L'homme qui a destitué Habib Bourguiba est mort à l'âge de 83 ans en Arabie saoudite où il s'était réfugié en 2011. Il a régné d'une main de fer durant 23 ans.
Il avait fait carrière comme militaire, en épousant la fille du général Kefi, Naïma, en 1964, il a été propulsé à la direction de la sécurité militaire. Après les émeutes du pain de 1984 qui firent couler le sang à Tunis, il devient le directeur de la sûreté nationale. Le régime Bourguiba vacille, le père de la nation ne disposant plus de toutes ses facultés. Ben Ali profite de la situation. Le 7 novembre 1987, il innove dans l'art du coup d'État. Alors Premier ministre, il convoque sept médecins, leur intimant l'ordre de déclarer le père de l'indépendance « dans l'incapacité d'exercer ses fonctions », car frappé de sénilité. Un « coup d'État médical ». Habib Bourguiba avait été nommé président à vie dans les années 1970.
Son arrivée au pouvoir ouvre une parenthèse optimiste dans le pays, les dernières années de la présidence Bourguiba se jouant dans un théâtre d'ombres peu propice au développement du pays. On raconte que Bourguiba recevant l'ambassadeur des États-Unis avait cru parler à celui de l'Union soviétique. Embarrassant. Lorsqu'il s'empare du pouvoir via ce stratagème médical, il promet ouverture démocratique, entrée du pays dans la modernité politique, multipartisme.
En 1989, il est élu président avec 99,27 % des suffrages exprimés. Il était l'unique candidat. Durant deux années, il y aura un état de grâce Ben Ali. La parenthèse se refermera violemment. L'homme sera systématiquement réélu avec plus de 94 % des suffrages. Dans les bureaux de vote, l'enveloppe était transparente et le bulletin portant son nom était de couleur vive. Cela dissuadait quiconque de voter pour un autre candidat. À quelqu'un qui demandait les autres bulletins de vote, il n'était pas rare que le chef du bureau de vote réponde : « Vote Ben Ali, après je te les donnerai. »
Le 17 décembre 2010, l'arrestation d'un vendeur ambulant de fruits et légumes sera l'étincelle fatale. Mohamed Bouazizi s'immolera face à l'attitude méprisante de quelques policiers. Il mourra dix jours plus tard. Les protestations quittent alors l'intérieur du pays pour toucher Sfax, Sousse, Tunis. La société civile, les avocats, tous rejoignent le mouvement parti de Sidi Bouzid.
Le 14 janvier 2011, 50000 personnes sont massées devant le ministère de l'Intérieur. À 17 h 40, l'avion présidentiel décolle. À son bord, le président et son épouse, leurs enfants. Il tente de joindre la France, mais les autorités refusent. Le Boieng prend la direction de l'Arabie saoudite, refuge des dictateurs en disgrâce. Ben Ali ne quittera plus Djeddah. Les autorités saoudiennes l'accueillent, mais il n'a plus le droit de s'exprimer publiquement. La justice tunisienne les poursuivra, lui et son entourage, dans des dizaines d'affaires. Abus de pouvoir, détournements de fonds, atteinte à la sûreté de l'État… Il est condamné par contumace à des amendes vertigineuses. Et écope de cinq condamnations à la perpétuité.