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Paris, 4 mars 2021. Une manifestation pour la culture s’ébranle de la Place de la République. Des d’étudiants en art dramatique, désœuvrés par la suspension de leurs cours, ou leur virtualisation, un comble pour une discipline autant physique qu’intellectuelle, se mobilisent. 


Une banderole affiche « Nous voulons mourir sur scène ». Molière au secours ! Un manifestant, portant un masque de robot, poignets enchaînés, brandit un écriteau « culture en danger ». Sur une autre pancarte, « Besoin urgent d’une bouffée d’art ». Une fanfare orchestre la rébellion festive. Un groupe de quatre-vingt personnes se détache pour investir l’Odéon. Le patriarche, Marc Slyper, fréquente, depuis un demi-siècle, la vieille bâtisse. Il s’y représente chaque fois que le vent de l’histoire secoue les colonnes impassibles. 

15 mai 1968. Une poignée d’artistes et d’étudiants, Jean-Jacques Lebel et moi-même, prenons possession du théâtre de l’Odéon que nous transformons, pendant un mois, en agora vivante, grouillante, confusément créative. Des rencontres improbables s’effectuent. Des talents insoupçonnés se révèlent. Nous sommes adoptés par les habitants du quartier qui viennent volontiers discuter et nous gratifier de quelques boissons chaudes. Des comédiens et des ouvriers, des écrivains et des immigrés, des jeunes et des vieux s’échangent allègrement leurs opinions. Marc Slyper, lycéen à Sarcelles, activiste précoce, rejoint en soirée l’euphorique pétaudière. Je représente le Mouvement du 22 Mars, irréfutable caution révolutionnaire. Le ministre de la culture, André Malraux, renvoie illico le directeur, Jean-Louis Barrault, qui se solidarise avec les squatters. L’acteur et metteur en scène déclare dans l’enthousiasme ambiant : « Au risque de décevoir quelques personnes, je vous annonce que je ne suis plus le directeur de ce théâtre. Je ne suis plus qu'un comédien comme les autres. Barrault est mort ». 

14 juin 1968. Les feux de révolution culturelle s’éteignent. En face des forces disproportionnées de répression, nous préférons la reddition à l’affrontement suicidaire. Le préfet de police Paul Grimaud voit sortir avec effarement, baluchons sur le dos, des couples romantiques, main dans la main, des mères avec leurs enfants en bas âge, des clochards érudits, des vagabonds célestes chevelus, des poètes éberlués, des insomniaques médusés. Des inspecteurs se précipitent, montent et descendent, à la recherche d’armes, de Cocktails Molotov, d’explosifs, de l’arsenal supposé des émeutiers. Ils ne trouvent que quelques couteaux, des képis et des matraques de gardiens de la paix, subtilisés pendant les manifestations. Les drapeaux rouges et noirs sont arrachés. « Embrasse ton amour, mais ne lâche pas ton fusil » sur le mur paraît soudain d’une désuétude émouvante. Nous avons démythifié le gaullisme et le stalinisme. Nous n’avons jamais cru au grand soir. Nous savons déjà que nous entrons dans une longue période de glaciation culturelle. Les couleurs de la révolution sont vite maculés. Opération d’évacuation achevée en une heure. Les mêmes riverains, hier sympathisants, sinon bienveillants, s’attroupent derrière les cordons de la gendarmerie, applaudissent le retour à leur morne quotidienneté. 

13 Mars 1968. En cette première quinzaine d’occupation, le théâtre de l’Odéon, grilles verrouillées, est inaccessible. Un bataillon de vigiles contrôle fermement les entrées et les entrées. Occupation surveillée. Protestataires sous cage. Une présence à peine tolérée par la direction qui renonce à l’expulsion manu militari en échange d’un strict encadrement. L’animation musicale, le forum modéré par Marc Slyper, les discussions informelles se déroulent à l’extérieur, dans la rue. A dix-sept heures, la place se vide. Couvre-feu oblige. Paradoxe des paradoxes, l’occupation du théâtre fermé est en somme un confinement choisi pour sortir de l’impasse. Une saison de spectacles vivants sinistrée, marquée d’une pierre noire. Les militants, respectueux des répétitions d’une troupe de théâtre préparant Le Ciel de Nantes de Christophe Honoré, pièce écrite au jour le jour, acceptent des restrictions liberticides. Coïncidence, le décor de la pièce est un cinéma désaffecté utilisé comme un refuge. 

