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Décidément, la presse grand public choisit ses sujets et sans prendre beaucoup de risques, on peut déjà parier que les prochains jours verront se développer une titraille toute en finesse sur le thème du réchauffement climatique et de l’abomination que constituent de fortes chaleurs en plein mois de juillet. C’est pratique, cela permet d’éviter consciencieusement d’autres sujets, plus embarrassants pour elle et pour ceux qui la subventionnent massivement.

C’est probablement pour cela que leurs gros titres de Une ne se consacrent guère à ce qui se passe dans certains pays, comme le Sri-Lanka et les Pays-Bas.

Dans le premier, la situation du pays, largement dégradée par la chute du secteur touristique notamment liée aux mesures Covid, des baisses massives de recettes fiscales et une volonté de limiter la dette et les importations, s’est complètement effondrée : la décision de tout passer en « bio » fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase srilankais.

La suite, à base de paysans fort mécontents, de foules envahissant le palais présidentiel et démettant de force le gouvernement du moment a donné lieu à quelques articles de circonstance, s’empressant d’ailleurs de mentionner la situation économique catastrophique du pays bien avant les décisions agricoles qui mirent un dernier clou dans le cercueil du gouvernement ; il ne faudrait pas que des causes similaires provoquent des effets comparables dans des campagnes plus proches de nous…

On arguera sans mal que le Sri-Lanka, c’est loin, c’est un petit pays, relativement pauvre et dont l’importance géostratégique est faible et que ceci explique ce nombre finalement réduit d’articles consacrés à ces événements.

Soit.

Cependant, on pourra remarquer un phénomène très similaire concernant les Pays-Bas : là encore, l’agriculture y souffre des mouvements sociaux notables qui ont largement débordé de leur cadre habituel et démocratique pour se traduire par des manifestations majeures, des blocages divers (y compris d’aéroports) et des protestations de plus en plus fermes des agriculteurs. La police a même fait feu sur des manifestants pourtant désarmés ce qui pourrait surprendre dans un pays qu’on classe d’habitude dans les démocraties en bon état de marche.

Le pays n’est pas pauvre, au contraire. Il n’est pas loin de nous, c’est même un voisin proche. Son importance géostratégique est certainement plus élevée que le Sri-Lanka mais le nombre d’articles que la presse grand public lui consacre est encore plus faible que pour le Sri-Lanka.

Malheur aux Bataves qui n’ont pas la bonne colère…

Il faut dire que, comme le titraillent fielleusement certains sites, les paysans néerlandais sembleraient se plaindre de ne pouvoir conserver l’agriculture intensive (qui, comme chacun sait, ne fait rien qu’à tuer des chatons communistes) ; plus exactement et sans prendre un parti pris trop outrancièrement écoloïde, ces agriculteurs protestent contre de nouvelles exigences gouvernementales visant à réduire les émissions de dioxyde de carbone (un classique) et d’oxyde d’azote (ce qui est assez phénoménalement stupide, mais au point où nous en sommes…).

Concrètement, ce plan vise une baisse des émissions de 40%, ce qui se traduit par environ 30% de bétail en moins, et entraînera immanquablement des faillites et des fermetures d’exploitations de petite et moyenne taille d’ici 2030, objectif choisi par le gouvernement néerlandais manifestement sans discussion préalable avec les concernés. Cet objectif veut aussi dire un abandon rapide de toute autonomie agricole pour les Pays-Bas qui se retrouveront dépendants de leurs importations (alimentaires notamment) une fois ces objectifs insensés atteints.

D’habitude, le fait que des agriculteurs se battent pour conserver leur exploitation déclenche un peu plus d’intérêt de la part de nos journalistes éco-conscientisés. La presse Gaïa-compatible est toujours prompte à rapporter les combats des petits contre les grands, les colères bataves s’inscrivant précisément dans ce genre de conflit entre les gros industriels et les petits exploitants. Et tout le monde connaît (ou devrait connaître) l’implication consciencieuse des Néerlandais dans la protection et la sauvegarde de leur environnement qui n’est pas un vain mot chez eux.

Mais non, décidément, le sujet ne mérite pas plus que quelques articles.

On arguera (avec une solide mauvaise foi ou un oubli commode de toute prise de distance) que les centres d’intérêts français sont trop éloignés de ce genre de sujets pour qu’ils soient abordés dans notre presse nationale. On n’expliquera alors pas du tout l’engouement gluant de la même presse lorsqu’il s’agit de commenter la dernière fusillade américaine ou, encore mieux, les péripéties autour de Roe vs Wade : des décisions d’une justice étrangère sur un territoire étranger qui n’impactent absolument en rien la justice française semblent déclencher beaucoup plus d’intérêt qu’un pays voisin qui menace, à terme, de couper sa production agricole dans des proportions dangereuses et qui préfigure assez bien de ce qui va débouler dans nos champs et nos campagnes, leurs lois étant – au contraire de Roe vs Wade – calquées sur les directives européennes que nous, Français, devrons un jour suivre à notre tour.


Le fait que ces tensions et ces mouvements sociaux touchent un pays d’habitude très calme et plutôt habitué au dialogue social ne semble là aussi pas entrer en ligne de compte. Que tout ceci présage d’un automne ou d’un hiver quelque peu bousculé non plus : ces tensions éclatent alors même que ni les Néerlandais, ni les Français n’ont encore réellement subi de gros problèmes énergétiques. Ces mouvements sociaux devraient servir à donner la température européenne, et seraient en toute logique d’excellents marqueurs de problèmes à venir qu’il importerait de mentionner et d’analyser en détails dans une presse un tant soit peu en prise avec la réalité.

Il n’en est rien.

Enfin, on ne s’empêchera pas de noter que cette précipitation néerlandaise à vouloir ainsi saboter son agriculture et ses exploitations de tailles inférieures s’incrit un peu trop commodément dans un agenda écolo-marxiste de remembrement, centralisation et redistribution des terres en les concentrant dans des firmes et industries de grande taille, de façon autoritaire.

Le vernis environnemental (« c’est pour lutter contre le réchauffement trucmuche, bien sûr ! »), badigeonné par le gouvernement batave et consciencieusement repris dans les quelques articles francophones qui abordent la question, ne sert réellement que de prétexte à ce qui s’apparente bien plus à une mise en coupe réglée du pays pour quelques intérêts agro-alimentaires bien concentrés. Là encore, ce qui aurait déclenché des hurlements de tout l’establishment bien-pensant français n’a rien déclenché du tout : quelques lignes dans Le Figaro, un article dans La Croix, rien de profond et passons à la suite.

Il faut se rendre à l’évidence : les médias grand public ne répondent absolument plus à l’impératif d’informer. Devenus de simples organes de propagande autant par la force des choses que par avachissement dans la facilité médiocre de la subvention, ils présentent une réalité alternative et tentent de la faire vivre du mieux qu’ils peuvent pour coller à un corpus idéologique de plus en plus foutraque.

De même que se sont effondrés les standards en terme d’éducation, de services publics ou de politiciens, les standards de la presse se sont complètement évaporés.

Cette presse est foutue. Et c’est très bien ainsi.



 
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