Marie Durand Michel Agénor Altaroche est né le 18 avril 1811 à Issoire (Puy-de-Dôme), mort le 13 mai 1884 à Vaux, commune de Méry-sur-Oise (Val-d'Oise). Il fut un journaliste, chansonnier et homme de lettres français, commissaire du Gouvernement provisoire pour le Puy-de-Dôme en 1848, représentant de ce même département à l’Assemblée constituante de 1848.
L’impôt du pauvre
Le percepteur trouve qu’on tarde ;Il veut être payé ce soir.– J’ai quelques sous, mais je les gardePour vous acheter du pain noir.Si je n’en porte à votre mère,Enfants, la soupe manquera!…– Va payer l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.Le travail, toute la semaine,Charge mes membres harassés ;Eh bien! Que m’importe la peine,Lorsque pour vous je gagne assez!Le soir, en me couchant, j’espèreQu’un meilleur jour demain luira…– Va payer l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.– La faim!… par les miens endurée!…– A l’Etat il faut de l’argent,Et c’est pour nourrir sa livréeQue le lise se montre exigeant.Le budget qu’on nous délibèreA plus d’un milliard montera.Va payer l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.– Quoi! Pas de pain pour ma famille!– Le trône a besoin de splendeur.On veut que tout courtisan brille ;Au pays cela fait honneur.Tout l’hiver, chaque ministèrePar ordre de jours recevra.Va payer l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.– Pour engraisser leur politiqueFaudra-t-il vendre nos haillons!– A nos vieux amis d’AmériqueOn a pavé vingt-cinq millions.Le czar présente avec colèreUn vieux compte… on le réglera.Va payer l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.– Ma bourse et mon buffet sont vides…– Paris de merveilles s’emplit,On bâtit des palais splendides,Versailles même s’embellit.Tribut d’une terre étrangère,L’obélisque se dressera.Va payer l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.– Avoir faim! Ô pensée affreuse!– On a faim dans tous les pays.Des pauvres la race est nombreuse ;Ils en ont cent mille à Paris.Gras de luxe et de bonne chère,Jack au fond d’an palais vivra.Va paver l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.– Chers enfants! Souffrir à votre âge!– L’argent du fisc est bien placé.Il fallait un pont au village,C’est un chemin qu’on a tracé.Le préfet possède une terre,Tout près la route passera.Va payer l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.– Payer, quand chez moi la disette…– C’est là notre rôle éternel ;Nous payons pour notre piquette,Pour notre hutte et notre sel.Ces taxes, incurable ulcère,Le riche seul les votera…Va payer l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.– Enfants, le besoin vous dévore ;Je dois garder mes derniers sous!– Qui dort dîne… Il nous reste encoreUn seul lit pour nous coucher tous.Paie… ou ce grabat de misèreLe recors demain le vendra.Va payer l’impôt, pauvre père ;Nous mangerons… quand Dieu voudra.