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On a appris que la commémoration de la victoire de 1918, ne donnera pas lieu à un défilé militaire car, selon les autorités politiques, cela donnerait une expression trop militaire à l’événement. 

On a également appris que les modalités de cette célébration ont été négociées (sic) avec l’Allemagne. Ainsi quand nos alliés britanniques célèbrent la victoire militaire, la France s’abaisse-t-elle à négocier cette célébration avec l’ancien ennemi, avec une Allemagne redevenue sure d’elle et dominatrice.

On ne saurait mieux trahir la mémoire des combattants.
L’Élysée a déclaré que « le sens de cette commémoration, ce n'est pas de célébrer la victoire de 1918 ». 
Alors que célébrera-t-on ?

Je veux bien que l’absence d’esprit national ait gagné les plus hautes sphères de l’État mais il y a tout de même des limites ! 

Il faut avoir des égards vis à vis de nos combattants, vis-à-vis de nos alliées et vis à vis de tous ceux qui ont contribué à l’effort de guerre.

Et je pense ici aux innombrables combattants venus d’Afrique, du Maghreb, d’Asie. 

Je voudrais avoir une pensée particulière pour tous les soldats musulmans qui ont participé aux combats de 1914-1918 et qui ont donc leur part dans la victoire finale.

Au Maroc, Lyautey avait aidé le Sultan à reconstituer une armée. 

Les troupes marocaines engagées sur le front se distinguèrent vite, notamment lors des combats sur l’Ourcq au début septembre 1914. Les Marocains combattront ensuite dans toutes les grandes batailles de la guerre : l’Artois en 1915 : à Vimy en mai 1915 où les tirailleurs marocains perceront les lignes allemandes ; Verdun et la Somme en 1916. En 1917, lors de l’offensive du Chemin des Dames, ils perceront plusieurs lignes allemandes. On les retrouve aussi lors de la bataille de l’Aisne en juin 1918.

D’autres se battront dans les Balkans au cours de combats dans les montagnes du nord de la Grèce aux confins de la Macédoine et de l’Albanie. Les Marocains se couvriront de gloire lors de la bataille d’Uskub en 1918.

Environ 40 000 soldats marocains serviront pendant la Première Guerre mondiale. Du fait de leur bravoure, les régiments marocains et leurs soldats recevront plusieurs distinctions. 

Le taux des pertes sera pratiquement le même que les troupes françaises, environ 25%. Il faut donc réfuter la légende selon laquelle les troupes dites indigènes furent de la chair à canon. 

Il faut également rappeler que cet effort de guerre fut celui d’un pays sous protectorat français. Le Maroc n’était donc pas soumis aux mêmes contraintes que les départements français d’Algérie ou que les colonies.

En juillet 1926, fut inaugurée la Mosquée de Paris construite par les Marocains, sur le modèle de la Qaraouiyine de Fès, pour rendre hommage aux dizaines de milliers de musulmans morts pour la France durant la première Guerre mondiale. Le sultan Moulay Youssef présidera les cérémonies d'inauguration. 

Après le déclenchement de la guerre, en 1939, le Sultan Mohammed ben Youssef, le futur Mohammed V, ordonna de lire dans les mosquées du royaume un appel solennel en faveur de la France et de ses alliés. 

On sait que les troupes marocaines qui participèrent aux combats firent preuve d’une grande vaillance, comme d’ailleurs, il ne faut pas l’oublier, de très nombreux régiments métropolitains. 

Les soldats marocains se couvrirent de gloire sur de nombreux fronts. Les 1er, 2ème et 7ème RTM jouèrent un rôle déterminant dans la résistance victorieuse de la poche de Gembloux. Le 1er RTM chargea à la baïonnette et fit reculer les panzers allemands à Marbaix[1] . La 1ère brigade de spahis gagna le titre de « seule invaincue de la débâcle », après avoir combattu du Luxembourg à l’Aisne, puis sur la Somme, la basse Seine, le Loire et le Rhône. Le 2ème RSM résista jusqu’au dernier homme à La Horgne…

Hélas vint la défaite. 

