L'accord de gouvernement Netanyahu-Gantz envisage de lancer le processus d'annexion d'un tiers de la Cisjordanie le 1er juillet prochain. La vallée du Jourdain est une zone agricole très fertile. Ici une palmeraie à Masua.
Tout semble s'accélérer au Proche-Orient. Lundi soir le Premier ministre sortant Benjamin Netanyahu et son ex-grand rival électoral, l'ancien chef d'état-major de l'armée israélienne Benny Gantz se sont entendu pour siéger ensemble dans un "gouvernement d'urgence" de lutte contre le coronavirus. Ce nouveau gouvernement doit être installé d'ici le 3 mai. L'accord fixe en priorité l'annexion d'une partie de la Cisjordanie. Israël pourra ainsi lancer ce processus que Netanyahu qualifie "d'exercice de souveraineté" qui pourra être déposée dès le 1er juillet prochain.
Le président palestinien affirme avoir "prévenu les différentes parties, nous ne resterons pas les bras ballants si Israël annonce l'annexion d'une quelconque partie de notre terre. Nous considérerons alors que les accords conclus entre nous et ces deux pays (Israël/USA) sont nuls et non avenus."

L'Europe engagée mais pas unie
En revanche, les réactions européennes ont été plus tranchantes que lors de la présentation du "plan Trump". Mardi, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s'est entretenu au téléphone avec son homologue palestinien. Quarante-huit heures après le représentant français aux Nations unies a fait part devant le Conseil de sécurité de "la grave préoccupation de la France concernant la menace d’annexion (...) de certaines parties de la Cisjordanie, y compris la vallée du Jourdain et les colonies. Cela constituerait une violation flagrante du droit international (...) De telles mesures, si elles étaient mises en œuvre, ne resteraient pas sans réaction et seraient prises en compte dans nos relations avec Israël. " Un diplomate familier du Proche-Orient nous confie que la France a haussé le ton à cause de cette "accélération du calendrier et de cette échéance brève, désormais, au 1er juillet. On se doit de tenir un langage ferme. L'Autorité palestinienne est dans une grande inquiétude et sa priorité est de mobiliser la communauté diplomatique. C'est la priorité pour la Paix. Les Palestiniens sont inquiets à raison !"


C'est peut-être dans les milieux sécuritaires israéliens que Netanyahu et Gantz rencontreront le plus d'oppositions. Plusieurs experts (généraux à la retraite, ancien directeur du Mossad) considèrent dans une tribune que l'annexion constitue une menace pour la sécurité nationale d'Israël. Elle remettrait en cause les traités de paix avec l'Égypte (intermédiaire incontournable dans le dialogue avec le Hamas à Gaza et partenaire dans la lutte contre Daech dans le nord Sinaï) et surtout la Jordanie. Avec une communauté palestinienne très nombreuse, le royaume pourrait connaître des troubles en cas d'annexion israélienne de l'autre côté du fleuve Jourdain. Des troubles pourraient être fâcheux pour Israël car la Jordanie lui offre une profondeur stratégique en direction de la Syrie, l'Irak et surtout l'Iran. Toujours selon les signataires de ce texte, face à une colère populaire attisée par la baisse des prix du pétrole, les pays arabes du golfe favorables à Israël, notamment l'Arabie saoudite, pourraient eux aussi hausser le ton. Enfin, un effondrement de l'Autorité Palestinienne, qui collabore avec Israël dans la lutte contre le terrorisme, ne serait pas à exclure.
La communauté internationale ne doit plus se taire.
Yair Lapid, le chef de file centriste de l'opposition (ancien allié de Benny Gantz au sein du mouvement Bleu Blanc) entrevoit le scénario catastrophe : "Il y aura une annexion unilatérale. Cela anéantira le traité de paix avec la Jordanie et provoquera des dommages irréparables avec le Parti démocrate et une majorité des Juifs américains." Pour Amit Gilutz, porte-parole de l'ONG israélienne B'TSelem, qui milite pour une solution à deux États équilibrée, "l'annexion de facto et l'apartheid n'ont pas attendu le 1er juillet. Ils sont déjà là de longue date. Mais au moins, Jérusalem et Washington ont cessé de mentir à propos de leurs intentions et de leurs actions. La communauté internationale ne doit plus se taire". Si tant est qu'elle existe, la "communauté internationale" entrouvre les lèvres. Hormis les États-Unis, personne ne pourra empêcher Israël d'annexer la Cisjordanie le 1er juillet a fortiori si Donald Trump, fragilisé par l'épidémie de coronavirus et ses terribles conséquences économiques, n'était pas réélu en novembre prochain. Son concurrent Joe Biden pense de son côté que "Israël doit cesser ses menaces d'annexion et le processus colonisation". Voilà pourquoi le compte à rebours pour l'annexion est enclenché.