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Par ailleurs, alors qu’on s’attendait à voir formuler la stratégie nationale en faveur des Marocains résidant à l’étranger à l’horizon 2030 tel que prescrit dans la note de cadrage du mois d’août 2012, le dernier texte mis sur le site de l’IRES au début de l’année 2019, joue sur les mots en galvaudant la notion de stratégie. 

Au lieu de présenter une réelle stratégie, on préfère s’en tenir à un «rapport stratégique de synthèse» qui formule une recommandation très surprenante pour le futur, à savoir qu’ «il devient impératif pour le Maroc de mettre en œuvre une stratégie à long terme de la mobilité (…) Sur le plan national, cette stratégie pourrait fédérer l’ensemble des actions déployés par les acteurs publics et privés, œuvrant dans le domaine de la mobilité. L’efficacité est recherchée, à travers la complémentarité et les synergies attendues des missions, fixées aux différents acteurs publics concernés. Un référentiel stratégique mérite d’être élaboré (!!!) en vue d’assurer une véritable convergence des politiques publiques et des actions du gouvernement, tout en fournissant aux acteurs institutionnels publics, à compétence exclusive ou partielle, un cadre de réflexion et d’action prospectif, cohérent et efficient». 

En plus clair, ceci veut dire qu’en terme de conclusion «stratégique», le «rapport stratégique» de l’IRES nous indique qu’il n’y’a pas de stratégie, que tout reste à faire, l’élaboration d’une stratégie nationale globale, cohérente et intégrée en faveur des Marocains résidant à l’étranger, qui produit du sens, étant encore à concevoir et à construire, comme le signifie le discours du Trône du 30 juillet 2015 !!! Autrement dit, rien n’est réglé et les choses empirent avec le temps : plus ça va, moins ça va. Dés lors, soyons cohérents avec cette conclusion de l’IRES et élaborons réellement cette stratégie ! 

9.1- Un rapport de septembre 2016 sans crédibilité 
Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, on n’accordera également aucune crédibilité au rapport de 72 pages du ministère chargé des MRE et des affaires de la migration en date de septembre 2016 intitulé : « Stratégie Nationale pour les Marocains résidant à l’étranger. Bilan 2013-2016). Ce rapport prétend à la page 11 que le ministère «a élaboré en 2014 une stratégie nationale ambitieuse et intégrée des Marocains du monde»

Si pour minimiser le reproche, certains ex-responsables du département estiment que l’élaboration d’une stratégie nationale est «facile à faire», pourquoi ne l’ont-ils pas fait alors qu’ils étaient en responsabilité, estimant que les élections électorales (de 2016) étaient trop proches ? Pourquoi se sont-ils contenté de «stratégie » en matière de compétences marocaines à l’étranger, de «stratégie» au plan culturel, sans concevoir une stratégie nationale, globale et cohérente, intégrant tous les aspects dans une démarche holistique !? 

Puisque la «stratégie» a été «élaborée» en 2014 (mi-novembre 2014), comment se fait-il qu’elle n’ait pas été présentée en Conseil de gouvernement comme la SNIA l’a été (et adoptée) le 18 décembre 2014 !? Si comme le prétendent certains, la stratégie nationale globale MRE a été réellement présentée (et approuvée !) à un conseil de gouvernement avant fin juillet 2015, peut-on un seul instant, accorder un crédit quelconque à cette affirmation, le Discours du Trône 2015 ayant relevé au contraire la défaillance sur ce plan ? 

Par ailleurs, comment se fait-il que dans le livre de 72 pages en question, le bilan de cette soi-disant stratégie couvre une période commençant début 2013 ? Comment ce bilan va-t-il jusqu’à septembre 2016, alors que le discours royal du 30 juillet 2015 rappelle encore l’urgence et l’impératif de la conception de cette stratégie nationale au profit des MRE !? Ne fait-on pas au niveau terminologique et conceptuel, la confusion entre stratégie, plans d’action, programme d’activité … !? 

Comment par ailleurs, le document de stratégie nationale en matière de MRE, publié à l’heure actuelle sur le site officiel du ministère chargé des MRE et des affaires de la migration, peut-il jusqu’à ignorer pratiquement des acteurs essentiels du champ migratoire marocain en occultant les problèmes structurels de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, ainsi que les très graves dysfonctionnements du CCME, l’efficacité de ces deux institutions étant par conséquent largement remises en cause !? 

En effet, en conclusion à la « stratégie » nationale, on note bien l’inscription du programme 8 qui a pour contenu « la gouvernance et la communication » en précisant notamment que « ce programme vise à structurer la gouvernance afin de positionner l’ensemble des acteurs concernés, à veiller au renforcement des capacités… ». Or aucun des acteurs institutionnels dans le domaine migratoire n’est cité, encore moins objet de mesures de réformes ! 

