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C’est l’un des plus grands fleuves du monde : une longueur de 4 700 km, un débit de 80 000m3/ seconde, des profondeurs qui atteignent les 200 mètres par endroit du fait de la présence de canyons immergés. Le fleuve Congo prend sa source dans les hauts plateaux de l’Afrique australe avant de se détourner vers l’ouest pour se jeter dans l’Atlantique. C’est un fleuve immense, puissant, autour duquel vivent de nombreux peuples, mais un fleuve encore sauvage et peu mis en valeur.

Un fleuve à vivre et à aménager
Dans l’ouvrage qu’il a consacré au Congo (Congo. Un fleuve à la puissance contrariée, CNRS, 2021), le géographe Roland Pourtier analyse les aménagements réalisés autour de celui-ci et la façon dont la vie s’est organisée autour de cette masse d’eau. Roland Pourtier a découvert le Congo pour la première fois en 1987, envoyé par Roger Brunet pour réaliser l’un des tomes de la Géographie universelle consacrée à l’Afrique. Son livre est une invitation au voyage et à l’analyse géographique. Il réalise ce qu’est réellement la géographie, c’est-à-dire une étude des paysages, des organisations humaines, des aménagements, des contraintes géologiques et topographiques et de la façon dont les hommes mettent en musique ces contraintes pour les dépasser. La géographie est une belle science, très loin de la mélasse socio-environnementale servie dans les programmes du collège et du lycée.

Comme le montre Roland Pourtier, autour du fleuve s’est notamment développé « un peuple de la pirogue ». Le fleuve fourni du poisson, qui peut être consommé, il est aussi un flux de transit et d’échanges. Les marchandises circulent sur le fleuve, à bord d’immenses pirogues, dont certaines atteignent les 30 mètres. Les échanges se font à même la pirogue, chacun monnayant un produit de la ville ou un produit du fleuve : pétrole, piles, singe boucané, savons ou recharges pour téléphone. La grande nouveauté est l’apparition des moteurs hors-bord qui rendent inutile l’usage des pagaies, qui permettent de remonter plus aisément le courant et de circuler dans des bras du fleuve autrefois difficilement accessibles. Un grand nombre de ces moteurs sont de fabrication chinoise. Ils sont en train de changer la perception de l’espace et du temps sur les rives du fleuve.

Évolution du Congo
De 10 millions d’habitants en 1950, le Congo est en passe d’atteindre les 100 millions d’ici quelques années. Une croissance démographique que n’a pas accompagnée la croissance économique et la croissance des infrastructures. 

Deux villes émergent : Brazzaville et Léopoldville, devenue Kinshasa. Capitale du petit Congo, Brazzaville compte près de 2 millions d’habitants quand Kinshasa, capitale de la RDC en compte 15 millions. Les deux villes se font face sur le fleuve. On y retrouve les bidonvilles, les habitats précaires et insalubres, les entassements des populations venues de la campagne vers la ville pour y trouver une vie meilleure, et aussi les quartiers internationaux, plus luxueux, mieux aménagés et des quartiers résidentiels fermés et sécurités, réservés à l’élite noire qui a réussi dans les affaires et dans la politique. Le brinquebalement de ces villes et ces paysages si différents à quelques centaines de mètres de distance est typique de ces mégapoles des pays émergents. Tous les problèmes du pays s’y retrouvent et s’y condensent.

Le rapport à la mémoire est lui aussi très particulier et fort différent de ce qui est vécu en Europe. Alors que les Belges se prennent d’une honte soudaine pour leur passé, la statue équestre du roi Léopold trône toujours à Kinshasa. Les Congolais les plus anciens n’ont pas oublié la période belge, et les écoles, les routes et les hôpitaux qui ont été avec. Savorgnan de Brazza dispose d’un grand mausolée, inauguré en 2006, et où ont été transférés les restes de l’explorateur. Ce mausolée a été édifié à la demande du roi Makoko Gaston Ngouayoulou, roi des Téké, l’une des plus grandes ethnies du Congo, dont l’ancêtre avait été l’allié de Brazza et que l’explorateur avait soutenu lors de conflits locaux. Le monument devait même à l’origine être construit à Mbé, l’ancienne capitale des Téké, mais il fut finalement édifié à Brazza, à la demande du gouvernement congolais.

Ces hommes et ces événements font partie de l’histoire des deux Congo, comme le rôle joué par Patrice Lumumba dans le processus d’indépendance. En les honorant, les gouvernements contribuent à montrer l’unité de leur pays et à créer une identité nationale qui est encore très loin aujourd’hui de s’imposer à l’ensemble de la population.

Jean-Baptiste




 
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