Les occupants sont des syndicalistes aguerris, des négociateurs expérimentés, armés de revendications concrètes, réouverture des salles de spectacles qui n’ont jamais été des foyers d’infection, prolongation d’une nouvelle année blanche indemnisée pour les intermittents, les travailleurs précaires, les saisonniers, prise en charge des congés-maladie et des congés-maternité, retrait de la réforme ségrégative de l’assurance-chômage. Les artistes s’organisent dans la durée. Plusieurs commissions se répartissent les tâches, logistique, ravitaillement, communication… Une cagnotte en ligne finance des réserves de nourriture, des produits d’hygiène, des fournitures indispensables. Les statues de Racine et de Corneille s’accoutrent d’étendards syndicaux. L’action se veut fédérative. Le mouvement fait tache d’huile. Des théâtres publics et privés suivent l’exemple. La défense de la culture passe par la convergence des luttes. L’occupation s’imagine un carrefour à l’instar des ronds-points envahis par les gilets jaunes. 

L’acteur Thibault Lacroix déclame sur balcon un poème de William Shakespeare : « Fatiguée de ce monde je demande à mourir / Lassée de voir qu’un homme intègre doit mendier / Quand à côté de lui des nullités notoires / Se vautrent dans le luxe et l’amour du public / Qu’on s’amuse à cracher sur la sincérité / Que les places d’honneur sont pour les plus indignes / Qu’on offre des corps vierges à des désirs brutaux / Qu’on couvre d’infamies le juste diffamé / Qu’un fort devienne infirme au pouvoir du difforme / Que l’art est bâillonné sous un règne arbitraire / Que des singes en docteurs décident du génie / Qu’un être simple et vrai est traité de stupide / Que le bien asservi est esclave du ma / Fatiguée de tout ça, je veux quitter ce monde / Sauf que si je me tue, mon amour sera seul ». 

Un autre acteur, Matthieu Marie, dit un texte d’Antonin Artaud : « Le théâtre comme la peste est une crise qui se dénoue par la mort ou par la guérison. Et la peste est un mal supérieur parce qu’elle est une crise complète après laquelle il ne reste rien que la mort ou qu’une extrême purification, écrit-il. De même, le théâtre est un mal parce qu’il est l’équilibre suprême qui ne s’acquiert pas sans destruction. Il invite l’esprit à un délire qui exalte ses énergies; et l’on peut voir pour finir que du point de vue humain, l’action du théâtre comme celle de la peste est bienfaisante, car poussant les hommes à se voir tels qu’ils sont, elle fait tomber le masque, elle découvre le mensonge, la veulerie, la bassesse, la tartuferie; elle secoue l’inertie asphyxiante de la matière qui gagne jusqu’aux données les plus claires des sens; et révélant à des collectivités leur puissance sombre, leur force cachée, elle les invite à prendre en face du destin une attitude héroïque et supérieure qu’elles n’auraient jamais eu sans cela» (Antonin Artaud : Le Théâtre et la peste, La Nouvelle Revue Française, n° 253, Janvier 1934). 
La crise sanitaire, gérée statistiquement, froidement, par des technocrates, fait tomber l’art, la poésie, dans l’inessentiel, l’irréférentiel, le sacrificiel. Le mot culture s’occulte dans les discours, obsédés par leur dramaturgie de l’urgence. La rhétorique perd sa logique manipulatrice. Les éléments de langage ne propagent qu’angoisse virale. Ne se profilent au bout des annonces qu’issues tragiques. Ne parviennent aux solitudes confinées qu’échos de la mort. La vie sociale se saborde. Les lieux culturels se condamnent. Les livres s’interdisent à la vente. L’absurde gère grotesquement l’imprévisible. L’apparence égare sa substance. L’insaisissable réalité récuse à chaque décision l’impuissante raison calculatrice. Puisque la liquidation technocratique de la culture est programmatique, les artistes entrent en résistance. Ils exploitent judicieusement les discordances, les incohérences, les inconséquences d’une gouvernance sans cap et sans trajectoire. Ils investissent les lieux encore ouverts, les églises, les galeries marchandes, les salles de vente. Les interstices urbains sont des scènes incontrôlables. 

