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Les élections présidentielles de 2022 ont tôt fait d’occulter la plupart des actualités. Il n’empêche que les débats et polémiques de l’entre-deux-tours n’interrompent pas le processus législatif : le 13 avril 2022, une ordonnance en faveur des privilèges, immunités et facilités accordés principalement aux organisations internationales ayant leur siège ou un bureau en France a été adoptée.

Publiée au Journal officiel le 14 avril, l’ordonnance no 2022-533 a de quoi faire pâlir tout citoyen en quête d’équité sociale.

Une ordonnance passée sous les radars
À la date du 18 avril 2022, nous n’avons repéré aucun média mainstream ayant fait de ce texte de loi l’un de ses titres, l’actualité étant largement occupée par l’entre-deux-tours et la guerre en Ukraine.

Le nombre de références à l’ordonnance no 2022-533 sur les moteurs de recherche ou au sein des médias alternatifs était tout aussi famélique, malgré un contenu de nature à éveiller fort naturellement la curiosité et la vigilance citoyennes.

Ordonnance ou passe-droit temporaire ?
L’ordonnance no 2022-533, établie à partir d’un rapport du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et constituée de 19 articles, énonce « la nature, les conditions et les modalités d’octroi par le Gouvernement de privilèges, immunités et facilités à des organisations internationales, des agences décentralisées de l’Union européenne et à certaines associations ou fondations ».

L’ordonnance entend par organisation internationale « une institution créée par un accord international, constituée d’États et dotée d’une personnalité juridique internationale propre ». Le Sénat en répertorie dans ce document accessible en ligne : on peut y trouver l’Onu, l’OMS, la Banque centrale européenne, le FMI, ou la Commission européenne. Elle n’est pas complète, puisque certaines organisations comme le Forum économique mondial, n’y figurent pas.

Ces avantages peuvent être octroyés « par décret en Conseil d’État, à titre temporaire, à une organisation internationale qui installe son siège principal ou un bureau en France, dans l’attente de l’entrée en vigueur d’un accord international entre la France et cette organisation lui conférant de tels privilèges, immunités et facilités. […] dans la limite d’une durée de vingt-quatre mois à compter de la date de parution du décret ». Si cet accord international a été conclu, mais n’est pas en vigueur à l’expiration de ce délai, il pourra être « prorogé d’une durée n’excédant pas douze mois ».

Certains de ces avantages pourront également être octroyés à une organisation internationale qui organise une conférence internationale sur le territoire français.

Des exonérations en cascade
Même s’ils ne sont que temporaires, examinons de plus près les avantages prévus pour une organisation internationale, tant pour les personnes physiques que morales. Les exonérations énoncées sont nombreuses : exonération de TVA « sur les livraisons de biens et les prestations de service destinées à son usage officiel » ; de taxe d’habitation ; de divers droits de douanes et taxes, par exemple sur le carburant et le fioul domestique de chauffage, ou sur l’achat de vins et d’alcools dans les limites d’un quota annuel ; de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ; de taxes sur l’achat de véhicules de service, de l’impôt sur le revenu sur les traitements et salaires versés en France par l’organisation internationale. La liste n’est pas exhaustive.

Immunités et exemptions
L’organisation internationale aura également le droit de :
« délivrer des laissez-passer et de les faire reconnaître par les autorités françaises comme des documents de voyage ».
Ses fonctionnaires auront droit à « l’immunité de juridiction pour les seuls actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions officielles, y compris leurs paroles et écrits pour lesquels cette immunité perdure à l’expiration de leurs fonctions ». Une forme d’immunité juridique ?

Le gouvernement pourra « solliciter auprès de l’organisation internationale la levée des immunités octroyées en application de la présente ordonnance si elles peuvent être levées sans porter préjudice aux intérêts de celle-ci ». Si les intérêts nationaux et ceux de l’organisation internationale étaient mis en danger, on peut se demander lesquels seront protégés en priorité…

L’ordonnance, un outil ministériel et présidentiel avant tout
Un rappel de la définition juridique d’une ordonnance s’impose. Selon le site officiel du gouvernement vie-publique.fr :
« Le Gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre lui-même des mesures relevant normalement du domaine de la loi, afin de mettre en œuvre son programme (art. 38 de la Constitution). L’autorisation lui est donnée par le vote d’une loi d’habilitation. Ces actes sont appelés des ordonnances. […] Les ordonnances sont ensuite prises en Conseil des ministres et doivent être signées par le président de la République. […] Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication. »
Si le Parlement semble évincé du processus de décision, il devra tout de même ratifier ou non le texte : « Une fois ce projet déposé, soit l’ordonnance est approuvée (ratifiée) par le Parlement et acquiert la valeur de loi, soit le Parlement refuse la ratification et l’ordonnance devient caduque, l’état du droit antérieur étant rétabli. »

Des questions au sujet de ce texte méritent assurément d’être posées : le délai de demande de ratification du Parlement sera-t-il respecté et l’ordonnance se transformera-t-elle alors en loi durable ? Quels sont les raisons et les objectifs de ces privilèges, immunités et facilités ? Pourquoi les avoir mis en place en urgence et en catimini en pleine période électorale ? Les vainqueurs des élections en changeront-ils par la suite le caractère temporaire avec une nouvelle ordonnance ?…

[Source : Nexus]













 
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