On connait l’appel du 18 juin du général de Gaulle qui fut l’acte de baptême de la Résistance. On connait moins un autre appel, celui du souverain du Maroc qui affirmait, avec beaucoup d’élégance et de lucidité, le lendemain de l’armistice du 22 juin que « ce serait un crime que de douter des destinées de la France » 

Ainsi, alors que des Français renonçaient au destin de la France, le Roi du Maroc « proclamait ces paroles de confiance qui créaient un lien indissoluble entre les deux nations. » 

Sous l’impulsion du Sultan, le Maroc allait donc jouer le jeu de la Résistance française, notamment en aidant à la constitution secrète de l’armée de la revanche et en dissimulant armes et munitions à la commission de contrôle germano-italienne mise en place selon les accords de l’armistice. 

Tous les Marocains juifs se souviennent également avec émotion du ferme refus opposé par le Sultan à l’application des lois du gouvernement de Vichy contre les juifs. 

Lorsque l'armée française reprend sa lutte contre les Allemands, les Marocains rejoignent en masse l'armée de la Libération. C’est aux Marocains que revint l’honneur de participer aux côtés des insurgés corses à la libération du premier département français. Le 30 septembre 1943, les tirailleurs marocains du 1er RTM se lancèrent à la conquête du col de San Stefano et le 2 octobre le 2e GTM enleva de haute lutte le col de Teghime. Le 4 octobre les goumiers furent les premiers à pénétrer dans Bastia

Puis ce sont les combats de Sicile, d'Italie, de Provence, des Alpes, des Vosges, d'Alsace, enfin le territoire allemand jusqu’à la victoire du 8 mai 1945.

Après la capitulation, de l’Allemagne, le général de Gaulle invita le Sultan du Maroc à la célébration de l’anniversaire de l’Appel du 18 juin et, à cette occasion, il lui conféra le titre de Compagnon de la Libération. Le Souverain du Maroc fut le seul chef d’État étranger à faire partie de cet Ordre. 

Charles de Gaulle souhaitait très clairement indiquer que le Sultan Mohammed ben Youssef était bien le seul interlocuteur avec lequel la France devrait construire l’évolution future du Maroc. Les deux chefs d’État allaient ensuite visiter les troupes dans la France libérée, puis le Sultan se rendit en Allemagne auprès des soldats marocains qui lui réservèrent une formidable ovation. 

Sans doute, si le général de Gaulle était resté aux affaires, une page pénible de la relation franco-marocaine nous eut été épargnée. Mais ne refaisons pas l’histoire et constatons simplement qu’après le retour d’exil du Souverain et sa proclamation de l’indépendance le 18 novembre 1955, Mohammed V appela à éviter tout ressentiment anti-français et à nouer avec l’ancienne puissance coloniale des relations nouvelles fondée sur la coopération, le respect et l’amitié

C’est ainsi que s’est consolidé un lien franco-marocain assez exceptionnel. 

L’histoire des relations entre la France et le Maroc, est l’histoire d’une longue amitié. Il serait bien sot de sous-estimer l’importance de cette amitié. 

À Rabat comme à Paris, les dirigeants savent combien l’axe franco-marocain est véritablement stratégique pour les deux nations.

Cet axe entre nos deux vieilles nations est également capital pour entretenir et intensifier le nécessaire dialogue entre les deux rives de la Méditerranée.

Un lien unique nous unit. Il s'est forgé à travers notre histoire commune, assumée dans ses multiples dimensions, du protectorat d'hier au partenariat d'aujourd'hui. Mais il est beaucoup plus qu'un héritage, c'est une réalité qui se construit au quotidien et une promesse pour l'avenir. 

Voilà donc une relation exemplaire. C’est une relation d’amitié qui est bénéfique pour les deux nations et qui est pour nos peuples un capital précieux. 

Si l’amitié franco-marocaine a de beaux jours devant elle, c’est qu’elle se fonde sur l’identité de nos visions, la force de nos valeurs partagées et une loyauté indéfectible – et sur ce point je suis fier que la France ait toujours soutenu la juste cause marocaine contre le séparatisme au Sahara marocain. 

Cette amitié doit permettre de poursuivre notre chemin dans le développement d’une coopération renforcée pour construire ensemble notre avenir, de part et d’autre de la Méditerranée.

* Intervention du DR Chales Saint-Prot au « Colloque Centenaire de la Première Guerre Mondiale 1918 » organisé à la Fondation Charles-De-Gaulle à Paris le 25 octobre 2018.

Dr Charles Saint-Prot
Directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques

[1] Lt-colonel Hurbin « baïonnettes contre chars » in Revue d’histoire des Armées, n°4, 1965, p.102-104. 

 
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