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L'Union européenne (UE) commence déjà à douter du plan d'action signé fin novembre 2015 à Bruxelles avec Ankara. Les Vingt-Huit espéraient surtout qu'il aboutisse vite à un arrêt brutal des flux de migrants. Or, les chiffres restent pour l'instant importants : environ 2 000 passages par jour depuis le 1er janvier entre la Turquie et les îles grecques de la mer Egée.

« Nous sommes loin d'être satisfaits » , a avoué Frans Timmermans, le premier vice-président de la Commission européenne, qui a mené les négociations avec la Turquie. Dimanche 10 janvier, il se rendra à Ankara pour évaluer les efforts déployés par les Turcs.

La Commission a accueilli favorablement l'imposition par Ankara de visas pour les Syriens qui arrivent en Turquie depuis des pays tiers. Introduite vendredi 8 janvier, cette mesure ne concerne pas les réfugiés arrivés par voie terrestre . « Il ne faut pas s'attendre à ce que cet accord produise ses effets tout de suite », prévenait, en décembre, une source proche des discussions .

Selon les humanitaires, les deux tiers des réfugiés qui tentent la traversée de la mer Egée vers les îles grecques viennent du Liban. Ces derniers temps, plusieurs compagnies aériennes avaient d'ailleurs ouvert de nouvelles lignes (Beyrouth-Adana, Beyrouth-Antalya, Beyrouth-Izmir) pour les candidats à l'exode. Avec la nouvelle régulation, près de 400 Syriens sont restés bloqués à l'aéroport de Beyrouth vendredi. Ils ont été reconduits à Damas.

« L'introduction de visas pourrait permettre un meilleur contrôle et une limitation des réfugiés syriens venus du Liban, de Jordanie, d'Egypte, considère Metin Corabatir, du Centre de recherche sur l'asile et la migration à Ankara . Mais il faudrait que l'UE conclue des accords semblables avec la Jordanie et le Liban. La situation des réfugiés dans ces pays empire. Voilà pourquoi ils tentent leur chance vers l'Europe via la Turquie. »

Déterminés
Pour M. Corabatir, « le principal problème est l'absence de protection, les pays d'accueil ne leur reconnaissant pas le statut de réfugiés. La situation ne va pas changer du jour au lendemain. Ça n'est pas comme si on pressait sur un bouton et ça marche... »

La Turquie, qui héberge 2,2 millions de Syriens, va essayer de les retenir en facilitant leur accès au marché du travail, à l'éducation, à la santé. Beaucoup de capitales européennes sont pourtant déçues, moins d'ailleurs par le manque supposé de coopération d'Ankara - beaucoup doutaient depuis le début des négociations de la « fiabilité » du partenaire turc. Mais les Européens espéraient au moins que l'hiver se chargerait de décourager les migrants de prendre la mer. Or, il n'en est rien.

Pour le moment, les candidats au départ sont toujours aussi déterminés et les passeurs toujours aussi actifs. Ainsi, 36 personnes, dont plusieurs enfants, qui tentaient de rejoindre la Grèce sur des canots pneumatiques, sont mortes noyées mardi 5 janvier au large des côtes turques.

En échange de la limitation des flux, l'Europe s'était engagée à verser 3 milliards d'euros à Ankara pour l'aider à faire face. Or, l'argent n'est toujours pas sur la table. Les 28 membres de l'Union ont passé le mois de décembre à se défausser, refusant pour la plupart de prendre sur leurs propres budgets nationaux, préférant que l'argent soit prélevé sur le budget de l'UE. A la fin du mois, un accord était en vue, mais finalement rien n'a été signé.

Les Turcs ont un autre sujet de contrariété. Le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan voulait que l'Europe mette en place un canal légal de migration pour les réfugiés : un certain nombre d'entre eux auraient été sélectionnés sur leur territoire, puis répartis en Europe. Berlin est très favorable à cette solution, mais jusqu'à présent, les quelques pays d'accord pour en discuter, notamment la Belgique et les Pays-Bas, ont refusé de participer à ces programmes tant que le flux des migrants illégaux ne serait pas « très considérablement » diminué .

Pour l'heure, Ankara s'attend à un nouvel afflux de réfugiés. « Les bombardements indiscriminés de l'aviation russe sur les régions d'Alep, d'Idlib, de Damas, de Lattaquié exposent la Turquie à de nouvelles arrivées de réfugiés. A Madaya [ville proche de la frontière avec le Liban] , plusieurs personnes sont récemment mortes de faim » , rappelle Kinik Kerem, vice-président du Croissant-Rouge turc.

Cécile Ducourtieux et Marie Jégo
 
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