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Le Monde diplomatique évoque les méthodes des lobbyistes pro-israéliens aux Etats-Unis mises au jour par un documentaire. Cette enquête a été menée par la chaîne qatarie Al-Jazeera, mais Doha aurait finalement décidé de suspendre sa diffusion.

James Anthony Kleinfeld, dit «Tony», jeune Britannique juif, diplômé de la prestigieuse université d’Oxford, parlant six langues, s'investit et côtoie durant cinq mois «le gratin des responsables d’associations engagées dans la défense inconditionnelle d’Israël» aux Etats-Unis, comme The Israel Project (TIP) ou l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), explique Le Monde diplomatique de septembre.

Le jeune homme devient ainsi un familier des cocktails, congrès, conventions, stages de formation pour militants pro-israéliens. «Avenant, chaleureux, efficace, il [Tony] gagne la confiance de ses interlocuteurs, qui lui parlent à cœur ouvert, laissant au vestiaire la langue de bois et les éléments de langage convenus. Et leurs confidences sont explosives», prévient Alain Gresh, ancien rédacteur en chef de la publication, dans son article. Selon ses dires, il est lui-même le seul journaliste français à avoir pu voir ce documentaire grâce à l'un de ses amis basé dans le Golfe.

Comme dans les meilleurs films d'espionnage, Tony est en réalité un infiltré, en mission pour la chaîne quatarie Al-Jazeera, propriété de l’émirat du Qatar, pour réaliser un documentaire sur le lobby pro-israélien aux Etats-Unis. Alain Gresh explique : «Il a filmé en caméra cachée une partie des confidences qu’il a recueillies et il a réuni, avec d’autres membres d’une équipe dirigée par Phil Rees, de la cellule d’investigation de la chaîne, tous les ingrédients d’une enquête spectaculaire.»

Mais, alors que le contenu du documentaire pourrait mettre à mal les pratiques des lobbyistes pro-israéliens aux Etats-Unis, la chaîne qatarie a finalement gelé sa diffusion pour ne pas attirer leurs foudres sur le Qatar. Depuis plus d'un an, l'émirat est déjà dans une position difficile en raison de la crise qui l'oppose à l'Arabie saoudite.

Même si, selon Alain Gresh, la diffusion du documentaire aurait constitué un événement médiatique, le Qatar aurait toutefois choisi de la reporter sine die, «obtenant en échange le secours inespéré d’une partie de l’aile droite d’un lobby déjà très à droite dans son ensemble».

Selon les informations du journaliste, Morton Klein, le président de l’Organisation sioniste américaine (ZOA), un proche de Steve Bannon, ancien conseiller du président Donald Trump, s’est réjoui d’avoir enterré le documentaire lors d'un déplacement qu'il a effectué à Doha. «Que de tels groupes, qui accusaient il y a peu le Qatar de financer le Hamas et le terrorisme, aient accepté de virer de bord en échange de la rétention de l’enquête en dit long sur le caractère embarrassant des révélations qu’elle contient», analyse Alain Gresh.

Le gouvernement israélien viole-t-il les lois américaines?
Toujours selon l'ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique, les acteurs du lobby pro-israélien qui se confient à Tony dans le documentaire ne sont pas avares de confidences et racontent leurs méthodes : délation, harcèlement, guerre psychologique, calomnie, pressions professionnelles, tous les moyens seraient bons pour intimider les personnes hostiles à la politique israélienne ou favorables à la cause palestinienne dans les entreprises ou sur les campus américains.

Nous sommes le seul acteur du réseau pro-israélien à pouvoir combler les lacunes […] Nous avons le budget et nous pouvons mettre sur la table des choses bien différentes

«Ces croisades, qui s’appuient sur la récolte de données personnelles de citoyens américains, ne seraient pas possibles sans les moyens accordés par le ministère des Affaires stratégiques israélien», explique Alain Gresh qui cite la directrice générale du ministère. «En ce qui concerne la collecte de données, l’analyse de l’information, le travail sur les organisations militantes, la piste de l’argent, c’est quelque chose que seul un pays, avec les ressources dont il dispose, peut faire au mieux», avait déclaré Sima Vaknin-Gil lors d’une conférence à l’Israeli American Council (IAC), avant d'ajouter : «Nous sommes le seul acteur du réseau pro-israélien à pouvoir combler les lacunes […] Nous avons le budget et nous pouvons mettre sur la table des choses bien différentes.» la directrice générale allait même jusqu'à affirmer : «Nous avons la FDD [Fondation pour la défense des démocraties] et d’autres qui travaillent [pour nous].» La FDD est un think tank néoconservateur basé à Washington. Or, comme le précise Alain Gresh, selon la loi américaine, «les organisations ou les individus travaillant pour un gouvernement étranger doivent s’enregistrer en tant que tels au ministère de la justice. Ce dernier osera-t-il traîner devant les tribunaux la FDD, qui n’a pas accompli ces démarches», se demande-t-il.






 
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