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Le nombre restreint d'ouvrages consacrés aux Chibanis résonne comme une carence. Cela s’apparenterait à une sorte d’amnésie pour cette population de la vie sociale. Face à ce paradoxe, il est important de raviver la mémoire et l'histoire de la première génération des Marocains expatriés.

Ces anciens originaires du Maghreb, que nous admettons aujourd’hui précarisés par un sentiment de multi-appartenance, incarnent expressément une donnée académique d'études sociologiques. Celles de l’entre-deux, dont le postérieur est suspendu entre deux chaises. Avec l’avancée en âge, ces ex-travailleurs, ayant fondé toute leur vie en France, sont morcelés entre deux existences. Ces retraités ne peuvent endosser cette complexité d’attachement plural que par les allers-retours ininterrompus entre les deux rives, tant que les moyens financiers et santé le leur permettent encore.

Considérés dans leur pays d'accueil comme immigrés, ils le sont de la même manière, sur l’autre rive, en tant qu’émigrés. De retour pour un bref séjour au pays, presque tous déplorent le fait qu’ils ne soient pas considérés comme des nationaux à part entière. Tous ces vieux migrants représentent une image affectée de cette non-appartenance à la citoyenneté, le propre si caractéristique de l’épreuve migratoire. Tiraillés depuis plus d'un demi-siècle entre ici et là-bas, vieillissants, mais encore alertes, la plupart de ces Chibanis perdurent à ressentir leur situation d’oiseaux migrateurs.

Ils occupent bien souvent le même logement depuis des décennies, devenu inadapté. La situation se dégrade davantage pour les personnes isolées, pour la plupart vivant dans des foyers insalubres où l’hébergement était censé être temporaire. Les revenus du migrant sont généralement modestes, ils affectent par conséquent, une alimentation saine, l’accès à des soins adéquats, services et avantages basaux.

La forte pénibilité de leur emploi a enclin des maladies chroniques, de chômage et une retraite souvent anticipée, sans compter les fausses déclarations de nombreux employeurs. Faire valoir ses droits est un véritable parcours du combattant pour ces mercenaires d'une autre époque. Au joug administratif suspicieux, s’ajoute la barrière de la langue et les multiples contrôles dont ils font l’objet. Une vulnérabilité qui les fait souvent passer à côté de leurs droits fondamentaux, les exposant à l’exclusion sociale.

Perçus à tort comme une lourde charge dont il faudrait s’accommoder, ces anciens sont un vivier de transmission culturelle. Sortir la personne âgée de son isolement, quel que soit ses origines, c’est lui permettre de s'épanouir. Il est urgent de remettre au centre de nos préoccupations sociales la valeur de dignité humaine, au vu du contexte social discriminant envers cette population très vulnérable.

 EHS

 

 
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