Mustapha Saha 
Sociologue, poète, artiste peintre. 

Entretien entre Marc Slyper et Mustapha Saha 


Mustapha Saha :
Je vis la nouvelle occupation de l’Odéon comme une réminiscence. Les souvenirs tempêtent dans ma tête. En Mai 68, j’étais l’un des premiers assaillants, avec Jean-Jacques Lebel, de ce lieu symbolique, mémoire indélébile des luttes culturelles et sociales. C’est en cela que ce théâtre n’est pas un sanctuaire rempardisé, mais un patrimoine populaire. Je me souviens d’autres occupations, en 1992 pour dénoncer la remise en cause du régime d’indemnisation du chômage des professionnels intermittents, en 1996 pour défendre les sans-papiers, en 2016 pour le retrait du projet de loi travail et pour l’exclusion des organisations patronales des instances paritaires et de l’assurance-chômage. Tu es partie prenante de toutes ces luttes avec une étonnante constance. Tu es musicien, un artiste à part entière. Et pourtant, tu voues ton existence, depuis l’adolescence au combat politique, syndical, au service des autres. Comment s’explique ton parcours ? 

Marc Slyper : Je suis un enfant de la persécution. Je suis un enfant du déracinement mortifère. Je suis un enfant de l’anticolonialisme. Ma famille soutenait sans réserve les indépendantistes. Je suis un enfant de la musique, un art, comme les arts plastiques, qui s’affranchit des ambigüités du langage. Je fais des études d’histoire et de géographie. Je suis un enfant de Mai 68. J’organise l’occupation de mon lycée à Sarcelles. J’anime le Comité d’Action Lycéenne. Le soir, je vous rejoins à la Sorbonne et à l’Odéon pour prendre un verre, pour discuter, pour butiner des idées nouvelles. 

Mustapha Saha : En Mai 68, les actions se décident au coup par coup, dans un jeu de chat et de souris avec le pouvoir. Les stratèges du gouvernement ne peuvent rien anticiper. Nous avons l’initiative par notre spontanéité et notre mobilité. Face à la machine répressive, nous n’avons qu’une tactique, l’imprévisibilité. Nous connaissons les moindres recoins du Quartier Latin. Nous nous planquons à quelques mètres des gendarmes sans qu’ils s’en doutent. Nous les entraînons dans des guets-apens. Nous bénéficions aussi des complicités miraculeuses des gens du quartier, scandalisés par les bastonnades sous leurs fenêtres. Dans l’agora de l’Odéon, rien n’est programmé. Nous sommes au milieu du gué, en confluence, entre courants contraires. Des pensées géniales s’entrecroisent avec des idées farfelues. Dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, j’écris, à la craie, sur tableau noir, l’assemblée libre n’a pas d’ordre du jour à recevoir. Or, j’ai le sentiment que l’action actuelle a été mûrement réfléchie, préméditée. 

Marc Slyper : Le théâtre de l’Odéon est symbolique. Il parle à la mémoire collective. L’Odéon est vibratoire, évocatoire. Il sonne dans l’imaginaire commun comme un coup de cymbale, comme une alerte salutaire. En 1992, nous avons occupé l’Odéon pendant un mois. Jai été secrétaire générale du Syndicat national des artistes musiciens CGT pendant vingt ans. Aujourd’hui, je suis à la retraite, une retraite active. Les gens comme nous ne sont jamais à la retraite. Dans la crise présente, je cherche un endroit symbolique pour faire retentir le plus fort possible la voix des intermittents, des précaires, des occasionnels, des abonnés de l’incertitude, des irréguliers du marché du travail, corvéables à merci quand ils son temporairement engagés, laissés pour compte le reste du temps. L’image de l’Odéon est motivatrice, mobilisatrice, fédérative. Tu as raison. Cette action est méditée et préméditée. Elle puise son efficience dans les expériences antérieures. Nous sommes en terrain connu, de longue date. La Place de l’Odéon est une parfaite agora. Elle se prête à merveille aux improvisations, aux déclamations, aux intempestivités artistiques. L’art dans la rue. La poésie dans la rue. Le théâtre dans la rue. Comme en Mai 68. 

