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L’enregistrement ci-après, reproduit le contenu de l’émission du mardi 28 novembre 2017 (19 h à 21 heures) « Houreytec » (ta liberté) animée par Laila Ben Larbi sur Radio Atlantic (Casablanca).


Lors de cette émission à laquelle l’auteur de ces lignes a été invité à participer en tant que chercheur en migration au côté d’un grand nombre d’auditeurs, le thème débattu renvoie à la question de savoir si le Maroc était en capacité d’intégrer les immigrés régularisés. Il fait état aux affrontements qui ont eu lieu dernièrement au quartier Derb El Kebir près de la gare routière d’Ouled Ziane (Casablanca) entre des immigrés africains subsahariens qui ont vu un de leurs campements avec des abris précaires incendié et de jeunes marocains du quartier. 

En respectant le choix éditorial de l’émission arrêté par Radio Atlantic, on aurait préféré de notre côté que les échanges tournent autour de la question suivante : comment agir pour faire réussir la nouvelle politique migratoire d’immigration et d’asile au Maroc, avec l’implication de toutes les parties concernés et l’apport de tout un chacun ? 

Bien entendu, chacun est libre d’exprimer son opinion, personne ne détenant la vérité absolue. Mais on regrettera qu’un certain nombre d’interventions d’auditeurs et d’auditrices (pas tous heureusement encore une fois), expriment plutôt certaines positions insoutenables touchant à la dignité des immigrés africains subsahariens et frisant le racisme et l’incitation à la haine qui sont à combattre sans ménagement, non seulement au niveau du débat public démocratique, mais également par une stricte législation qui fait encore véritablement défaut. 

Sur ce point, une remarque constructive de forme à l’émission. « Houreytec » a acquis une longue expérience dans la mise en discussion sur des sujets divers d’actualité, parfois très sensible. Le fait d’ouvrir l’antenne aux maximums d’auditeurs et de ne pas laisser la parole monopolisée par l’invité de l’émission est louable. Mais le fait de lui couper le micro et de ne l’ouvrir très brièvement qu’après un certain nombre d’interventions, empêche de réagir instantanément et à chaud sur certains aspects (parfois) inadmissibles qui nécessitent une réaction sur le champ, comme ces déclarations qui frôlent ou se situent même dans un esprit raciste 

Sur le fond, toujours est-il que la nouvelle politique humaniste et inclusive du Maroc en direction de l’immigration étrangère dans notre pays, a besoin d’être largement expliquée et explicitée par les responsables multidimensionnels du dossier pour mettre en avant sa raison d’être et tordre le cou à un grand nombre de préjugés et de stéréotypes qui parasitent et occultent sa compréhension véritable. 

Dans son intervention magistrale à Abidjan le 28 novembre 2017 au Sommet Union Africaine - Union Européenne en tant que Leader de l’Union Africaine sur la question de la migration, le Roi Mohammed VI invitait notamment tout un chacun à «faire de l’immigration un sujet de débat apaisé et d’échange constructif », regrettant vivement les déformations de représentation auxquelles est soumis le fait migratoire : « on le fige et on le généralise dans les représentations stéréotypées : à travers des images de déferlement de personnes sans travail et sans ressources, parfois aux profils douteux ». 

De notre point de vue, ces remarques lucides ne concernent pas uniquement les « populations européennes qui appréhendent un tel afflux massif et le ressentent comme une menace ». Elles sont à étendre ici même au Maroc, en lien avec ce qui a été exprimé par beaucoup d’auditeurs dans le cadre de l’émission « Houreytec » mais que l’on retrouve malheureusement également dans les réactions exprimées au niveau de nombreux sites et sur les réseaux sociaux lorsque l’on parle de l’immigration étrangère au Maroc et de la nouvelle politique marocaine en la matière.

Cette dernière est présentée en effet comme une politique en concurrence et en compétition avec les intérêts des Marocains, et comme source profonde de la crise économique et sociale et de tous les maux que connaît le Maroc.

Bref, selon cette vision négative, l’immigration étrangère au Maroc, surtout celle bénéficiant de la régularisation de la situation administrative, serait non pas une force positive, une opportunité avec un apport multiforme, mais un ensemble de risques, de dangers, voir une très grave menace pour le pays et pour les Marocains sur tous les plans et par conséquent un fléau à combattre !!!

Encore une fois, la perception péjorative qui domine de plus en plus dans notre pays a fortement besoin d’être corrigée, arguments de persuasion à l’appui. La nécessité d’un travail pédagogique d’explication et de sensibilisation s’impose concernant la question migratoire au Maroc pour couper court à une certaine forme dangereuse de montée du populisme, sérieusement néfaste au vivre ensemble. 

La nouvelle politique migratoire du Maroc (immigration étrangère au Maroc), malgré certaines faiblesses qu’il s’agit de dépasser, est une option sociétale moderniste, civilisée et courageuse à défendre et à faire réussir. C’est la responsabilité des gestionnaires du dossier de l’immigration étrangère, de la société civile, des acteurs économiques et sociaux, de l’appareil éducatif à tous les stades, des médias...

Rabat, le 3 décembre 2017 

Abdelkrim Belguendouz
Universitaire à Rabat, chercheur en migration 







 
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