9.2- Gagner du temps… 
Concernant les attentes citoyennes et politiques des Marocains résidant à l’étranger, partant des fondements de la stratégie constitués notamment par les dispositions de la Constitution rénovée de 2011, notamment l‘article 17, au lieu de proposer des formules concrètes du passage à l‘acte, la «stratégie» se contente de prévoir les deux mesures «stratégiques» suivantes, comme si on ne savait pas encore quelles sont les préoccupations politiques des MRE (appelés ici MDM ou Marocains du Monde) par rapport au Maroc et comme si la Constitution, à travers une interprétation démocratique de l’article 17, n’avait pas déjà tranché le problème. La «stratégie » est encore à la : «poursuite de la réflexion dans l’optique de permettre la participation des MDM à la vie politique marocaine : 
  • Organisation de séminaires-débats autour des préoccupations politiques des MDM 
  • Mise en place d’une plateforme de recueil des attentes et propositions des MDM » ( !!!) 
Dés lors, ceci justifie et légitime toute une série de séminaires, de colloques, de journées d’étude, de rencontres- débat avec un grand nombre de participants venus de divers pays d’immigration. Mais organisés uniquement pour gagner du temps, faire semblant qu’on s’efforce de régler le problème et pour donner enfin de compte l’occasion de faire de la «com» et d’entreprendre des campagnes médiatiques. 

Dans le même esprit, la grande rencontre à organiser à Marrakech en octobre 2019 par le ministère de «tutelle» (!!!) et regroupant un large spectre d’ONGs de la société civile MRE, va-t-elle aussi être consacrée à ce débat, dans le même esprit et nullement pour contribuer à régler concrètement le problème ? 

Ainsi, une table ronde bien élargie sur la participation politique a été organisée par le ministère le 2 août 2017 à Rabat, mais l’enseignement principal tiré plus tard de la rencontre et utilisé comme argument par le gouvernement face aux parlementaires qui le critiquent pour l’absence de représentation parlementaire des MRE, est le fait que ce genre de table ronde «suscite des polémiques», montre la diversité de points de vues des MRE, que «les Marocains du Monde ne sont pas d’accord entre eux» sur beaucoup d’aspects concernant cette question, qu’il y’a un grand fossé qui les sépare… pour ne pas passer à l’acte !!! 

En ce domaine, rien ne justifie le nécessaire abandon par tous les citoyens MRE de leurs droits constitutionnels, dès lors qu’une personne (ou même plusieurs), ne veut (veulent) pas les exercer à titre individuel à partir de l’étranger. En d’autres termes, ce n’est pas parce que certains ne veulent pas faire usage de leur droit, qu’on doit supprimer celui-ci et tirer vers le bas. 

Sur le même plan, n’est-ce pas une drôle de logique que, sous prétexte que certains ne sont pas d’accord avec une revendication, celle-ci devient irrecevable? En d’autres termes, la justesse d’une cause se mesure t-elle au nombre de personnes qui la portent à moment déterminé !? 

Or la Constitution a déjà tranché en reconnaissant la participation directe des citoyens MRE. 

Au total, concernant ce domaine plurisectoriel, multidimensionnel et transversal par excellence des Marocains résidant à l’étranger, malgré certains efforts entrepris et des progrès réalisés jusqu’ici sur certains aspects, on constate encore une fois et encore, qu’il pâtit toujours de l’absence de vision d’ensemble et de stratégie nationale globale, cohérente et intégrée en la matière, avec le manque de coordination, de complémentarité, de convergence, de concertation et de synergies entre les divers intervenants et acteurs publics du domaine, sans compter bien entendu les partenaires du privé, indépendamment de la mise en place de la «Région 13». 

Le moment propice n’est-il pas venu pour remettre tout à plat !? C’est une question qui est posée comme elle ne l’a jamais été. Quel paradoxe de constater qu’un secteur stratégique d’interêt national, n’ait pas encore une stratégie nationale le concernant ! Comment un Agenda sur la migration impulsé à l’échelle de toute l’Afrique et interpelant tous les pays du continent, peut-il être activé de manière productive et féconde par le Maroc, sans qu’au niveau national marocain, une vision d’ensemble et une stratégie globale ne soient établis au profit de sa communauté de citoyens établis à l’étranger !? 

Ce qui nourrit notre optimisme, c’est le fait, comme on le dit parfois, qu’Il soit beaucoup trop tard pour être pessimiste ! 

Versons-nous dans l’utopie ? Nous souscrivons à cette formule du poète Lamartine : «les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées ». De même, à celle de Victor Hugo : «l’utopie est la vérité de demain ». 

Abdelkrim Belguendouz 
Universitaire à Rabat, chercheur en migration 

Demain : En guise de conclusion générale : ultime clarification (10/10).


 
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