Mustapha Saha : En Mai 68, nous avons pratiqué la communication directe, les assemblées générales, les tribunes informelles, les tracts, les affiches confectionnées en sérigraphie dans les ateliers des Beaux-Arts et des Arts-Déco, les slogans tagués sur les murs, les performances. Les médias publics, sous férule gouvernementale, nous étaient interdits. C’était l’époque où il fallait décliner la Légion d’honneur pour avoir une chance de passer sur les ondes. Le ministre de l’information, Georges Gorse, supervise et censure. Pendant la grève générale, les journaux télévisés ne diffusent que la voix de leur maître. Seules les radios périphériques, Europe 1, RTL, RMC, transmettent des reportages en direct. Le transistor devient l’accessoire indispensable pour suivre les événements. La police écoute ces radios pour faire ses rapports. Nous nous servons des mêmes informations pour déjouer les pièges. Les idées de Mai 68 ont manqué d’une seule chose, des fusées algorithmiques pour les réaliser. La révolution numérique sape à la racine le pouvoir pyramidale en le dépouillant de son arme principale, le monopole de l’information. Qui détient le secret de l’information crée l’événement. Le numérique a non seulement démocratisé l’accès à l’information, il a mis à la disposition de chaque internaute une salle de rédaction. Dès lors qu’elle fait boule de neige, elle peut inonder la planète. Je ne doute pas que l’impact de la nouvelle occupation de l’Odéon vient essentiellement d’internet. 

Marc Slyper : Nous communiquons sans arrêt sur les réseaux sociaux. Nous diffusons les informations à chaud. En cas de besoin, la mobilisation se fait instantanément. Nous créons des visuels de l’agora, des prestations des acteurs, des récréations musicales à l’intérieur du théâtre. Les intervenants, quand ils sont inventifs, peuvent faire d’internet un formidable véhicule de démocratie directe. 

Mustapha Saha : Les ressources infinies du numérique sont à double tranchants. Il y a plusieurs catégories d’usages et d’usagers. Les opérateurs d’abord, Les Big Five, le GAFAM, Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, des firmes américaines qui contrôlent l’information mondiale, le commerce virtuel, toutes les transactions en ligne, qui dictent leurs règles aux gouvernements. Ces monstres hybrides, fascinés par leurs propres performances, par leur propre puissance, n’ont aucun scrupule éthique. Ils sont pris dans un vertige technologique sans fin. Ils sont entrain d’inventer une humanité déshumanisée, des transhumains implantés de puces, béquillés de gadgets électriques, téléguidés par l’intelligence artificielle. Parmi les internautes, ils y a les opportunistes, les bourgeois-bohèmes, les bobos comme on dit familièrement, qui recourent au numérique pour se construire une carrière rapide, acquérir un pouvoir facile, accumuler une fortune à peu de frais. Ce sont ceux-là que mon ami l’anthropologue David Graeber, disparu récemment dans la force de l’âge, qualifie de parasites nantis, spécialistes des bullshit jobs (emplois à la con), des emplois futiles, factices, inutiles grassement rémunérés (David Graeber : Bullshit jobs, traduction française éditions Les Liens qui Libèrent, 2018). Il y a les faux sorciers, les médicastres, les bonisseurs, les charlatans, qui trouvent dans le web une plateforme fabuleuse pour monnayer leurs aberrations. Il y a les esprits critiques, les consciences lucides, qui fertilisent internet de leurs contributions utiles, qui manient le numérique comme un moyen d’émancipation, de libération des oppressions de toutes natures, comme outil de créativité, comme véhicule d’exploration d’horizons insoupçonnables. La toile est aussi une fabrique d’intellectuels organiques, selon l’heureuse expression d’Antonio Gramsci, qui n’ont point besoin de diplômes académiques pour irriguer la société d’idées novatrices, pour apporter leur obole à l’intérêt général et au bien commun. 

