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Atteints d’une maladie grave, un grand nombre d’Américains n’ont pas les moyens de financer leur traitement. Ils se voient contraints de faire appel au crowdfunding. Enquête sur un “marché de la compassion” en pleine croissance, qui ne profite pas à tout le monde.

Deux jours après s’être fait diagnostiquer un cancer du sein au stade 4, Marisa Rahdar a dû trouver un moyen de mendier pour sa survie. “Je n’avais pas du tout envie de faire ça”, se rappelle-t-elle. Marisa est alors serveuse à Détroit, elle a 32 ans et possède une assurance-maladie. Son frère, Dante, le membre de sa famille qui s’y connaît en chiffres, a calculé la somme dont elle allait avoir besoin pour couvrir ses frais médicaux et compenser le congé qu’elle allait devoir prendre pour se reposer après la chimiothérapie. Le résultat montait à 25 000 dollars. Ensuite, il a fallu rédiger le pitch. Là encore, Dante s’en est chargé. Il a choisi YouCaring plutôt qu’un autre site de crowdfunding [financement participatif], parce qu’il avait vu, peu de temps auparavant, une campagne de financement sur GoFundMe lancée par un type qui essayait de réunir des fonds pour faire une salade de pommes de terre. Il ne voulait pas que les souffrances de sa sœur voisinent avec des plaisanteries de ce genre. Le pitch était bref :

“Ma sœur Marisa Rahdar a appris qu’elle avait un cancer du sein le 16 mars 2017. Lors des examens, on lui a également détecté un cancer localisé dans les ganglions lymphatiques et le coccyx. La semaine prochaine, elle va commencer la radiothérapie et rencontrer son équipe de médecins à l’hôpital Beaumont, à Troy, afin d’établir le calendrier du traitement. Entre-temps, nous avons fait une estimation des frais médicaux non couverts par son assurance ainsi que des frais de subsistance pour la durée de son traitement. Nous mettrons à jour cette page pendant son traitement afin que vous ayez un aperçu du fameux ‘charme’ de Marisa.”

À l’heure qu’il est, presque tout le monde a déjà vu passer sur son fil d’actualité Facebook des appels à l’aide de gens qui avaient des factures médicales à régler d’urgence. Avec la hausse des coûts de santé et des franchises de contrat d’assurance depuis plus de dix ans, les frais médicaux sont la plus grande cause de faillite personnelle aux États-Unis. Même si l’Obamacare visait à maîtriser les coûts, la franchise moyenne sur un contrat d’assurance courant dans le cadre de cette loi est de 2 550 dollars – soit près de la totalité du salaire mensuel d’un Américain moyen. Les tentatives de Donald Trump de déstabiliser l’Obamacare [par la voie réglementaire] ont déjà fait augmenter les primes. Dans le même temps, selon la Réserve fédérale [banque centrale des États-Unis], 44 % des Américains en 2016 ne possédaient même pas 400 dollars de côté en cas de coup dur.

La santé est un luxe dont personne ne peut se passer mais que des millions d’Américains n’ont pas les moyens de s’offrir. Des sites comme YouCaring se sont engouffrés dans la brèche. Le montant total des dons générés par les sites de crowdfunding a été multiplié par plus de 11 depuis l’apparition de l’Obamacare. En 2011, des sites comme GoFundMe et YouCaring ont distribué au total 837 millions de dollars de dons. Trois ans plus tard, on était passé à 9,5 milliards.

Les sociétés de crowdfunding expliquent qu’elles utilisent la technologie pour aider les gens à se venir en aide mutuellement. Ce serait le miracle de l’interconnexion au service de la compassion mondialisée. En fait, à en croire les spécialistes, il semble que la réalité soit moins reluisante. Des sites comme YouCaring et GoFundMe, loin de lutter









 
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