robe
Mâtine mouette s’embrume au crépuscule
La magie s’estompe le dessin se dérobe

Marguerite Duras hante la promenade
Dissout grise écume ses pages soupirantes
Loin des Roches noires s’émiettent ses monades
Roulent ses mots-galets sous la vague mourante

La côte sauvage sous lanterne impalpable
Déroule sa légende ancestrale et précaire
Yggdrasil foudroyé sous roc inextirpable
Mimir décapité dans linceul de calcaire

La mer de main d’artiste affine ses sculptures
Creuse dans la pierre son fascinant discours
Tirailleurs sans stèle marins sans sépulture
Grondent dans l’abysse leur appel au secours

Les spectres paradent dans la brume marine
Les blockhaus explosés libèrent leurs fantômes
Trépassent cormorans gavés de muscarine
Démon désincarné disperse ses atomes

Le rivage au couchant dévoile ses dédales
Lézardes gauloises sur stigmates romaines
Cicatrices vikings sur brèches féodales
Empreintes fossiles d'énergies surhumaines

Le chêne souverain gardien des destinées
Préserve fleurs de gui de froidure létale
Le saule mignote colombe couronnée
La baie récupère sa virginité natale

Limpide cascade couve son territoire
Chante sa louange dans l'oreille du barde
Entre clams et clovisses ruisselle son histoire
Défilent ses génies sous tambour et guimbarde

Cascatelle tarie sous rayon de lumière
Profile sur paroi figure du messie
Désinvolte pécheresse exhibe sa trémière
Gratifie l'Apollon de sa fleur de cassie

Pleure Sainte Vierge dans chapelle d'ophite
Nerthus Terra Mater morte sur son autel
Perpétue l'ordalie griffure sur graphite
Disparaît bergère s'égare son cheptel

Regarde chouette rescapée d’un couvent
Le grand large engloutir son obscure aventure
Dresse sa crinière dans le sable et le vent
Le lion des fables dévoreur d’écritures

Frigg d'aiguille d'argent tricote ses stratus
La tempête ébranle l'antique citadelle
S'écroule dans la foudre le grand eucalyptus
Villa Montebello protège ses chandelles

Téméraire flâneur à mi-chemin se désiste
La galerne exalte son parfum baptismal
Le fauve immobile sous fracassants résiste
Lila crinière au vent cravache l'animal

Les Nornes sur puits d’Urd remaillent les destins
La falaise s’éboule blanche effraie l’abandonne
L’infernal Ratatosk saccage les festins
Nidhögg crache son feu sur maudite madone

Odin sur promontoire observe l'hécatombe
Les berzerks en furie les drakkars en naufrage
Nerthus la féconde choisit la mer pour tombe
Le trésor disparaît surnage son coffrage

Couve son mystère la crypte millénaire
Sur paroi s’imprime l’image d’Aphrodite
Le savant s’intrigue du message lunaire
Erato s’invite dans l’enceinte interdite

Entrelacs en chaîne déclinent leurs symboles
Triangles spirales nœuds tresses circulaires
Figures mouvantes sublimes paraboles
L'ivresse s'amplifie sous rayons spéculaires

Les lacis sur silex content les temps divin
La danse des nymphes les agapes florales
Le banquet des druides la ronde des devins
Les récoltes joyeuses les ardeurs pastorales

Taranis en fanfare surgit du fond des âges
Libelle à coups d'éclairs l'énigmatique augure
La bourrasque exauce son merveilleux présage
En jardin d'agates l'écueil se transfigure

S'élèvent crescendo carnyx et castagnettes
Taballos et Syrinx cornemuse et cymbales
Morgane s'enflamme sous nuée de guignettes
Libane à contre-sens chevauche sa bubale

Rosmerta déverse sa corne d'abondance
Morrigan propage la nitescence astrale
Sirona ranime son fanal en concordance
Epona préside ripaille et bacchanale

Dionysos agite en dansant sa bannière
Dana sous le charme desserre sa tenaille
Le roi fou gouverne l'ours brûle sa tanière
Les gueux s'étoffent d'or la reine s'encanaille

Le rhapsode en transe qu'allégresse ensorcelle
S'arrache en cadence mantelure et plumage
Quel mystère anime sa secrète étincelle
L'étoile polaire le réincarne en mage

S’abat grosse averse sur cirque des idoles
Revêche corneille délaisse sa couveuse
Sirène d’Andersen enfourche sa gondole
Marée basse envoûte l’imprudente rêveuse

Ici mère nature invente l’insondable
Ici naît le mythe dans la source profonde
Perpétue l’ondine son œuvre inoxydable
Nul génie créateur qu’Océanos ne fonde

© Mustapha Saha,
sociologue, poète, artiste peintre





 
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