Marc Slyper : Pour cette occupation, nous avons tout prévu. Nous sommes arrivés avec du matériel de son, des instruments de musique, rien de plus efficace que la fête pour porter les lourdes revendications. Des associations s’occupent des livraisons, de la cuisine. La Fédération des organismes sociaux – CGT nous a acheté des matelas. Nous sommes entrés en force dans l’Odéon, à quatre-vingt, des comédiens de théâtre, quelques acteurs de cinéma, quelques intermittents de l’hôtellerie, de la restauration, de l’événementiel, des techniciens du spectacle. Nous dormons dans les salles, dans les couloirs, dans les loges. Un espace est réservé aux femmes. Nous luttons pour la réouverture des lieux culturels. Ce sont les lieux de sociabilité qui sont fermés, les restaurants, les bars, les cafés, les lieux culturels. Nul hasard. Nous luttons aussi contre la réforme annoncée, qui veut diminuer drastiquement les droits des chômeurs sous prétexte fallacieux de faciliter le retour à l’emploi et qui n’aboutira qu’à une paupérisation plus grande et une précarisation plus grave. Se souvient-on de cette réplique abominable du président : « Le travail ? Il suffit de traverser la rue pour en trouver » ? Nous refusons le corporatisme qui alimente les divisions attisées par le pouvoir. Nous nous préoccupons des convergences des luttes. Les étudiants-acteurs qui occupent d’autres théâtres viennent expliquer leur situation sur la Place de l’Odéon. Les principes qui nous guident, liberté, égalité, fraternité, diversité, transversalité, interactivité, créativité. La culture, que les gouvernants veulent, à leur manière, engloutir dans une forme inversée de la cancel- culture, est le ciment social par excellence, avec l’entraide et la solidarité. Les spectacles vivants ne peuvent plus se contenter des équipements spécifiques, les théâtres, les opéras, les salles de concerts. Les spectacles vivants doivent se jouer dans tous les lieux publics, dans les complexes sportifs, dans les marchés couverts, dans les parcs et les jardins, dans les cités périphériques, dans les banlieues exclues. La culture doit aller au-devant du public, se délivrer des postiches,des fétiches, des frivolités narcissiques, des puérilités flatteuses, des cérémonies indécentes. 

Mustapha Saha : La stratégie proclamée, qui n’est qu’une misérable tactique, vise cyniquement les pôles de sociabilité, les urbanités fédératives, les affinités réfractaire. L’objectif est clair, l’atomisation sociale. Chaque individu dans sa bulle, dans son portable, dans son ordinaire, définitivement décroché du monde réel. Les comportements sont disciplinarisés, enfermés dans le consumérisme. Le confinement commence et s’achève dans les supermarchés. Les comportements se robotisent à marche forcée. L’état d’urgence se perpétue. L’état d’exception devient la norme. Simulacre et simulation. Les prévisions dystopiques de Jean Baudrillard se réalisent. 

Marc Slyper : Les étudiants-acteurs se retrouvent aujourd’hui sans allocations, sans débouchés, sans perspectives d’avenir. Le gouvernement refuse de leur octroyer le RSA (Revenu de Solidarité Active). Tant que les droits sociaux ne seront pas détachés de l’emploi, les injustices s’ajouteront aux discriminations. Les intermittents ne bénéficient d’aucune reconnaissance d’ancienneté. Ils recommencent, à chaque fois, leur vie professionnelle à zéro. 

Mustapha Saha : La technocratie régnante nie les jeunes comme citoyens, comme acteurs sociaux. La jeunesse est considérée comme un âge d’immaturité. Cette erreur fatale a été commise en Mai 68, quand les politiques ont découvert que la jeunesse est une classe dangereuse. La jeunesse joue sur tous les possibles. Elle détient les clés du devenir et des orientations futures. 

Mustapha Saha / Sociologue, poète, artiste peintre 
Marc Slyper / Musicien, syndicaliste 

Paris, Théâtre de l’Odéon 
13 mars 2021 




 
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